Entretien avec Patricia Barenfeld, dirigeante et créatrice du cabinet Agir Plus
Les cinq défis de la reconversion
Par Nicolas Deguerry - Le 01 juillet 2009.
Depuis 1987, Agir Plus, cabinet conseil en mobilité et emploi, dispose d'une équipe de vingt spécialistes de la gestion des compétences et de l'accompagnement de parcours des demandeurs d'emplois. Retour d'expérience.
Quels sont aujourd'hui les profils des personnes les plus difficiles à reclasser ?
Premièrement, les seniors, à partir de 45 ans et, surtout, de 50 ans. Le marché est très sélectif vis-à-vis d'eux, même s'ils sont prêts à des concessions salariales très importantes. Il faut cependant distinguer les seniors qualifiés des non qualifiés. Alors que les premiers peuvent s'appuyer sur leur statut cadre et un niveau de formation et de pratique importants, c'est beaucoup plus difficile pour les seconds, notamment ceux issus du bâtiment, qui doivent assumer bas niveau de qualification et pénibilité de leur tâche. Deuxièmement, les primo-demandeurs d'emploi n'ayant jamais travaillé en France, qui cumulent parfois problèmes de langue, qualification insuffisante et diplômes non transposables, ce qui entraîne des contrats précaires ou des emplois sous-qualifiés. La troisième catégorie renvoie à la “fracture numérique" qui touche ceux qui n'ont aucune culture informatique. Il s'ensuit pour eux des difficultés d'adaptation et une incapacité à s'approprier les nouvelles du marché du travail. Quatrième profil, les jeunes qui, à l'exception de ceux issus de l'apprentissage ou de l'alternance, subissent le contrecoup de la crise. Vient ensuite le public issu de la diversité, qui continue de se heurter à la discrimination à l'embauche, bien que les mentalités évoluent. Enfin, il y a les femmes qui, après avoir élevé leurs enfants, décident de retravailler. Cumulant bas niveau de qualification, manque d'expérience et posture décalée par rapport à l'emploi, leur employabilité est très faible.
Quelle est votre analyse du marché du travail en cette période de crise ?
Très profonde et sérieuse, la crise a un impact certain sur le plan humain et social. Nombre de salariés présentent un vrai risque de chômage de longue durée du fait d'un cursus linéaire, avec parfois vingt ans au même poste. Si certains sont prêts à changer de métier, la reconversion n'en est pas moins un “parcours du combattant". Le problème est d'autant plus grave que contrairement à bien d'autres pays, la France ne s'est pas ouverte à la mobilité, comme en témoigne le fait que les jeunes continuent de sortir de l'école sans réelle maîtrise de l'anglais.
Enfin, et de manière tout à fait paradoxale alors que le nombre de demandeurs d'emploi explose, on peut relever que beaucoup de cabinets semblables au nôtre enregistrent un taux de commande de Pôle emploi pratiquement équivalent à celui de 2008. C'est d'autant plus contradictoire que c'est dans ce genre de période grave que les demandeurs d'emploi doivent être le plus offensifs, dynamiques et inventifs, pour notamment créer les nouveaux emplois de demain. Les stratégies existent, mais les moyens financiers ont subi des coupes sombres. Un seul exemple : le bilan de compétences approfondi, véritable outil permettant aux demandeurs d'emploi d'être conseillés et guidés dans un temps relativement court, a vu son tarif divisé par 2,5 !
Propos recueillis par Luc Emeriau et Nicolas Deguerry