Pierre-François Guédon, Compagnon menuisier des Devoirs Unis

Par - Le 01 octobre 2011.

“Surtout, apprendre son métier avant de s'installer"

D'abord formé au métier de psychométricien, Pierre-François Guédon, 42 ans, découvre dès ses premiers stages que la profession ne lui conviendra pas : “sans que cela me déplaise, je ne me voyais pas faire ça toute la vie, c'est un métier usant nerveusement qui réclame d'avoir la foi : le retour avec les handicapés est très lent, j'ai vu des professionnels qui n'y croyaient plus et qui faisaient leur boulot sans plaisir… je ne marche pas comme ça !", explique-t-il. Et de plaisanter : “mon service militaire au service santé des Armées aux Invalides m'a achevé, le milieu médical est très fermé, très hiérarchique… ; enfin, cela m'a au moins donné le temps de réfléchir à la suite et d'envisager la menuiserie".

Pourquoi la menuiserie ? “Peut-être un reste de mes rêves d'enfant… Disons que ce qui me plaisait le plus, c'était le bricolage, la construction et, en particulier, la menuiserie. Je me suis renseigné et j'ai intégré l'Afpa en apprentissage pour passer un CAP de menuisier du bâtiment". Verdict ? “Je me suis régalé, le contenu correspondait à ce que je cherchais, j'ai eu l'occasion de connaître les Compagnons pendant l'un de mes stages et l'un d'eux, que j'ai recontacté après mon CAP, m'a embauché en contrat d'apprentissage pour un BEP “Menuiserie, bois et dérivés." J'ai ensuite eu une période un peu floue de recherche d'emploi, le temps que le patron me rappelle et m'embauche en CDI". Que faisiez-vous ? “Ce que le patron demandait ! C'est-à-dire beaucoup d'agencement : du montage de cuisine, placards, étagères, parquets, escaliers, etc. Toucher à beaucoup de choses, c'est tout l'intérêt de la menuiserie mais, …c'est aussi son problème : on subit la concurrence de nombreux corps de métiers".

Suivent divers emplois qui sont autant d'occasions de parfaire sa formation et d'entrer à l'Union compagnonnique : “cela m'a permis de croiser énormément de métiers, du prothésiste dentaire au pâtissier. Comme il s'agit de bénévolat, on construit soi-même sa formation en sollicitant des Compagnons. Il faut d'abord présenter une première pièce, pour prouver que l'on est du métier et devenir “aspirant", puis continuer de piocher chez les uns et les autres pour réaliser son “chef d'œuvre", pièce de réception qui permet de devenir Compagnon". Pourquoi l'avoir fait ? “Parce que cela m'a permis de rencontrer des gens passionnés par leur métier, de côtoyer d'autres corps de métier et que cela pousse à faire mieux. Aujourd'hui, il m'arrive de transmettre à qui vient me demander, toujours avec plaisir, même si je n'ai jamais eu d'apprenti".

À son compte depuis 2004, Pierre-François Guédon paraît heureux même s'il ne cache pas les difficultés : “le luxe d'être mon propre patron, je le paie en étant smicard. Le gros problème de mon métier, c'est que j'ai de la concurrence à tous les niveaux, des industriels comme Ikea, mais aussi tous les corps de métier. Cela dit, je n'ai jamais fait de pub et cela fait sept ans que je travaille". Pourvu que ça dure ? “La tendance du secteur n'est pas mauvaise, il me semble que l'on s'éloigne du consommable au profit du travail de qualité, avec de bons matériaux. Maintenant, même si je suis satisfait du métier, je suis fatigué physiquement et je sais que je ne vais pas pouvoir continuer vingt ans". Reconversion en vue ? “Pas vraiment, j'aime toujours le milieu du bâtiment mais je suis un peu dans le flou. Je pense éventuellement raccrocher avec l'univers du handicap, pas en tant que psychomotricien mais en tant que menuisier dans un Ésat[ 1 ]Établissement et service d'aide par le travail.". Un conseil aux futurs menuisiers ? “Surtout, apprendre son métier avant de s'installer, pour une meilleure image de marque de l'artisanat. Après ma sortie de l'Afpa, il m'a fallu cinq ans pour apprendre mon métier, et encore, j'en apprends toujours…"

1989-1992

École de psychomotricité (Paris)

1994

CAP Menuisier du bâtiment (Afpa, Albi)

1995

BEP “Menuiserie, bois et dérivés" (CFA, Montpellier)

1995-2003

Ouvrier chez divers employeurs

1998-2003

Compagnonnage (aspirant en 1998, Compagnon menuisier des Devoirs Unis en 2003)

2004 à ce jour

Artisan menuisier (Montpellier)

Notes   [ + ]

1. Établissement et service d'aide par le travail.