ANDCIO : {“Le rapport Larcher fait ressurgir une notion de lieu unique très théorique" }

Par - Le 01 mai 2012.

“Pas grand-chose de neuf sur l'organisation de l'orientation en France." Tel est l'avis de l'Association nationale des directeurs de centres d'information et d'orientation (ANDCIO), après lecture du rapport Larcher. Principale critique adressée aux travaux du sénateur : la proposition n° 6, qui prévoit la création dans chaque région d'une Cité des métiers pilote du service public de l'orientation (SPO).

“Dès 2010, rappelle le conseil d'administration de l'ANDCIO, nous nous étonnions, dans l'état d'alors du projet de décret sur la labellisation, qu'on envisage de labelliser sur un « lieu unique », c'est-à-dire des murs, plutôt que des services." Deux ans plus tard, la position n'a pas changé et l'ANDCIO préférerait de loin voir prospérer le modèle breton des Maisons de la formation professionnelle, plutôt que de voir remis au goût du jour le concept initial de “lieu unique" que la circulaire du 26 mai 2011[ 1 ]Circulaire ETSD1110449C du 26 mai 2011 relative à la reconnaissance des organismes participant au service public de l'orientation tout au long de la vie. avait traduit en “lieu géographique".

Développer des “réseaux de relations" entre spécialistes

Commentant pour L'Inffo Formation la position de l'ANDCIO, son président, Robert Poisson, détaille : “L'exemple de la Bretagne montre une structuration totalement différente des lieux uniques type Cité des métiers, avec une collaboration en réseau organisée autour des Maisons de la formation professionnelle, qui reconnaît chaque membre des réseaux participant et associe les différentes pratiques autour d'un certain nombre d'actes de terrain." Favorable à une communication accrue entre acteurs de l'orientation, Robert Poisson se montre plus circonspect sur les conditions de mise en œuvre des coordinations de terrain. Ainsi des “plateformes mutlifonctionnelles" évoquées à la proposition n° 13 du rapport Larcher : “Nous pensons que la création et le développement de réseaux de relations entre spécialistes est une des clés de la réussite pour l'ensemble des publics, mais, encore une fois, si on ne renforce pas chaque réseau dans sa pratique, on aboutit à quelque chose qui est un « gloubi-boulga », pour le SPO labellisé comme pour ces plateformes destinées aux demandeurs d'emploi." Et de souligner la dimension, selon lui, “hyper-chronophage" de ces plateformes : “Si nous participons à l'ensemble des réunions qui organisent ce travail, nous avons vraiment d'énormes difficultés pour nous occuper de nos propres services car nous passons notre temps dans des réunions de coordination. C'est un travail important, mais il faudra bien le réorganiser de manière différente pour que cela puisse fonctionner."

“Les Cités des métiers n'ont pas de légitimité"

Pour autant, “l'idée de plateformes de communication entre les différents partenaires est essentielle pour l'orientation des différents publics", assure-t-il. Mais aux yeux du président de l'ANDCIO, la solution Cité des métiers s'apparente à une fausse bonne idée : “Il s'agit de créer une structure − comme s'il y en avait déjà pas assez − chargée de structurer toutes les autres, sans aucune légitimité pour le faire. Les CIO ont ceci de spécifique dans l'histoire de l'orientation qu'ils sont les seuls à avoir une vocation pleine et entière à s'occuper d'orientation. Nous avons vraiment une légitimité particulière, mais, pour pouvoir l'assumer, il nous faut une structuration qui corresponde à l'année 2012, et non pas aux années 1970."

D'où le souhait rappelé par l'ANDCIO, dans sa réaction au rapport Larcher, de voir doter les CIO d'un statut qui leur permette d'accéder à davantage d'autonomie : “Les CIO peuvent jouer un rôle moteur dans bien des régions, en pleine collaboration avec des réseaux de partenaires qu'ils connaissent bien, à condition de leur donner la structure administrative et la capacité de gestion financière qui convient à la mise en place d'un réel droit à l'orientation. Ce changement entraîne une nécessité majeure, celle de concevoir des gestions pluripartites État, collectivités locales qui pourraient avoir la forme d'une gestion conjointe d'un établissement public régional associant les Rectorats, les Régions et les Départements à leur gestion tant politique que financière." Et Robert Poisson de conclure : “En 2012, tout le monde comprend bien que l'orientation est un sujet crucial, mais on ne dote pas la structure qui devrait répondre à un certain nombre de questions dans ce domaine des caractéristiques institutionnelles qui lui permettraient d'agir."

Entretien avec Robert Poisson, président de l'ANDCIO

“L'orientation, sujet du siècle, n'a pas trouvé son autonomie réelle"

La FSU, qui représente une partie des conseillers d'orientation psychologues, se montre assez hostile au déploiement du service public de l'orientation tel que défini par la loi du 24 novembre 2009. L'ANDCIO partage-t-elle cette position ?

Nous n'avons pas les mêmes vues, car nous sommes d'accord pour travailler sur les questions du SPO et de la labellisation. La structuration des réseaux autour de l'orientation ne nous pose pas de problème, alors que la FSU est beaucoup plus négative.

Diriez-vous que vous êtes favorable à la mise en place du SPO telle que définie dans la loi de 2009, pour peu que l'on s'éloigne de la notion de “lieu unique" ?

Absolument, il ne faut pas rentrer dans la notion de lieu unique, au sens des “murs". Pour nous, la structuration “Cité des métiers" revient à mettre en place une nouvelle structure qui représente essentiellement des murs, puis de demander aux différents réseaux de venir faire des permanences. Ce qui ne respecte pas les différentes spécificités des réseaux.

C'est-à-dire ?

Si nous regardons ce qu'est la charte Cité des métiers, nous voyons bien qu'elle est conçue de façon à ce que chaque acteur intervienne sans jamais faire référence à sa structure d'origine. Or, chaque structure d'origine a ses propres spécificités, en termes de métier, mais également en termes de statut des personnels, qu'il s'agisse des personnels de l'Éducation nationale, des Missions locales, etc. Et ces statuts ne peuvent pas être remis en cause simplement parce qu'a été défini un lieu unique où ces personnes doivent intervenir. Par ailleurs, et sur la question de la spécificité des métiers, il faut que chaque structure puisse développer sa propre expertise, sur son secteur d'expertise. L'orientation n'est pas un fourre-tout. L'essentiel, pour nous, est que nous puissions partager nos spécificités. C'est dans ce sens que nous ne sommes pas tout à fait sur la même position que la FSU : nous trouvons très intéressant que les réseaux se confrontent et puissent travailler ensemble à améliorer leurs propres caractéristiques, dans le cadre de la loi sur l'orientation tout au long de la vie.

Si nous prenons le cas de la Cité des métiers de Paris, le pôle Choisir son orientation est exclusivement animé par des conseillers d'orientation psychologues. En quoi leur participation les empêche-t-elle de développer leur expertise ?

De fait, lorsque, localement, une Cité des métiers a été construite sous cette forme, cela ne les empêche pas. Il n'est pas question de remettre en cause la Cité des métiers de Paris, qui a été mise en œuvre sous une forme particulière et qui fonctionne. Mais lorsque vous traversez la France, vous trouvez des territoires où les structurations des réseaux ne sont pas faites ainsi. Or, l'idée du rapport Larcher d'installer une Cité des métiers dans chaque région revient à contraindre des partenaires, qui avaient déjà construit des réseaux et qui travaillent ensemble, à intégrer une structure qui ne convient pas au développement même de l'amélioration de ces réseaux.

Vous aviez plaidé pour que les CIO deviennent des “établissements publics" lors de votre assemblée générale du 2 décembre dernier. Maintenez-vous cette demande ?

Nos raisons sont encore plus fortes compte tenu des diverses coordinations qui se mettent en place. Si je prends l'exemple de Nantes[ 2 ]Robert Poisson est en poste dans l'académie de Nantes. , l'une des grandes difficultés est de savoir qui est signataire du service public de l'orientation. Au nom des CIO, ce ne peut être que le recteur ; en ce qui concerne Pôle emploi, c'est une signature régionale ; pour les Missions locales, c'est pratiquement autant d'associations que de Missions locales, etc. Si nous sommes dans ce paysage où chaque structure possède sa propre organisation et où nous sommes juste “dépendants", nous n'avons strictement aucune possibilité de nous engager de façon particulière sur le terrain. L'intérêt de devenir un établissement public est de pouvoir prendre des décisions politiques et des décisions financières.

L'idée de l'établissement public, c'est de prendre l'orientation comme un sujet réel, au même titre que l'éducation. Or, l'orientation, sujet du siècle, n'a pas trouvé son autonomie réelle !

Notes   [ + ]

1. Circulaire ETSD1110449C du 26 mai 2011 relative à la reconnaissance des organismes participant au service public de l'orientation tout au long de la vie.
2. Robert Poisson est en poste dans l'académie de Nantes.