Jean-Paul

Denanot

Inffo formation n° 867 - er-14 décembre 2014 - Philippe Grandin

Par - Le 01 décembre 2014.

Un véritable passage de relais.
Voici dix ans,
Jean-Paul Denanot
devenait président de la commission formation de l'Association
des Régions de France, en première ligne sur le thème de la
décentralisation des formations. Appelé à d'autres fonctions,
il dresse le bilan, mais surtout ouvre de nouvelles perspectives.

Durant ces dix dernières années à la tête
du Conseil régional du Limousin, quels
projets relatifs à la formation avez-vous
particulièrement portés ? Quel bilan en
tirez-vous ?


J'ai en tant que président accompagné comme
tous mes collègues la mise en place des mesures
de décentralisation prévues par la loi de 2004, en
particulier le transfert des formations sanitaires et
sociales aux Régions. Ce volet décidé à la hâte par
le gouvernement Raffarin et sans véritable concer
tation, s'est avéré particulièrement épineux, notam
ment concernant les montants de compensation,
à l'époque largement sous-estimés.

Aujourd'hui, ces formations participent pleinement
de l'offre de formation des Régions. Elles sont aus
si essentielles pour les politiques de santé de proxi
mité en lien avec l'aménagement des territoires.
C'est précisément de ce secteur d'intervention que
je tire une de mes plus grandes satisfactions, celle
d'avoir permis la création de l'Ilfomer. Cet institut
des métiers de la rééducation, qui n'existait pas il y
a trois ans de cela, a été monté en un temps record
pour répondre aux besoins d'ergothérapeute, de
kinésithérapeute et d'orthophoniste dont la Région
Limousin avait la nécessité absolue eu égard no
tamment à sa population vieillissante.

Je me félicite aussi de la création en 2011 du “sas
d'orientation active". Il s'agit d'un accompagne
ment renforcé et sécurisé vers l'insertion profession
nelle qui, dans les faits, concerne les jeunes en si
tuation de décrochage, quel que soit leur niveau
d'études. Expérimenté d'abord pendant un an, le
dispositif a ensuite été pérennisé. 70 % des jeunes
qui le fréquentent aujourd'hui trouvent une issue
positive en termes de formation professionnelle, de
reprise de scolarité ou d'entrée dans l'emploi.

Quels sont les défis qui doivent être relevés
dans les prochaines années concernant
l'insertion des jeunes ?


Selon moi, dans un monde en constante mutation,
le véritable défi concerne l'adéquation entre l 'offre
et la demande et la mise en place de systèmes
d'orientation performants. Je veux dire par là qu'il
s'agit de former “juste", à savoir anticiper les secteurs
pourvoyeurs d'emploi demain, tout en dotant les
jeunes d'une solide formation générale, socle de
leur future évolution professionnelle. Faute de quoi,
le nombre de jeunes au chômage – déjà dramati
quement élevé – continuera d'augmenter.

Le problème n'est d'ailleurs pas que franco-français
et concerne bon nombre de pays. L'Union euro
péenne s'est saisie de ce phénomène à travers la
Garantie jeunes. Il s'agit d'une nouvelle initiative en
faveur de l'emploi des jeunes de moins de 25 ans,
qui leurs propose, dans des territoires où le taux de
chômage est supérieur à la moyenne, une offre de
qualité dans les quatre mois suivant la fin de leur
scolarité ou la perte de leur emploi.

Cette politique adoptée par les États membres en
avril 2013 est actuellement dotée d'un budget de
6 milliards d'euros. Nous militons au Parlement eu
ropéen pour porter dès à présent l'enveloppe à
21 milliards, car en réalité l'absence d'action serait
beaucoup plus coûteuse.

Selon les estimations, les “Neet" (soit les jeunes
sans emploi, ni éducation ou formation) coûtent
153 milliards d'euros par an à l'Union européenne
en allocations et perte de revenus et d'impôts. Sans
compter le coût humain de la détresse et de la
désespérance de ces millions de jeunes maintenus
à la marge de nos sociétés. Il y a urgence à agir !
En outre, les mesures en faveur de la garantie pour
la jeunesse ne sont pas toujours coûteuses. Le ren
forcement de la coopération entre les différents
intervenants pour améliorer le suivi et la trajectoire
des élèves, par exemple, ne demande pas de
disposer d'un gros budget.

Comment concevez-vous la politique
formation, sur les plans de l'élaboration et
du pilotage, dans le cadre de la fusion des
Régions ?


Demain, les stratégies d'investissement devront, plus
que jamais, s'écrire dans un contexte partagé. Pre
nons l'exemple de la politique industrielle : chaque
grande Région déterminera ses axes de dévelop
pement en lien avec les entreprises et les acteurs
de la recherche de son territoire. Au-delà, ceux-ci
devront s'inscrire dans une approche macro définie
à l'échelle nationale et européenne. Ainsi, de ce
point de vue, un consensus se fait jour sur la néces
sité de conduire deux chantiers prioritairement : la
transition énergétique et la transition numérique.
Il faut bien évidemment
maintenir les politiques de
proximité. C'est primor
dial pour garantir l'égalité d'accès et une réponse
adaptée en fonction des besoins exprimés. Pour
autant, ces politiques devront s'insérer dans un
cadre plus général d'analyse de l'offre, en lien avec
une demande qui, elle, s'exprime localement. C'est
vrai dans le domaine de la formation comme dans
d'autres domaines.

Quelle expertise avez-vous apportée alors
que vous étiez membre du pôle Éducation
de l'équipe de campagne de François
Hollande en 2012 ?


J'ai apporté mon expérience de terrain et la connais
sance du circuit de la formation professionnelle et
de ses acteurs. Le travail engagé à cette époque
avec Pascale Gérard notamment (vice-présidente
de la Région Paca, qui m'a succédé à la tête de la
commission formation professionnelle de l'ARF) et le
député Jean-Patrick Gille, ont permis de nourrir la
plateforme programmatique de François Hollande
sur le compte personnel de formation et le droit à
l'orientation professionnelle tout au long de la vie.
L'occasion aussi de poser les bases d'un dialogue
apaisé entre les partenaires sociaux, les Régions et
le gouvernement, en préalable au travail de concer
tation et d'élaboration de la loi relative à la forma
tion professionnelle, à l'emploi et à la démocratie
sociale adoptée en mars 2014.

DIX ANS APRES

C'était il y a presque exactement dix ans.
Jean-Paul Denanot
nous accordait sa toute première interview en tant que président
de la commission formation de l'Association des Régions de
France, dans les colonnes d'
Inffo Flash
(n° 647 p. 4 -5,
16 novembre 2004), dont
Inffo Formation
est l'héritier direct.
“Je souhaite
, nous disait-il (des années avant que ce thème soit
transcrit dans la loi),
que l'ARF reprenne l'idée de sécurisation des
parcours, qui constitue à mon sens l'une des réponses à la
question de l'emploi et à la contradiction entre la croissance
parallèle du nombre d'offres d'emploi non satisfaites et de celui
des demandeurs d'emploi. Tout le monde doit s'y mettre. L'enjeu
est de taille. Il s'agit en effet de rendre un meilleur service à
l'individu citoyen et un meilleur service à la société."