Évolution du travail : l'exemple des “mompreneurs"

Par - Le 01 septembre 2010.

Le contrat à durée indéterminée (CDI) a beau être décrit comme la “forme normale et générale de la relation de travail", certains s'en affranchissent avec enthousiasme. Ou plutôt, certaines. C'est notamment le cas des “mompreneurs", anglicisme désignant la montée en puissance des mamans entrepreneurs...

Estimées à cinq millions aux États-Unis, 800 000 au Canada, ces femmes qui créent leur activité pour mieux concilier vie professionnelle et vie familiale sont difficilement dénombrables en France. Ainsi, et selon Stéphanie Benlemselmi, auteur du premier guide consacré à la question[ 1 ]Mompreneur : être maman et créer son entreprise. Éditions du Puits fleuri (coll. Le conseiller juridique pour tous), 2010. 165 p. et elle-même “mompreneur"[ 2 ]Conseil et formation, www.arhconseil.com , le chiffre de 10 000 qui circule sur le net ne tient pas compte des nombreuses “femmes et mères ayant créé leur entreprise et qui ne savent pas qu'elles appartiennent finalement à un réseau, à une « catégorie » de travailleur indépendant, à un phénomène de société". Parmi elles beaucoup d'e-commerçantes, une activité aisément accessible à domicile avec l'essor du commerce en ligne.

Si bon nombre d'entre-elles choisissent l'auto-entrepreneuriat, rien n'interdit à la mompreneur d'opter pour un autre statut. C'est le cas de Béatrice Michaux, 37 ans, qui a choisi de s'associer financièrement avec des membres de sa famille pour créer Bebobio, une SARL destinée à la création et à la vente de vêtements et accessoires bio pour bébés et enfants. “L'idée m'est venue en 2005, à la naissance de mon premier garçon, alors que j'étais expatriée, explique-t-elle. J'ai reçu les cadeaux de naissance et tout se ressemblait, tout était fabriqué à l'autre bout du monde sans que l'on sache ni comment ni pourquoi." Le temps d'accueillir un deuxième enfant, d'affiner le projet et d'établir le business plan, Béatrice Michaux se lance en 2008. Si le salaire, qu'elle se verse depuis cette année, est bien moins important que celui qu'elle percevait en tant que juriste d'entreprise, sa situation ne diffère guère de celle de n'importe quel créateur d'entreprise. D'où l'importance d'avoir “un fonds de roulement, de l'épargne ou des aides", indique Stéphanie Benlemselmi qui souligne le risque de “mettre la clef sous la porte si l'on doit délaisser son entreprise pour chercher un travail « alimentaire »". Une mise en garde qui s'ajoute à celle concernant le rythme de travail : la journée d'une mompreneur n'est pas moins chargée que celle d'une cadre en entreprise. Ce qui change, c'est la possibilité d'aménager son temps de travail, de s'interrompre pour la sortie d'école. Ce qui veut dire qu'il faut ensuite reprendre en soirée et bien souvent jusqu'à minuit. Autre exigence souvent rapportée, le nécessaire soutien du conjoint, aussi bien psychologique que logistique.

Ce qui change, aussi, c'est le passage à l'entrepreneuriat : avant d'être travailleur à domicile, la mompreneur est une chef d'entreprise. Cette capacité à créer et l'espoir d'un développement sont deux des dimensions qui la distinguent, par exemple, des assistantes maternelles. Surtout présentes dans le e-commerce, les mompreneurs créent aussi dans le service : télé-secrétariat, formation, conseil, création, graphisme, webmaster ou encore micro-crèches, aucun secteur ne leur est interdit.

Mompreneurs.fr d'un côté, Les-Mompreneurs.com de l'autre, deux associations représentent ce phénomène qui ne correspond à aucun statut juridique. Membre fondateur, trésorière et bénévole au sein de la seconde, Béatrice Michaux explique trouver dans le réseau le moyen de réagir à certaines difficultés : “Il peut y avoir un sentiment de solitude et, aussi, un problème de reconnaissance face à certaines personnes qui vous assimilent à une femme au foyer ; se constituer en réseau permet de partager ses soucis, que ce soit sur la gestion du temps, la conciliation de la vie familiale et professionnelle ou sur des problèmes inhérents à la création d'entreprise." Forte de 400 adhérentes, disposant d'un forum et d'une communauté Facebook réunissant plus de 1 500 mompreneurs, l'association permet également d'accéder à la formation : soit sous forme d'échanges informels de savoirs, soit en organisant des sessions animées par des experts métier et réservées aux adhérentes. Des formations qui portent aussi bien sur “la communication, les relations presse, le référencement internet ou les aspects juridiques que la comptabilité", et qui sont ensuite “mises en ligne sur l'intranet de l'association", précise Béatrice Michaux.

À la question de savoir si l'on rencontre des “papapreneurs", la créatrice de Bebobio sourit : “Cela peut arriver, certains ont d'ailleurs contacté l'association des Mompreneurs mais…, nous les avons invité à créer leur propre association !"

LE PROFIL TYPE DE LA “MOMPRENEUR"

Selon Stéphanie Benlemselmi qui s'appuie sur un sondage réalisé en ligne en mars 2010, “la mompreneur type a entre 26 et 30 ans et a créé avec le statut d'auto-entrepreneur. Elle a un ou deux enfants maximum et s'est lancée car elle était au chômage et que l'opportunité s'est présentée. (…) 13 % restent salariées tout en ayant leur activité d'entrepreneur à côté, ce qui permet de tester un marché ou d'apporter un revenu supplémentaire au sein du foyer". À noter que plus des deux tiers ne se versent pas de salaire et seulement 8 % dépassent les 1 500 euros mensuels.

LES CONSEILS DE STÉPHANIE BENLEMSELMI

Mon conseil numéro 1 : ne vous lancez pas sans le soutien de votre famille ou de vos proches, vous ne tiendrez pas longtemps.

Mon conseil numéro 2 : ne pas croire que son entreprise est la meilleure idée au monde et investir les yeux fermés dans du matériel de pointe, ou dans des plaquettes qui absorberont la moitié de votre budget de départ… ! Il faut faire une véritable étude de marché et avancer progressivement en fonction des bénéfices tout en gardant à l'œil son objectif.

Mon conseil numéro 3 : faire garder son/ses enfant(s) quelques heures par semaine pour se dégager du temps afin d'avancer dans son travail. Travailler en gardant ses enfants, surtout en bas âge, est extrêmement difficile, on a besoin de moments de calme pour avancer tranquillement et réussir à se concentrer. Il est important de rester crédible aux yeux des clients et/ou des prospects afin de pérenniser l'activité, profitez donc du temps où vous serez seule pour effectuer tout vos contacts téléphoniques. Enfin, apprendre à s'organiser et s'y tenir : la constance est ce qu'il y a de plus difficile dans la vie d'une mompreneur !

Notes   [ + ]

1. Mompreneur : être maman et créer son entreprise. Éditions du Puits fleuri (coll. Le conseiller juridique pour tous), 2010. 165 p.
2. Conseil et formation, www.arhconseil.com