Questions à… Christian Gury, responsable des carrières à l'Association des centraliens et consultant en gestion de carrières

L'orientation vers l'apprentissage, plus que jamais pertinente

Par - Le 01 février 2010.

Sur quels critères fondamentaux un jeune doit-il préférer la voie de l'apprentissage à celle de l'enseignement classique ?

Les fondamentaux de l'apprentissage - découvrir la théorie à partir de la pratique, travailler en entreprise - conviennent mieux à certains jeunes. Dans un cas, on demande à l'élève d'écouter sagement, dans l'autre, on lui demande de faire avant d'écouter. L'apprenti se retrouve en situation de responsabilité, il peut montrer à l'employeur ce qu'il sait faire. C'est très valorisant et peut permettre à un jeune en situation d'échec de retrouver confiance. D'autre part, et même s'ils sont faibles, les salaires existent. Cela peut aider un jeune, défavorisé ou non, à prendre son indépendance. Et surtout, c'est tout de même plus intéressant de financer ses études par le travail dans le cadre de son cursus qu'en travaillant chez McDonald's !

Les professionnels de l'orientation de 2010 sont-ils selon vous débarrassés de tout préjugé envers l'apprentissage ?

La réponse est non, notamment en ce qui concerne l'orientation dans les collèges et les lycées. L'apprentissage continue d'être présenté comme une voie de garage pour mauvais élèves et l'Éducation nationale continue de percevoir cette modalité comme concurrente de l'enseignement classique.

Est-il souhaitable d'avoir deux contrats de travail (apprentissage et professionnalisation) pour une même modalité pédagogique (l'alternance) ?

Alternance, apprentissage, professionnalisation. Il est dommageable d'avoir trois mots, cela brouille l'image, on mélange tout. En ce qui concerne les contrats de travail et d'après mon expérience de directeur de CFA, il me semble que la voie de la professionnalisation permet d'ouvrir des formations qui ne sont pas forcément très sérieuses. Certaines formations qualifiantes sous forme de contrats de professionnalisation présente, selon moi, une qualité insuffisante. Il vaudrait mieux ouvrir l'apprentissage aux plus de 26 ans. Je préfère par ailleurs parler d'“apprentissage" que d'“alternance", terme qui me paraît entretenir la confusion avec les formations qui proposent de simples stages. L'apprentissage implique lui un contrat de travail, une rémunération et un engagement de l'employeur vis-à-vis de l'apprenti. Être stagiaire, ce n'est pas la même chose qu'être apprenti. L'apprentissage donne des garanties en termes de qualité et de diplômes.

Comment réagissez-vous au rapport Proglio sur l'alternance ?

Quelles que soient les propositions, ce seront des petits coups d'épée dans l'eau tant que la question ne sera pas traitée comme une grande cause nationale. Il faut faire beaucoup plus et cesser de faire des opérations de communication ponctuelles. On peut avoir quelque chose en 2015 à condition de mettre en place une structure - un ministère ? - qui ne s'occupe que de ça et coordonne les trop nombreux acteurs. L'autre urgence est la réforme de la taxe d'apprentissage, qui n'est finalement pas très équitable. De petite taille, les entreprises artisanales ne génèrent pas assez de financement pour doter suffisamment les CFA. Sinon, les propositions sont bonnes, même si l'on peut se demander pourquoi on n'utilise pas mieux l'existant. Pourquoi, par exemple, lorsque le rapport évoque la création d'un “grand portail internet de l'alternance", ne pas tout simplement donner au site France [Apprentissage [Christian Gury est expert bénévole de www.franceapprentissage.fr[/footnote] les moyens de son développement ?

Que pensez-vous de l'objectif fixé par Laurent Wauquiez d'“un jeune sur cinq formé en alternance à l'horizon 2015" ?

Un jeune sur cinq, c'est le minimum. Je dirais plutôt deux sur cinq, voire deux sur trois !