Femmes expatriées : 90 % de conjointes, 10 % de collaboratrices
Par Nicolas Deguerry - Le 01 septembre 2011.
Si la moitié des Français expatriés sont des femmes, leur situation est très différente de celles de leurs homologues masculins. C'est ce que révèlent une enquête menée par Expat Communication et la psychologue Adelaïde Russell, qui insistent sur la nécessité de se former pour bien préparer son séjour à l'étranger, mais aussi son retour.
L'expatriation, beaucoup en rêvent et bon nombre de nos compatriotes franchissent le pas : 1,4 million de Français sont expatriés en 2011, dont 51 % de femmes. Une parité de façade qui ne résiste pas à l'enquête[ 1 ]“Panorama de l'expatriation au féminin - Conjoints, collaboratrices : les enjeux professionnels, personnels et affectifs de l'expatriation", Expat Communication, avril 2011. réalisée par Expat Communication et Adélaïde Russell, psychologue et co-auteur d'un ouvrage consacrée à l'expatriation au féminin[ 2 ]Conjoint expatrié, réussissez votre séjour à l'étranger, Gaëlle Goutain et Adélaïde Russell, Paris, L'Harmattan, 2011. 246 p. : 90 % des femmes expatriées le sont en tant que “conjointes", 10 % seulement en tant que “collaboratrices". Précision, ce chiffre issu de l'enquête est très exactement identique à celui avancé par Tatiana Merienne, responsable du service Mobilité internationale de Morpho-groupe Safran. Parmi les explications possibles, des éléments transversaux à la société française : les postes d'expatriés sont souvent des postes à responsabilité, donc le plus souvent détenus par des hommes et, dans une moindre mesure, émanant d'entreprises qui proposent des métiers assez sexués, comme celui d'ingénieur. De fait, et à l'instar de la situation rencontrée au sein du groupe Safran, les femmes, minoritaires dans les écoles d'ingénieurs[ 3 ]Seulement 17 % des diplômes d'ingénieurs sont délivrés à des femmes, alors qu'elles sont presque à parité avec les garçons en terminale scientifique. Voir www.ellesbougent.com , le sont aussi en entreprise : “Le groupe Safran compte 25 % de femmes, et encore, il s'agit là d'un chiffre assez gonflé par l'international", commente Tatiana Merienne en précisant que la “volonté de féminiser le groupe se heurte à des problèmes sociétaux".
Une situation déséquilibrée en voie d'évolution. Si les femmes expatriées sont encore majoritaires à mettre “leur carrière entre parenthèses, la situation évolue avec la jeune génération qui utilise l'expatriation comme un tremplin", explique Sabine David, co-fondatrice d'Expat Communication et directrice du site Femmexpat.com. De fait, le nouveau profil montre des femmes majoritairement diplômées à bac + 5, y compris, et même davantage, lorsqu'elles sont conjointes (74 %) plutôt que collaboratrices (55 %). Comme le souligne l'étude, ces dernières se scindent en deux populations aux problématiques bien différentes : d'un côté et majoritaires, les jeunes femmes, le plus souvent célibataires et donc “vulnérables à la situation d'isolement", de l'autre, les collaboratrices en famille, qui doivent, elles, faire face “à d'autres dynamiques, avec la gestion de la famille et l'activité du conjoint".
“Anticiper au départ comme au retour." Quel que soit le statut, “il est important d'être acteur de son expatriation, y compris en tant que conjoint", insiste Adélaïde Russell. Acteur ? “L'important est d'être dans une notion de projet, que celui-ci soit professionnel ou familial, et de s'y préparer, cela évite les échecs, les écueils et les dommages." Préparer son départ et son séjour, mais aussi son retour, apparaît comme une nécessité au plus grand nombre de ces femmes, bien conscientes des enjeux de leur future réinsertion professionnelle. Ainsi, et même si la législation du pays d'accueil ne permet pas toujours aux “conjointes" de travailler, sont-elles nombreuses à multiplier les engagements associatifs pour “maintenir à niveau leur CV", souligne la psychologue. Une préoccupation qui s'explique notamment par le très fort taux d'activité des conjointes avant le départ (67 %), “un chiffre supérieur à la moyenne nationale qui s'explique par leur haut niveau d'études, 74 % d'entre elles ayant un bac + 5 et 15 % un bac + 4", relève l'enquête.
Une préparation incomplète au départ
Seules 42 % des femmes expatriées ont suivi une formation de “préparation" : 43 % d'entre elles ont suivi des cours de langue, 26 % une formation interculturelle et 28 % une formation “Réussir son expatriation". Des taux bien insuffisants selon les auteurs de l'étude, qui regrettent le peu d'entrain des entreprises à “imposer" des stages de préparation aux conjoints alors que, rappellent-elles en citant le Panorama 2010 de la mobilité internationale, “la première cause d'échec en expatriation est familiale".
Pour ces femmes ayant eu à quitter leur emploi, la modalité de rupture est tout sauf anodine : la “démission légitime" permet de prétendre à l'assurance chômage lors du retour en France ; le congé sans solde sécurise le retour avec reprise de poste, mais au prix de la perte de l'assurance chômage (voir encadré sur l'accord Cindex) ; le congé maternité ou le congé parental permettent la reprise de poste ou la démission légitime. Dernier élément qui rend souvent le retour difficile, le manque d'“enthousiasme". Alors que le départ est très majoritairement vécu de manière positive, le retour ne l'est pas : “77 % des collaboratrices et 43 % des conjointes ne souhaitent pas rentrer en France." Pour la “redéfinition des objectifs personnels et professionnels" de ces femmes, un “accompagnement" paraît nécessaire, conclut l'étude.
[(ACCORD CINDEX RELATIF AUX CONJOINTS SALARIÉS DES EXPATRIÉSAux termes de l'accord conclu en décembre 2001 par les entreprises membres du Centre interentreprise de l'expatriation (Cindex), le salarié d'une entreprise signataire dont le conjoint ou le partenaire (Pacs) est envoyé en expatriation par une autre entreprise également signataire peut bénéficier d'un congé sans solde d'une durée de quatre ans, destiné à lui permettre de quitter son pays d'origine sans obligation de rompre son contrat de travail. )]
Notes
1. | ↑ | “Panorama de l'expatriation au féminin - Conjoints, collaboratrices : les enjeux professionnels, personnels et affectifs de l'expatriation", Expat Communication, avril 2011. |
2. | ↑ | Conjoint expatrié, réussissez votre séjour à l'étranger, Gaëlle Goutain et Adélaïde Russell, Paris, L'Harmattan, 2011. 246 p. |
3. | ↑ | Seulement 17 % des diplômes d'ingénieurs sont délivrés à des femmes, alors qu'elles sont presque à parité avec les garçons en terminale scientifique. Voir www.ellesbougent.com |