Patrice Colasse, - Président du CIDJ

Par - Le 01 août 2012.

“Toute ma vie, j'ai vécu entouré de jeunes."

Succédant à Jean-Luc Gulin à la présidence du Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ), Patrice Colasse choisit l'humour pour commenter son élection : “Je ne vais pas dire que j'ai pris cette présidence contraint et forcé, mais il s'est trouvé que sur les deux vice-présidents, l'un, Mikaël Garnier-Lavalley, est rentré au cabinet de Valérie Fourneyron, et l'autre, Bruno Julliard, au cabinet de Vincent Peillon : on ne peut pas dire que j'avais beaucoup le choix…", s'amuse-t-il. Mais qu'est-ce qui a donc amené cet ancien professeur d'informatique et de contrôle de gestion à se préoccuper d'orientation ? “Tout simplement, le contact avec les jeunes", répond celui qui a monté voici dix ans l'opération Lumière des cités pour accompagner des jeunes issus de milieux défavorisés : “Je me suis rapidement aperçu que le problème de l'orientation était absolument capital pour ces jeunes qui se censurent, eux et leurs familles : mêmes excellents, ils feront plutôt un BTS qu'une classe prépa, alors on essaie de leur montrer qu'eux aussi ont des capacités." Défendant une définition de l'orientation centrée sur l'accompagnement des jeunes dans le croisement de leurs capacités et de leurs envies, Patrice Colasse voudrait d'ailleurs bien voir renommer le service public de l'orientation (SPO) en service public de l'orientation et de l'accompagnement. L'enjeu ? Éviter ce qu'il estime être le plus grand “mal" : “Voir des jeunes orientés vers des voies qu'ils n'ont absolument pas recherchées."

La sienne, lui l'aura trouvée avec le concours de l'autorité parentale : “Quand j'étais au lycée, je voulais m'orienter vers la psychologie mais, finalement, mes parents ont estimé que ce n'était pas très sérieux." À la clé de ce jugement peu amène pour les professionnels du fait psychique et du comportement, point même de “passe ton bac d'abord", mais une forme quelque peu prescriptive d'accompagnement : “Tu feras une école de commerce." Preuve que l'on s'en remet très bien, Patrice Colasse porte toujours, à 65 ans, le cheveu long et affiche un joli parcours. Diplômé en 1970 de l'ESC Rouen, il devient l'un des premiers professeurs de gestion de France après avoir suivi les enseignements de l'Université de Sherbrooke (Canada) : “J'ai fait pratiquement toute ma carrière à l'ESC Rouen où j'ai été doyen du corps professoral et où je me suis occupé d'informatique et de contrôle de gestion. Je suis ensuite devenu responsable des 3e cycle et j'ai terminé comme directeur du pôle Bachelor et directeur du CFA de l'enseignement supérieur", résume-t-il. L'homme a beau se déclarer “communicant", il n'en omet pas moins de préciser qu'il est à l'origine de la création de ce dernier établissement, l'un des tout premiers à suivre l'Essec dans sa stratégie d'ouverture à l'apprentissage. Et ce fils d'ouvrier des Hauts de Rouen de justifier cet engagement en faveur de la 3e voie : “Il y avait tout de même quelque chose qui me gênait un peu, le prix des scolarités : l'apprentissage permettait à des jeunes des classes moyennes voire inférieures d'accéder aux grandes écoles. Et puis, au-delà de l'aspect financier, il y avait aussi le volet formation et le travail de terrain auquel je crois beaucoup", souligne-t-il.

Modernisateur des voies d'accès en tant qu'enseignant et directeur d'établissement, Patrice Colasse le sera-t-il également en matière d'orientation ? Engagé pour l'information des jeunes depuis 2004, le nouveau président du CIDJ, déjà président du Crij [ 1 ]Centre régional information jeunesse. de Haute-Normandie et de l'Unij [ 2 ]Union nationale information jeunesse., se doit désormais d'accompagner la mise en œuvre du SPO : “Devons-nous couvrir l'ensemble de la population ? Il y a un principe de réalité, je nous vois mal réclamer un label Orientation pour tous et en laisser de côté une partie." Partisan du “travail en maillage", Patrice Colasse se dit prêt à “accepter tout le monde", mais dans une logique de “première approche". Et s'il regrette, à l'instar du délégué à l'information et à l'orientation Jean-Robert Pitte, l'ajournement de l'avis du CCREFP haut-normand sur les conventions de labellisation territoriale, il n'en dénonce pas moins un problème de gouvernance : “Des régions ont signé, d'autre pas, il a manqué un guide. (…) Si vous regardez ce qui se passe en Île-de-France, les acteurs de terrain avancent, mais il n'y a pas de décisionnaire." Que suggère-t-il ? “Il faudrait à la fois que l'État affirme son rôle avec plus de rigueur et que les Régions soient beaucoup plus intégrées dans le processus."

À ce vaste chantier du SPO dont devra se saisir le président du CIDJ s'ajoutent trois axes de travail. D'abord, une réflexion sur la production documentaire papier et payante du CIDJ, à ce jour l'un des fondements du modèle économique de l'institution ; ensuite, une clarification des rapports entre la Région Île-de-France et le CIDJ, centre d'accueil pour Paris et la région ; enfin, une réflexion sur l'animation nationale : “Le Réseau information jeunesse, qui existe depuis quarante ans, a-t-il toujours sa place en France ? J'en suis persuadé, mais il va falloir en convaincre tout le monde, c'est une grande bataille et je pense que c'est ce qui va me prendre le plus de temps", conclut-il.

1970 - ESC Rouen (aujourd'hui Rouen Business school)
1972 - MA Sherbrooke University (Canada)

Notes   [ + ]

1. Centre régional information jeunesse.
2. Union nationale information jeunesse.