Trophées 2012 Compte épargne formation, individualisation et Dif : des enjeux “présidentiels"

Par - Le 16 avril 2012.

Instauré en 2004, le droit individuel à la formation fête cette année ses huit ans d'existence et les “Trophées
du Dif", événement créé pour récompenser les initiatives, connaissaient, le 29 mars, leur sixième édition.
À l'heure où de nombreux candidats ont inscrit la notion de “compte épargne formation" dans leur programme, ces Trophées ont été l'occasion de débattre autour de la nature même d'un “droit individuel à la formation".

Faut-il sécuriser les parcours des salariés par une “consommation" régulière de formation ? Est-il nécessaire d'anticiper leurs besoins, ainsi que ceux des salariés par le développement d'une “épargne formation" ? Et le Dif, dans tout ça ? Si la “bombe à retardement" annoncée pour 2010 n'a finalement pas explosé, est-il pour autant devenu un outil dont les salariés se sont emparés et, si oui, pour quoi faire ? À cette dernière question, Medef et CGT exposent des conceptions opposées. “Outil de dialogue social", pour Paul
Desaigues, secrétaire confédéral aux questions de formation de l'organisation syndicale. “Outil de management", aux yeux d'Alain Druelles, directeur adjoint de la commission éducation-formation au sein du mouvement patronal. Mais chacun de déplorer le manque de lisibilité existant autour de ce dispositif, ainsi que l'état de “réforme permanente" que connaît le monde de la formation professionnelle.

L'arrivée du Dif portable

“Quel que soit le vainqueur qui sortira des urnes en mai prochain, il est vraisemblable qu'une nouvelle réforme verra le jour", a prédit Alain Druelles. Une situation qui ne risque pas de clarifier la visibilité des offres de formation à titre individuel existant dans le corpus juridique français. “Il existe actuellement dix-huit voies d'entrées individuelles vers la formation, a fait remarquer le responsable du Medef. Une telle pléthore nous oblige à nous interroger à propos du sens et de la lisibilité de tels dispositifs." Dernier en date, le Dif portable, dont les salariés s'emparent “toujours lentement, mais de plus en plus régulièrement", selon Alain Druelles. Cette portabilité du Dif, Paul
Desaigues la juge favorablement en tant que “commencement d'un processus dans lequel les droits à la formation sont attachés au salarié en tant que personne et non plus à son contrat de travail". De fait, au-delà des vingt heures annuelles de formation − limitées à cent vingt au bout de six ans − que représente le Dif, c'est la notion de droit individuel à l'initiative du salarié qui séduit la CGT… mais moins le Medef.
“Actuellement, nous n'avons pas le recul nécessaire pour observer une éventuelle thésaurisation des heures de Dif par les salariés. Cependant, nombre de chefs d'entreprise se méfient d'une capitalisation du temps de formation que les salariés seraient susceptibles d'utiliser à leur sortie de l'entreprise et non pour son développement", expliquait Alain Druelles.

“Tout ne peut pas être mutualisé"

Deux positions qui amènent la question de la conciliation entre formation individuelle prise à l'initiative du salarié et besoin de l'entreprise. Et là encore, selon que l'on se place du point de vue entrepreneurial ou syndical, l'avis diffère. Côté CGT, on se réjouit de la mutualisation croissante des outils de formation mis à la disposition des salariés, sur le modèle de la Sécurité sociale, et tant pis pour l'approche strictement comptable ! “Lorsqu'en 1945, le Conseil national de la Résistance a créé la protection sociale telle que nous la connaissons aujourd'hui, ses membres ne se sont pas posé la question de l'individualisation des soins et des remboursements, ni même s'il y avait de l'argent dans les caisses", a expliqué Paul Desaigues. Une vision qu'Alain Druelles ne partage pas nécessairement : “Tout ne peut pas être mutualisé, a-t-il estimé, le plan de formation d'une entreprise n'a pas obligatoirement vocation à être redistributif." Demeure cependant la question de l'accompagnement des salariés en formation “sans laquelle tous ces droits individuels restent virtuels", selon ses termes.

Droit... à l'information

La CGT serait favorable à un “grand débat" sur les notions de droit à l'information, à l'orientation, à la qualification, à l'accueil et à l'accompagnement. Le Medef, pour sa part, n'y est pas opposé, car “la question de compte épargne formation est un peu fallacieuse tant elle renvoie à l'idée d'un capital à disposition et solvable à tout moment". Une situation qui, aux yeux d'Alain Druelles, nécessite une régulation collective de l'utilisation des droits individuels à la formation. “La Cour des comptes a estimé que si toutes les heures de Dif étaient utilisées au même moment, le coût total représenterait une somme de 77 milliards d'euros", a-t-il rappelé, insistant non seulement sur les notions d'accompagnement et de régulation, mais aussi de simplification. “Le Medef n'est pas opposé à favoriser les initiatives individuelles des salariés en matière de formation, mais à condition que cette individualisation soit associée à un droit d'accompagnement mieux défini", a annoncé Alain Druelles. Et d'ajouter que “toute réforme devra cependant tendre à la rationalisation, la simplification et l'extension de ce qui existe déjà.

Rajouter un énième mécanisme ne fera que contribuer à brouiller la visibilité existante".

Les lauréats

Dans la catégorie “Grandes entreprises" : Partenord Habitat (or), Groupama Loire-Bretagne (argent), EFS Nord-de-France (bronze), Robert Bosch France SAS (prix spécial “Coup de cœur"). Dans la catégorie “PME" : DSI (or), Rijk Zwaan France (argent), PRGX France (bronze) et l'association Thierry Albouy (prix spécial “GPEC exemplaire").