Université d'été des CCI : treize propositions pour la formation et l'emploi des jeunes
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 septembre 2012.
C'est à Versailles que s'est tenue, les 30 et 31 août, la seizième Université des Chambres de commerce et d'industrie, en présence, notamment, de trois ministres du gouvernement Ayrault (Fleur Pellerin pour l'Économie numérique et les PME, Sylvia Pinel pour l'Artisanat, le Commerce et le Tourisme, et Thierry Repentin en charge de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage). Avec, cette année, une thématique centrée sur la jeunesse et plus particulièrement l'insertion des 19-29 ans dans l'emploi. Pour l'occasion, treize propositions visant à “offrir un avenir professionnel aux jeunes" ont été émises par le réseau des chambres consulaires.
Les jeunes. Un thème dicté par l'agenda gouvernemental qui fait de l'instauration des emplois d'avenir l'un des grands chantiers de cette rentrée ? “Absolument pas", répond André Marcon, président de l'ACFCI [Frère de Régis Marcon (chef étoilé et auteur du livre blanc sur l'alternance), il est président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie depuis 2011.[/footnote] . “Nous définissons les thèmes de nos Universités environ un an à l'avance et, dans ce cas très précis, l'idée de consacrer l'un de nos rassemblements annuels à la jeunesse a été décidé en juin 2011. En effet, nous tenions à nous exprimer à ce sujet, sur lequel circulent beaucoup trop de clichés." Ce qui n'en est pas un, en revanche, aux dires de cet hôtelier, gérant de société et élu local, c'est le “décalage entre l'orientation proposée au sein des CIO et les réalités du monde du travail". Une situation qui avait d'ailleurs amené l'ACFCI à créer, voici quelques années, les “Nuits de l'orientation" et les “Cafés de l'orientation", événements destinés à provoquer des rencontres entre jeunes et employeurs, mais aussi à leur communiquer des informations fiables sur les taux d'insertion professionnelle des métiers auxquels ils se destinent. L'une des propositions du réseau des [CCI suggère d'ailleurs la création d'un label “Promesse d'emploi" permettant aux jeunes de connaître les formations les plus performantes en matière d'insertion dans l'emploi.
Promotion du secteur industriel
Et parmi les filières susceptibles d'accueillir de jeunes diplômés, l'ACFCI pointe particulièrement celle de l'industrie. “Un secteur qui requiert des formations de plus en plus pointues et qui, dans certains secteurs, éprouve de grandes difficultés à pourvoir ses offres", note André Marcon. La faute, selon lui, à “une image fausse des métiers industriels, jugés pénibles, sales et peu valorisants". Un constat qui pousse le réseau des CCI à plaider pour un renforcement de l'attractivité de ces métiers auprès de la jeunesse, mais aussi un renforcement de la concertation entre enseignants et industriels. Et s'il reconnaît qu'il était “autrefois difficile pour un chef d'entreprise de pénétrer dans l'école", André Marcon perçoit “un changement de mentalité dans l'Éducation nationale" et n'en veut pour preuve que les nombreux forums universitaires (et même lycéens) où le monde de l'entreprise se voit inviter pour présenter ses activités aux étudiants, sans compter “les formations existantes, générées par les chambres consulaires et académiquement pilotées par l'Université, qui en délivre les diplômes". À ses yeux, la nomination d'un ministre en charge du Redressement productif constitue précisément un signal fort en faveur de la promotion de ce secteur.
Des regrets sur les emplois d'avenir
Mais pour le président du réseau des CCI, l'industrie n'est pas l'unique secteur d'avenir, puisque le secteur de l'aide à la personne représente également un vivier d'emplois. C'est pour cela qu'il avoue regretter que l'immense majorité des emplois d'avenir prévus par le gouvernement (voir dans ce numéro, p. 2) relève du domaine non-marchand. “L'aide à domicile représente un secteur en plein essor, rentable et créateur de richesses. Il est dommage que l'on considère qu'il relève uniquement du service public, alors que son homologue privé ne consomme pas de subventions et ne coûte rien aux collectivités ! D'ailleurs, les assurances ne s'y trompent pas, puisqu'elles plébiscitent les entreprises privées lorsqu'elles sont amenées à choisir entre les services marchands et non-marchands".
Apprentissage : les “premiers couacs"
__ Autre sujet de potentiel désaccord avec les dispositions gouvernementales : le sort potentiellement réservé à l'apprentissage, puisqu'à l'occasion de son intervention à Versailles le 30 août (voir ci-contre), Thierry Repentin a évoqué la possibilité de revoir les quotas d'alternants dans les entreprises ou une révision du fonctionnement des chambres de commerce. “Deux idées qui émanent des Régions, estime André Marcon. Un éventuel rabotage des quotas pourrait occasionner des dégâts colossaux, car les Conseils régionaux ont toujours tendance à favoriser en priorité le financement des formations de niveaux IV et V au détriment des formations supérieures, dans un but d'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Mais les Régions oublient que procéder ainsi, c'est négliger de promouvoir des formations de niveaux I, II ou III proposées dans nos CFA et qui resteraient ignorées des jeunes si les CCI ne les y guidaient pas." Tout aussi sévère est son opinion concernant l'idée d'une collecte de la taxe d'apprentissage par les Régions. “Les entreprises doivent rester libres du choix de l'affectation de leur taxe et surtout, il faut arrêter de faire courir cette rumeur qui veut que les CCI « se sucrent » sur ces fonds. Certes, nous les affections massivement et prioritairement dans nos CFA, mais ceux-ci connaissent des taux de réussite de 90 % à la sortie !" Sur ce sujet, André Marcon annonce qu'il demeurera “intransigeant". À voir s'il ne s'agit pas là de l'amorce d'un futur bras de fer entre les chambres consulaires et le gouvernement. Une chose, cependant, reste certaine : le thème de la 17e Université du réseau des CCI, qui se tiendra en 2013, a d'ores et déjà été déterminé, et concernera la “compétitivité industrielle".
“Ni table rase du passé ni nouveau texte de loi ni nouvel Ani", a promis Thierry Repentin face aux représentants des CCI réunis à Versailles, le 30 août. Pas de réforme drastique de la formation professionnelle dans les tuyaux, donc. Le ministre a toutefois signifié que l'apprentissage, en tant que voie d'accès à la qualification et à l'emploi pouvait se voir “repensé". “D'Édith Cresson, qui, lorsqu'elle était Premier ministre, visait l'objectif de 500 000 apprentis à l'horizon 1996, à Nadine Morano qui en visait 800 000 d'ici 2015, force est de constater que nous n'y sommes pas !", a tranché le ministre.
La faute, selon lui, à un système qui ne favorise pas la création de liens entre apprentis, CFA et employeurs. “Trop souvent, l'employeur est trouvé grâce au réseau professionnel familial. Or, plus une famille est éloignée d'un tel réseau, plus la difficulté est grande pour qu'un jeune s'insère dans l'emploi par ce vecteur." Rappelant qu'aujourd'hui, 80 % des contrats d'apprentissage sont effectués dans des PME de moins de 50 collaborateurs, Thierry Repentin a indiqué que les quotas obligatoires d'alternants (passés à 5 % dans les entreprises de plus de 250 employés) étaient souvent perçus comme des “contraintes" par les employeurs, lesquelles avaient des conséquences sur la qualité de la formation dispensée. Revenir sur ces quotas ? Le ministre ne l'aura pas signifié en ces termes, mais l'idée n'en a pas moins été exprimée.
Quant au maintien de la qualité des enseignements dispensés par les entreprises, il pourrait s'exprimer au travers d'une “statutarisation" de la fonction de tuteur, décidée au plan national. Reste la question des moyens financiers, de leur collecte et de leur répartition. “Sans doute aurons-nous à revoir le fonctionnement des Chambres de commerce et d'industrie pour rationaliser leurs processus, comme cela a été fait pour les Opca", a estimé le ministre.