Pierre, une si longue route partagée, idéologique, professionnelle, affective…

Par - Le 25 novembre 2020.

J'ai eu le bonheur de le voir encore  vivant il y a peu, et  d'avoir retrouvé par moments son regard malicieux  et affectueux qui, si souvent,  a accompagné nos rencontres  professionnelles ou amicales.

  1. J'ai 22 ans, je rencontre Pierre. Je sors d'un parcours étudiant de psychologie clinique et psycho-sociologie et j'arrive à Nancy au CUCES   pour intégrer l'INFA  à sa création en 2005. Et je suis  prise aussitôt dans l'effervescence de  l'Education Permanente. Quel visionnaire  Bertrand Schwartz ! et quel patron qui sait  s'entourer  d'hommes divers dont Pierre ancien élève de l'Ecole des Mines, pour conduire son projet de  renouvellement  social, industriel, pédagogique !

Je découvre le monde industriel  lorrain,  la PST (promotion supérieure du Travail) où je mène mes premières activités de recherche. Pierre conduit une intervention-formation d'ingénieurs- formateurs aux Ciments Lafarge. Je le repère rapidement. Il est  très soucieux  d'utiliser mes apports de sciences humaines et sociales. Je produis  avec lui  des questionnaires d'évaluation d'action.  C'est un plaisir de travailler ensemble. Il associe, ce qui est rare, la rigueur de l'ingénieur à  l'appétence sur les problèmes humains, et le désir d'agir à celui d'apprendre.  Et ensuite,  dans la foulée de ses activités il soutient une thèse  dirigée par Marcel Lesne futur créateur de la Chaire de Sociologie de l'Education des adultes au CNAM en 1972. Pierre est consacré  sociologue et sort un premier livre fondateur « Formation des adultes ou transformation des structures ».

En 1974  je rejoins Marcel Lesne au Cnam.  Je vis   après l'INFA une  étape  passionnante  d'ingénieur-formateur au Cesi (Centre d'études supérieures industrielles). Pierre  a créé Quaternaire Education avec d'autres.  Quand il  postule  au Cnam à la succession de M. Lesne en 1979 je ne suis pas surprise. Le Cnam  conjugue pour lui une ambition, une compétence universitaire et professionnelle,  et les idéaux de l'Education Permanente,  de la promotion sociale  qui nous ont  dynamisés et  formés tous les deux dans les années 1960.  Bertrand Schwartz est un père partagé !

En 1984, au Cnam, je retrouve  Pierre professionnellement. Il  se révèle  un remarquable moteur de changement. Elu président dans les différentes instance  de direction, il les anime avec brio, souplesse et rigueur. J'y suis présente. La célébration du  bicentenaire de la création du Cnam en 1994 a été un  grand succès.  Je mesure  de nouveau sa capacité à animer des   ensembles  larges,  à dépasser des oppositions, à  construire du neuf. Au niveau  de la Chaire il  favorise l'évolution des enseignements vers les nouveaux métiers. L'ingénierie  de la formation  s'inscrit dans les dispositifs  qui deviennent filière de formation professionnelle. Les auditeurs  s'identifient à lui. Le Centre de Recherche sur la Formation(CRF) est créé avec Jean-Marie Barbier. Le doctorat en Formation des adultes  arrive.

Des années fécondes  pour moi  qui participent à ces évolutions.  Pierre sait   stimuler les initiatives, permettre l'autonomie de chacun, développer le travail collectif. Il a été à bonne école !

Nos échanges intellectuels, professionnels et  amicaux  vont se poursuivre après son départ du Cnam en 2003.  Un hommage à l‘homme et au professeur  lui est rendu  au Cnam en 2012. J'y contribue largement avec une petite équipe toujours amicalement active.

Aujourd'hui, dans les turbulences qui secouent notre société des personnalités comme celle de Pierre pluridisciplinaire, associant  conviction et action,  imagination et  humanisme,  pratique et savoir, manquent et manqueront. A un niveau plus personnel, c'est notre amitié, la profondeur  et la simplicité de notre relation qui me manqueront le plus.

Merci Pierre.