Accès des détenus aux activités d'insertion par l'activité économique
Par Valérie Michelet - Le 02 mai 2016.
L'acte d'engagement et l'accès des détenus aux activités d'insertion par l'activité économique
Consacrant le principe selon lequel la personne détenue conserve le bénéfice de ses droits, la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (JORF n°0273 du 25 novembre 2009) entendait notamment faciliter l'exercice du droit au travail pour les détenus, se conformant ainsi vœux de l'Assemblée nationale qui affirmait dans un rapport intitulé "La France face à ses prisons" (N 2521, t. 1, p. 140) qu'« on ne peut imaginer qu'il y ait deux qualités de normes selon qu'il s'agit d'un citoyen libre ou d'un citoyen détenu". La garantie des droits est la même, le détenu n'étant privé que « de sa liberté d'aller et de venir ».
Si le statut de salarié n'a finalement pas été reconnu au détenu – qui signe un contrat d'engagement professionnel – la loi Pénitentiaire de 2009 entendait faciliter l'intervention des entreprises d'insertion à l'intérieur des établissements pénitentiaires.
Elle fixe en effet les conditions dans lesquelles les détenus peuvent exercer une activité professionnelle dans les établissements pénitentiaires en créant l'acte d'engagement professionnel, acte par lequel le détenu est mis à disposition de l'administration pénitentiaire ou de l'entreprise concessionnaire pour exercer cette activité. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération. Elle prévoit également que les détenus puissent bénéficier des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique (article 33).
L'intervention des entreprises d'insertion était impossible faute pour les détenus de pouvoir être embauchés dans le cadre d'un contrat de travail, l'article L5132-1 du Code du travail prévoyant en effet que « l'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion professionnelle.»
La loi pénitentiaire prévoit que l'acte d'engagement pourra préciser « les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l'absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L5132-1 à L5132-17 du Code du travail ».
La loi permet ainsi aux structures d'insertion de déroger à l'exigence d'un contrat de travail afin de leur permettre d'intervenir dans les établissements pénitentiaires.
La saisine du Conseil constitutionnel sur la conformité aux droits et libertés constitutionnels de l'article 33 de la loi Pénitentiaire de 2009
C'est sur cette disposition que le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2015 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par un détenu, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 33 de la loi du 24 novembre 2009.
Le requérant soutenait notamment qu'en n'organisant pas le cadre légal du travail des personnes incarcérées, ces dispositions privent celles-ci de l'ensemble des garanties d'exercice des droits et libertés reconnus par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009, celles de l'article 717-3 du Code de procédure pénale et les dispositions contestées énoncent différentes règles et garanties relatives aux conditions de travail des personnes détenues. S'il a également relevé qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits, il a jugé qu'en subordonnant à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires et en renvoyant à cet acte d'engagement le soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les principes énoncés par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.
Dans un communiqué de presse du 25 septembre 2015, Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, prend acte qu'il appartient au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits, précisant qu'elle s'y est employée depuis son arrivée avec par exemple la publication du décret du 24 avril 2014 de la consultation des personnes détenues sur les activités en détention, notamment professionnelles.
Par ailleurs, elle rappelle que le dispositif Insertion par l'Activité Économique préexistant hors milieu carcéral fait l'objet d'une expérimentation dans sept établissements où les personnes détenues volontaires bénéficient d'une formation de qualité encadrée et rémunérée.
La mise en oeuvre de la loi pénitentiaire
C'est sans nul doute dans ce cadre que s'inscrit le décret n° 2016-531 du 27 avril 2016 relatif à l'insertion par l'activité économique en milieu pénitentiaire.
Ce texte paru au JO du 30 avril dernier :
- ouvre la possibilité aux personnes détenues d'accéder aux dispositifs de l'insertion par l'activité économique au sein des établissements pénitentiaires ;
- étend le dispositif de conventionnement avec l'État, ainsi que les financements associés, aux entreprises d'insertion (EI) et aux ateliers et chantiers d'insertion (ACI) qui envisagent de s'implanter dans les établissements pénitentiaires, afin de proposer un parcours d'insertion associant mise en situation de travail et actions d'accompagnement social et professionnel aux personnes détenues et de favoriser ainsi leur insertion ou leur réinsertion durable sur le marché du travail.
Conseil Constitutionnel, Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015
Communiqué de presse Garde des Sceaux du 25 septembre 2015
Décret n° n° 2016-531 du 27 avril 2016 relatif à l'insertion par l'activité économique en milieu pénitentiaire (JO 30 avril 2016)