L'Opco Mobilités au milieu du gué

Par - Le 07 janvier 2019.

Une question de forme qui débouche sur des désaccords de fond. Ainsi peut se résumer, à ce jour, le processus de constitution de l'Opco Mobilités. Rejeté par quatre syndicats sur cinq dans la branche des transports routiers – la plus importante -, le projet d'accord constitutif n'a reçu l'aval que de la seule CGT, qui n'atteint pas les 30 % requis. La copie est donc à revoir.

À la hussarde. Chez les syndicats des transports routiers qui ont refusé de signer (CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC), c'est le sentiment qui prévaut sur la méthode employée pour bâtir le projet d'accord constitutif de l'Opco Mobilités. Sensé réunir une douzaine de branches (voir encadré), l'accord se serait construit sans les transports routiers, qui représentent pourtant plus de la moitié du périmètre de l'Opco avec quelques 720 000 salariés.

« Il n'y a pas eu de réelle négociation, tout s'est fait dans notre dos », affirme Thierry Douine, président de la CFTC Transports.

« C'est seulement trois semaines avant le 10 décembre, date à laquelle l'accord a été mis à signature, que nous avons eu connaissance d'un texte global et finalisé qui nous a été transmis pour information par la partie patronale du transport », confirme Maxime Dumont, conseiller confédéral en charge du dossier. « Pour information et non négociation », insiste-t-il en dénonçant un texte « clés en main » concocté par les services de l'automobile et qui prévoit jusqu'à la gouvernance du futur Opco. Pour Stéphane Bourgeon, secrétaire adjoint fédéral FGTE-CFDT, « la balle est désormais dans le camp de la partie patronale » et la sortie de crise passe nécessairement par un rééquilibrage à hauteur du poids réel du transport routier dans le futur Opco. Il réclame aussi le respect de l'accord national interprofessionnel de 2012 qui prévoyait un vote paritaire au conseil d'administration, « et non pas collège par collège , insiste-t-il.

Seule la CGT signe

Après le refus des contre-propositions formulées par les organisations syndicales, une rencontre réunissant l'ensemble des parties prenantes est exigée et fixée au 10 décembre. Ce jour, aucun des autres secteurs d'activité ne voudra modifier le texte, provoquant le refus des organisations syndicales du transport de signer, à l'exception de la CGT. Mais avec 27,12 % de représentativité, la centrale ne peut suffire à rendre l'accord applicable. Devant une négociation jugée « ni sincère ni loyale », CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC décident de faire un recours en annulation devant le ministère du Travail.

Sortie de crise ?

Alors que le gouvernement va s'efforcer de désamorcer la crise par des bilatérales organisées dès la semaine du 7 janvier, ce sont à ce stade deux scénarios qui se profilent. Soit les parties prenantes retournent à la table des négociations pour tenter un nouvel accord d'ici au 31 mars, soit il reviendra à l'État de désigner l'Opco de rattachement de la branche du transport routier. Une situation impensable pour Maxime Dumont, qui rappelle qu'une branche rattachée d'office ne peut siéger au conseil d'administration. Tout en estimant que ce point reste juridiquement à préciser, Stéphane Bourgeon juge également impossible que le futur Opco puisse « avancer sereinement sur les dossiers emblématiques du transport routier » si celui-ci est absent du conseil. Comment sortir de l'impasse ? Si Maxime Dumont estime qu'il sera difficile de reprendre entièrement un texte qui a déjà été signé et adopté, il n'en demeure pas moins convaincu que les questions essentielles, à commencer par la gouvernance, peuvent être traitées dans les statuts.

À noter enfin une différence de périmètre entre l'accord constitutif du 10 décembre et le scénario envisagé par le rapport Marx/Bagorsk


Les 12 branches de l'Opco-Mobilités
Entre les 1 000 salariés des voies ferrées d'intérêt local et les 720 000 salariés des transports routiers et activités auxiliaires de transports, le futur opérateur de compétences Opco-M réunit, en l'état, une douzaine de branches de tailles très diverses. Outre les précitées, on trouverait les agences de voyage et de tourisme, la branche ferroviaire, les distributeurs conseils hors domicile, la manutention ferroviaire et travaux connexes, la navigation intérieure, les ports et manutention portuaire, la RATP, les services de l'automobile, les transports et services maritimes, les transports publics urbains. Soit, selon la note de cohérence, quelques 200 000 entreprises comptant 1,3 millions de salariés et 47 000 alternants.