Michel
Feutrie
L'Assemblée nationale a voté, le 19 décembre dernier, la loi de modernisation sociale, donnant un cadre législatif au dispositif de la validation des acquis de l'expérience (VAE). L'une des dispositions du texte modifie profondément la formation continue, voire la formation universitaire.
Par Centre Inffo - Le 01 janvier 2002.
Inffo Flash : Quels changements la loi de modernisation sociale apportera-t-elle dans le fonctionnement de la formation continue universitaire ?
Michel Feutrie : Cette loi va certainement constituer un levier pour la formation continue universitaire[ 1 ]Lire Inffo Flash n° 503, pages 23 et 24. Elle introduit la possibilité de délivrer la üotalité d'un diplôme par validation de l'ensemble de l'expérience. Cependant, le nombre de personnes qui se verront attribuer d'emblée la totalité d'un diplôme ne sera pas considérable. En revanche, ce qui me paraît le plus important dans le texte, c'est le rôle du jury de validation. Celui-ci a un rôle de prescription : il doit dire - dans le cas où il n'attribue pas la totalité du diplôme -, ce que le candidat doit faire pour en obtenir la totalité. Le champ est ouvert pour des modes de poursuite de parcours très divers. Il peut s'agir d'insertion dans des filières de formation ou d'autres approches, comme des parcours individualisés à l'intérieur d'une université, à travers plusieurs facultés, instituts ou UFR. Il peut aussi s'agir de travaux personnels ou de compléments d'expérience. A partir de la décision du jury,¿on peut donc initier un processus pédagogique d'accompagnement du candidat pour l'aider à obtenir la totalité du diplôme. C'est une autre façon de penser la formation continue universitaire, jusqu'ici fortement axée sur ¨'insertion dans des stages classiques de formation. Désormais, les réponses pédagogiques peuvent être beaucoup plus diversifiées et beaucoup plus individualisées. Cela dépendra de la capacité de chaque université à s'investir dans ce domaine et des moyens financiers qui seront accordés pour la prise en charge de tels parcours.
Inffo Flash : Une harm nisation des procédures d'évaluation et de validation des acquis dans les universités françaises paraît nécessaire. Comment entendez-vous la mettre en place ?
Michel Feutrie : Les universités étant autonomes, chaque établissement mettra en place ses propres procédures d'évaluation et son propre dispositif de VAE. La position de la Conférence est de mettre les collègues autour d'une table, de les faire échanger, travailler ensemble sur des cas précis, afin de rapprocher les points de vue trop différents. Il s'agit davantage d'un travail de sensibilisation, d'incitation, d'échange, d'harmonisation, que d'un travail d'imposition de normes. Dans cette optique, nous avons élaboré avec le ministère un plan de professionnalisation de l'ensemble des acteurs et un plan d'aide au développement des pratiques de VAE. La publication d'un annuaire identifiant un point de contact pour la VAE dans chaque université va également dans ce sens.
Inffo Flash : Quelle sera l'ampleur du Plan de professionnalisation ?
Michel Feutrie : Ce plan, qui commence en février, devrait concerner, en 2002 et 2003, environ un millier de personnes2. Il comporte un ensemble de modules à destination de plusieurs catégories d'acteurs à l'intérieur des universités.
Le premier type d'action s'adresse aux décideurs[ 2 ]L'ensemble du Plan de professionnalisation, qui a été accepté par le ministère, bénéficie d'un financement du FSE (181000 E, soit 1,2 millions F) et d'une contribution publique (221 000, soit 1,6 millions F). présidents d'université, présidents de conseils, secrétaires généraux... Il s'agit d'un travail de réflexion sur la VAE et sur ses enjeux, sur les dispositifs à mettre en place.
Deuxième catégorie d'acteurs concernés : les personnels, enseignants et administratifs, désireux de s'informer sur la VAE. Nous programmerons très prochainement à leur intention des journées de sensibilisation dans chacune des cinq grandes régions universitaires.
Le troisième type d'action concerne la préparation des membres de jury. Il s'agit d'examiner avec eux les changements qu'apporte la loi sur la VAE et comment, en particulier, à partir de l'analyse d'un dossier et d'un entretien se construire une “conviction" en vue d'une prise Me décision (attribution du diplôme, de modules ou préconisation de parcours). Le quatrième type d'action concerne les accompagnateurs des candidats à la VAE, personnels chargés de l'accueil et de l'information (secrétaires), de l'élaboration des dossiers, ainsi que ceux chargés du suivi des préconisations des jurys (tuteurs pédagogiques ou accompagnateurs).
Inffo Flash : La validation d'un diplôme par l'expérience suppose que le candidat dispose d'un dossier de qualité. Quelles sont les mesures prises par la Conférence pour garantir dans les universités une VAE de qualité ?
Michel Feutrie : Il est évident que la VAE doit être une procédure de qualité, parce qu'elle engage fortement le candidat, lui demande un effort considérable, une forte implication. La démarche doit contribuer à la valorisation de ce qu'il a acquis comme expérience. Dans le plan de professionnalisation, notre idée est de mobiliser différentes catégories d'acteurs appartenant à un même établissement pour qu'ils élaborent ensuite ensemble une démarche commune. Nous souhaitons que se mette en place au sein d'un établissement un dispositif chaîné, reposant sur une approche globale par rapport à la VAE. Nous fondons beaucoup d'espoirs dans ce plan, qui sera pris en charge par un groupe de spécialistes au sein de la Conférence et auquel pourront être associées des personnes extérieures en fonction de leurs compétences. Son exécution sera suivie par un autre groupe, “politique" , associant des représentants de la Conférence des directeurs et de la Conférence des présidents d'université. Comme on peut le constater, notre idée n'est pas d'imposer un schéma général, mais de faire partager une conviction et de construire une démarche cohérente qui permette d'apporter aux candidats des réponses valorisantes à leurs demandes.
Inffo Flash : Différents organismes (universités, chambres de commerce, branches professionnelles...) interviennent dans la délivrance de diplômes, de titres, de certificats. Pensez-vous nécessaire d'harmoniser les modalités de validation ?
Michel Feutrie : La loi donne un certain nombre de précisions et un encadrement réglementaire, qui seront complétés par des décrets d'application (en cours de validation)[ 3 ]Il y a deux décrets. Le premier concerne l'enseignement supérieur. Le second est destiné aux autres dispositifs et aux établissements de l'enseignement supérieur ne disposant pas d'une autonomie administrative.
. Des arrêtés ministériels viendront également préciser certains point d'application de la loi. Je ne pense pas qu'il faille harmoniser les différentes modalités de validation. Chaque organisme développera des pratiques ou des approches qui seront peut-être un peu différentes. Les certifications n'ont pas forcément les mêmes objectifs et ne produisent pas nécessairement les mêmes effets. En revanche, il faut qu'en amont, comme le préconise Nicole Péry, il y ait des lieux d'information et de conseil[ 4 ]Nicole Péry a prévu de créer des plates-formes régionales d'information et de sensibilisation à la VAE. , afin d'aider les personnes à s'orienter vers le dispositif convenant le mieux à leur projet personnel ou professionnel, l'accompagnement dans le processus de validation restant de la responsabilité de l'organisme valideur. D'autre part, il est important que le candidats n'ait pas à refaire tout le processus s'il décide de changer de dispositif, s'il est amené à changer de région. Son dossier doit pouvoir être repris en compte par d'autres. Il faudra que s'établisse une sorte de gentlemen agreement entre les organismes, afin qu'ils acceptent de reconnaître ce que les uns et les autres ont fait. Nous avons, avec cette loi, une véritable opportunité de relance de la formation professionnelle et de relance des parcours individuels. Mais si la loi vient de créer un droit nouveau, il reste à définir, pour les individus, la façon dont ils pourront exercer ce droit, en particulier dès lors que les jurys de validation prescriront des parcours complémentaires.
Propos recueillis par Knock Billy
Notes
1. | ↑ | Lire Inffo Flash n° 503, pages 23 et 24 |
2. | ↑ | L'ensemble du Plan de professionnalisation, qui a été accepté par le ministère, bénéficie d'un financement du FSE (181000 E, soit 1,2 millions F) et d'une contribution publique (221 000, soit 1,6 millions F). |
3. | ↑ | Il y a deux décrets. Le premier concerne l'enseignement supérieur. Le second est destiné aux autres dispositifs et aux établissements de l'enseignement supérieur ne disposant pas d'une autonomie administrative. |
4. | ↑ | Nicole Péry a prévu de créer des plates-formes régionales d'information et de sensibilisation à la VAE. |