Daniel
Brunel
La “sécurisation des parcours de formation" est un objectif clef du Conseil régional. Elle nécessite un large partenariat, auquel le transfert des activités de l'Afpa au 1er janvier 2007 va contribuer. Vers un “service public de la formation et l'apprentissage" ?
Par Centre Inffo - Le 01 octobre 2006.
Inffo Flash :Pouvez-vous dresser un point d'étape sur la préparation du PRDFP 2007-2012 ?
Daniel Brunel : Elle avance bien, même si la coopération, que nous avons privilégiée comme méthode pour élaborer notre plan de formation, demande du temps ; ce qui vaut d'ailleurs pour le schéma régional de développement économique (SRDE) comme pour le schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF). Mais c'est particulièrement vrai en Île-de-France où, lorsqu'on croise territoires et filières, le nombre d'acteurs commence à devenir impressionnant. Et pourtant, coopérer est une nécessité si nous voulons arriver à construire ce PRDFP 2007-2012, mais aussi à le mettre en œuvre, avec nos partenaires, pour structurer une offre de formation plus cohérente et pertinente. Les enjeux autour de la formation, de la professionnalisation, autant des jeunes que des adultes, qu'ils soient salariés ou demandeurs d'emploi, sont énormes. Ces questions vont peser lourd dans les prochains débats électoraux.
Pour préparer le PRDFP, nous avons envoyé plus de 250 documents de concertation. Les contributions, en ligne sur le site des États généraux des formations, ont été intégrées aux travaux, déjà riches,
engagés depuis ces ÉGF, de l'hiver dernier. Avant d'entrer dans l'étape de la consultation obligatoire, nous organiserons une grande rencontre de concertation, le 6 novembre prochain dans l'hémicycle de la Région. Elle nous permettra de poursuivre, si besoin, le débat, mais surtout d'arrêter des pistes de propositions pour chacun des schémas du PRDFP. Ces pistes seront réunies dans un “livret du PRDFP" soumis aux élus régionaux. Au final, le PRDFP sera présenté lors d'un Conseil régional exceptionnel consacré au schéma des formations, au cours du 1er semestre 2007. Une fois adopté, nous nous attaquerons à sa mise en œuvre.
Inffo Flash : Pouvez-vous déjà en présenter les grandes lignes ?
Daniel Brunel : Les grandes lignes du PRDFP s'appuient sur les principes stratégiques établis comme socle commun aux différents documents du schéma des formations, en lien avec le SRDE. Sans être exhaustif et sans préjuger des suites des travaux de concertation, le fil rouge de notre PRDFP sera, sans nul doute, la sécurisation des parcours professionnels. Et même s'il s'agit d'une question sociétale, qui ne pourra trouver sa réponse que dans une loi de sécurité d'emploi ou de formation, dès lors que la garantie des revenus est posée, nous comptons bien faire la démonstration que sécuriser les parcours professionnels est non seulement indispensable, mais possible. Pour cela, nous ne manquerons pas de nous appuyer sur la constitution, prévue au SDRE, d'un Fonds régional d'emploi et de formation, élargissant et mutualisant les moyens financiers sur ces deux champs. Dès maintenant, plusieurs principes et leviers d'action doivent être réaffirmés et actionnés.
Pour sécuriser les parcours, il faut élever le niveau de qualification. Concrètement, cela nous amène à mieux travailler avec les organismes de formation pour que les certifications acquises débouchent plus souvent sur la qualification, dans des parcours qui permettent d'intégrer la VAE. Le transfert des activités de l'Afpa au 1er janvier 2007 va nous y aider. Elle sait faire, elle a les ressources pour.
Pour sécuriser les parcours professionnels, il faut sécuriser les parcours de formation. C'est un accompagnement adapté et renforcé, autant que nécessaire, qu'il faut pouvoir proposer pour augmenter les chances des apprentis et des stagiaires d'aller au bout de leur formation. Cela passe par une amélioration des conditions de vie (se loger, manger, se transporter, se soigner, etc.). Nous proposons donc de travailler plus et mieux sur la qualité de l'accompagnement des personnes en formation, notamment avec les huit Conseils généraux d'Île-de-France, et de le faire y compris par bassin d'emplois. Par ailleurs, l'expérience des Centres de rééducation professionnelle en matière d'accompagnement médico-social de la formation des travailleurs handicapés peut nous être utile pour la formation des publics les plus fragiles.
Pour sécuriser les parcours, il faut faire jouer les complémentarités des voies et des modes de formation par le renforcement et la création de passerelles entre différents dispositifs et différents statuts, pour éviter les ruptures. Avec les autres financeurs que sont l'État (au titre de l'Éducation, mais aussi de l'Emploi) et les partenaires sociaux (au titre de la formation mais aussi de l'assurance chômage) nous devons mieux intégrer cette logique de parcours. Tout en étant très clairs sur le cœur de métier de chacun, il nous faut savoir intervenir à la frontière de nos compétences respectives. C'est vrai lorsqu'il s'agit de monter des actions communes avec la MGI de l'Éducation nationale, c'est tout aussi vrai lorsqu'il s'agit de travailler à des partenariats avec les Opca et les Assédic, dans le respect de nos compétences respectives et de nos engagement réciproques. La contractualisation est une clef de la réussite de la sécurisation des parcours.
Inffo Flash : Justement, ces partenariats que vous appelez de vos vœux, comment pensez-vous les faire vivre ?
Daniel Brunel : Le PRDFP peut être l'opportunité de déboucher sur un pilotage efficace de la “gouvernance" de la formation. Améliorer et créer des instances de pilotage stratégiques et opérationnelles en charge de travailler sur les ruptures, les transitions d'un statut à un autre (élèves, stagiaire, demandeur d'emploi, salarié). C'est vraiment sur ces “entre-deux" que nous avons tous à nous améliorer. Et là, nous avons un défi majeur à relever : structurer un maillage en réseau de la formation professionnelle qui soit en capacité de sécuriser des parcours de professionnalisation par des actions de formation et d'accompagnement pertinentes. Tout cela se travaille dans des instances de pilotage communes, avec le souci qu'y soit représentés tous les acteurs concernés.
Ce qui est vrai pour la formation et vrai pour l'orientation. Des compétences s'enchevêtrent, des dispositifs s'empilent. Ce qui favorise le cloisonnement et la confusion. Nous avançons sur l'idée d'une “orientation tout au long de la vie" portée nationalement et déclinée par un service public régional de l'AIO fonctionnant en réseau. Mais cela passe obligatoirement par une politique concertée et partenariale. C'est la même chose pour la formation des personnes handicapées. Au Conseil régional, nous sommes prêts à prendre la main pour réunir les décideurs et les acteurs concernés et faire vivre l'article 26 de la loi du 11 février 2005, par exemple.
Inffo Flash : Ne pensez-vous pas que cette idée de service public régional de la formation entre en contradiction avec l'application du Code des marchés publics ?
Daniel Brunel : Là aussi, le transfert des activités de l'Afpa vient poser avec un peu plus d'acuité la question “appel d'offres - subvention" qui n'est pas purement juridique mais, pour moi, avant tout politique. Quel que soit le régime choisi, il doit nous garantir une efficacité sociale et économique. C'est à ce titre que nous avons lancé une évaluation de l'application du Code des marchés publics dans le domaine de la formation, qui intègre le périmètre des actions d'insertion et de préparation à la qualification. Parallèlement, nous réfléchissons à la constitution de pôles et de réseaux de formation assurant une mission de service public pour mailler notre territoire et assurer un véritable droit à la formation de qualité.
Nous sommes, par ailleurs, très intéressés par ce qui se passe en Région Paca sur la création d'un service public de la formation et l'apprentissage et du retour au régime des subventions pour les actions préparatoires à la formation et à l'emploi. Dans la même veine, la réflexion de l'ARF qui couple sécurisation des parcours et service public de la formation est stimulante. Ce sont les deux questions fondamentales du moment.
Inffo Flash : Favoriser la création et la transmission d'entreprises est un point clef des politiques régionales. Que fait la Région, en matière de formation ?
Daniel Brunel : Nous avons développé, depuis quelques années, le dispositif Cap entreprise, qui permet le diagnostic de projet, la formation (à concurrence de 200 heures de formation collective et de 16 heures de formation individuelle), l'accompagnement et le suivi (y compris post-création). Ce dispositif est pour nous une vraie réussite. Il est unanimement reconnu par les acteurs de la création d'entreprise, et est en augmentation constante : 1 000 bénéficiaires en 2004, de plus de 1 500 en 2005. Nous visons 1 750 créateurs cette année et espérons atteindre le cap des 2 000 pour 2007.
Nous avons également initié une action de soutien à l'entrepreneuriat
populaire. Il s'agit de l'essaimage des Groupements de jeunes créateurs (GJC). Partenariale et territoriale (Universités, Boutiques de gestion, Missions locales), cette démarche, au carrefour du développement économique, de la formation et de l'emploi, permet de faire émerger et construire des projets professionnels en renforçant les connaissances, les compétences et l'accompagnement de jeunes des Missions locales dans le domaine de la création d'entreprise. C'est une action structurée et structurante qui répond à un vrai désir d'entreprendre chez les jeunes des quartiers populaires (un sondage de l'Adie montre que 50 % d'entre eux souhaitent créer leur entreprise). Nous voulons soutenir ceux qui veulent apprendre à entreprendre. Aujourd'hui, la Région a permis la création de sept Groupements et nous en espérons douze en 2007.
Nous envisageons, pour assurer la pérennité de cette action prometteuse, la création d'une mesure spécifique dédiée à l'accompagnement de l'émergence des projets de création d'activités avec une labellisation “GJC". Un comité régional a été créé pour piloter ce développement. Enfin, nous étudions également la possibilité, en lien avec la DRTEFP et les Conseils généraux, d'ouvrir cette action aux adultes demandeurs d'emploi et bénéficiaires du RMI.
Propos recueillis par Sandrine Guédon-Zadunayski et François Boltz