Claudy

Lebreton

Très actifs sur le terrain des “solidarités sociales locales", les Départements sont vigilants sur toutes les questions liées à leurs financements. L'amendement sénatorial prévoyant un avis préalable des Départements aux propositions de régionalisation de la gestion des fonds structurels permettra-t-il un travail partenarial ?

Par - Le 16 février 2007.

Inffo Flash : En décembre, Jean-Louis Borloo regrettait que seule la moitié des Départements proposent une orientation des allocataires du RMI vers un contrat d'avenir. À quoi faut-il l'attribuer ?

Claudy Lebreton : Lorsque l'État a décentralisé de nouvelles compétences aux Départements, il a fallu réagir vite. Le versement du RMI a commencé bien avant la parution des décrets d'application. Le plan de cohésion sociale nous a pris aussi un peu de court, avec la demande d'orientation des allocataires du RMI le plus souvent possible vers des contrats d'avenir ou des contrats d'insertion-RMA. Après les contrats emploi solidarité, les emplois jeunes, les collectivités locales finissent par se montrer circonspectes lorsqu'il s'agit de signer le plus grand nombre possible de nouveaux contrats aidés.

Inffo Flash : La question du montant de l'aide des Départements aux contrats d'avenir ou CI-RMA semble à présent résolue. Comment l'ADF est-elle arrivée à un compromis avec l'État ?

Claudy Lebreton : Le financement d'un contrat d'avenir repose en partie sur le paiement d'un RMI à taux plein, alors qu'il s'agit d'une allocation par nature différentielle. Cela signifie un surcoût à l'année de 2 000 euros en moyenne par contrat d'avenir, comparé au coût moyen du RMI. Or, cet été, nous avons appris que ce RMI à taux plein servant à financer le contrat d'avenir serait interprété dans la nomenclature budgétaire du ministère des Finances comme une “aide à l'emploi", et ne serait donc pas compensé par l'État comme l'allocation RMI. Devant nos protestations, l'État s'est engagé à prendre en charge un tiers de ce surcoût avec effet rétroactif au 15 octobre 2006, et Thierry Breton [ministre de l'Économie, de Finances et de l'Industrie] vient de me donner l'assurance que les versements du RMI donneront lieu à compensation de l'État. Les Départements se sentent donc partiellement soulagés.

Inffo Flash : Quels sont vos modes de collaboration avec les Régions en ce qui concerne la formation des titulaires de ce type de contrat ?

Claudy Lebreton : Cela n'a pas été facile au départ. Les Régions n'étaient pas très désireuses de se lancer, considérant que la concertation autour du plan de cohésion sociale avait été insuffisante. Par ailleurs, des problèmes de statut peuvent surgir lorsque les personnes sont employées par des collectivités territoriales. Deviennent-elles stagiaires de la formation professionnelle ? Accèdent-elles facilement aux allocations chômage après leur formation, si leur contrat d'avenir est terminé ? Ces problèmes juridiques expliquent le retard pris dans la collaboration avec les Régions.

Inffo Flash : La prise en charge expérimentale par les Départements de la prime de retour à l'emploi va-t-elle dans le sens d'une gestion plus efficace de leur insertion ?

Claudy Lebreton : Plusieurs expérimentations ont été conduites entre l'Agence nouvelle des solidarités actives dirigée par Martin Hirsch et des Départements français. Celles-ci ont notamment porté sur la mise en œuvre d'un revenu de solidarité active (Eure), des contrats aidés plus souples (Meurthe-et-Moselle) ou d'un contrat unique d'insertion (Côtes-d'Armor). Un article de la dernière loi de finances rectificative va permettre d'introduire de la souplesse et de la cohérence avec le versement par les Départements de la prime à l'emploi, au même titre que la prime forfaitaire. L'idée est de moduler ces versements en fonction du nombre d'heures travaillées, des initiatives prises en termes d'accompagnement et de formation et de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi.

Inffo Flash : Le projet de loi relatif au transfert aux Régions de la gestion des fonds structurels prévoit (par amendement) un avis préalable des Départements. Sur quels impératifs cette disposition vous semble-t-elle appuyée ?

Claudy Lebreton : Le Fonds social européen comprend un volet formation, mais aussi un volet inclusion sociale destiné à financer des activités d'insertion sociale et professionnelle du type de celles conduites par les Départements. Ils réclament depuis longtemps de gérer directement une partie de ces fonds, étant donné l'ampleur de leurs interventions en termes de solidarités sociales locales. Cette demande a été en quelque sorte entendue avec cet amendement sénatorial qui prévoit un avis préalable des Départements à toute proposition de régionalisation de la gestion des fonds structurels. Les Départements ne veulent pas passer sous la tutelle des Régions. En effet, si la tutelle a posteriori de l'État sur les décisions des collectivités est naturelle, aucune collectivité territoriale ne peut exercer une quelconque tutelle sur une autre dans notre pays.

Inffo Flash : Mais cet avis obligatoire des Départements ne ressemble-t-il pas fort à un droit de veto ?

Claudy Lebreton : En fait, l'ADF a toujours plaidé pour que les collectivités territoriales travaillent ensemble. Il eût été intéressant de faire une proposition conjointe ADF-ARF, mais nous avons été pris de court par l'agenda parlementaire. Il faut noter que les budgets d'intervention sociale ne sont pas négligeables. Pour mon Département, les Côtes-d'Armor, il s'élève annuellement à 13 millions d'euros, financés à hauteur de 6,9 millions par le FSE. Je voudrais ajouter que l'Europe, jugée si distante par nos concitoyens, est bien présente lorsqu'il s'agit de contribuer à financer les solidarités sociales locales.

Propos recueillis par Renée David-Aeschlimann