Didier

Acouétey

8ème forum AfricTalents

L'Afrique appelle une immigration de compétences sur son sol.

Les 1er et 2 juin à Paris, le forum AfricTalents a permis à une trentaine d'entreprises opérant en Afrique subsaharienne de proposer des postes à un millier de jeunes diplômés d'origine africaine ou européens. Didier Acouétey, directeur d'AfricSearch, organisateur du forum, répond à nos questions.

Par - Le 18 juin 2007.

Inffo Flash : C'est la huitième édition du forum AfricTalents. Quels constats faites-vous ?

Didier Acouétey : Deux constats majeurs. Le premier est que l'engouement des jeunes diplômés africains pour l'Afrique n'a jamais été aussi important, quel que soit leur domaine de formation. Deuxièmement, la diversité des entreprises et des secteurs (les télécoms, la finance, la banque, la santé, l'industrie, le bâtiment et travaux publics) présents à cette nouvelle édition du forum montre l'évolution des économies africaines et leur vitalité. Ce forum était presque exceptionnel, car il y avait près d'un millier de postes à pourvoir par les entreprises !

Inffo Flash : De quels types de profils (ou de formations) ont besoin ces entreprises ?

Didier Acouétey : Des profils aussi variés que des hommes et des femmes dans le marketing, la vente, la gestion, la finance, l'audit, le contrôle de gestion, les ressources humaines, les télécoms, la pharmacie, etc. L'engouement pour ces “formations et profils gagnants" tendent à démontrer, si besoin, la nouvelle dynamique des entreprises sur le continent africain.

Inffo Flash : Qu'entendez-vous par “formations gagnantes" pour l'Afrique ?

Didier Acouétey : Ce sont des formations assez opérationnelles et fonctionnelles qui sont directement exploitables par les entreprises dans les domaines précités. Le niveau est généralement de bac + 4 à 5. Elles sont aussi à l'image d'une Afrique qui mise désormais sur le secteur privé comme moteur de son développement, avec un secteur public qui tend à se
retirer de la sphère économique.

Inffo Flash : Quel intérêt un diplômé de grande école en Europe a-t-il à partir travailler en Afrique ?

Didier Acouétey : Premièrement, les besoins des économies africaines en compétences sont bien plus importants, c'est le propre des économies émergentes. Deuxièmement, les carrières sont plus rapides, avec des responsabilités accrues, sans préjudice racial. Troisièmement, l'épanouissement personnel est une vraie réalité avec
une vie quotidienne à très faible coût. Quatrièmement, sur le plan social, la reconnaissance de l'environnement est véritable et réhabilite l'identité, contrairement aux pays développés où un diplômé n'est qu'un numéro, remplaçable sans émotion, et aux compétences rarement reconnues.

Inffo Flash : Existe-il une pénurie de ressources locales ?

Didier Acouétey : En fait, il ne s'agit pas de pénurie de ressources, mais de qualité de ressources. Beaucoup d'écoles, d'universités ou
d'organismes de formation dans de nombreux pays en Afrique continuent de former des jeunes qui n'ont aucune prise sur la réalité économique et concurrentielle des entreprises, et qui sont peu confrontés à l'économie mondialisée où la compétence est la ressources la plus prisée. D'où l'intérêt de recruter des jeunes diplômés et professionnels familiarisés avec cette nouvelle économie internationalisée.
Par ailleurs, l'exposition de ces cadres
formés en Europe à l'environnement international donne une plus grande ouverture d'esprit qui est utile aux entreprises qui opèrent sur des marchés concurrentiels. La mobilité des compétences est un atout important pour le développement économique.

Inffo Flash : Mais comment organiser et favoriser cette mobilité ?

Didier Acouétey : À travers la fin des frontières artificielles entre les pays et les pseudo nationalismes qui n'ont aucun sens aujourd'hui en Afrique, dans un monde où les grands espaces sont privilégiés pour affronter les enjeux de l'économie mondiale. Cela passe également par le développement d'universités et d'instituts ou organismes de formation à caractère régional, une meilleure intégration des économies africaines, avec un meilleur soutien des États à l'initiative privée. Il faut développer également davantage de programmes de coopération entre les entreprises, les instituts de recherche, etc., avec un vrai passeport africain qui donne le droit de s'installer, d'étudier et de travailler n'importe où sur le continent.

Propos recueillis par Knock Billy