Guy

Le Boterf

"Raisonner juste" pour être efficace dans la GPEC.

Depuis la fin des années 1970, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) a donné lieu à de nombreuses initiatives, mais aussi à de nombreux échecs. Au moment où les approches par compétences sont de nouveau d'actualité, Guy Le Boterf[[Directeur du cabinet Le Boterf Conseil (France), professeur associé à l'Université de Sherbrooke (Canada). ]] publie un nouvel ouvrage[[Repenser la compétence, Éditions d'organisation, à paraître début mai 2008.]] et propose des pistes pour mettre en œuvre les raisonnements nécessaires pour en assurer l'efficacité.

Par - Le 29 avril 2008.

Inffo Flash - Guy le Boterf, vous avez déjà publié de très nombreux ouvrages sur la gestion et le développement des compétences. Pourquoi cette nouvelle publication ? À quels besoins répond-elle ?

Guy le Boterf - J'ai voulu mettre en garde. La nécessité d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences apparaît de nouveau dans les entreprises et devient une priorité pour les PME, les administrations publiques et les collectivités territoriales. De nombreux projets sont envisagés et entrepris. Mais trop souvent sans prendre en compte les leçons de l'expérience de ces vingt dernières années. Des réussites ont eu lieu, mais aussi trop de projets n'ont pas eu de suites - ou en tout cas pas les suites souhaitées.
Les raisons de ces échecs sont variées. J'ai voulu mettre en évidence celles qui sont dues à des erreurs de raisonnement, à des idées reçues qui n'ont pas lieu d'être.
Trop souvent, les entreprises et les organisations, avec un souci légitime d'opérationnalité, se précipitent sur des outils sans les intégrer dans des raisonnements pertinents sur la façon de concevoir et de traiter les problèmes de compétences. Il en résulte malheureusement des dispositifs ingérables, ou ne résistant pas à l'épreuve du temps.
Ce qui devait être un investissement devient un gaspillage de ressources. Ce n'est pas acceptable.

IF - Repenser la compétence : votre titre n'est-il pas quelque peu provocateur ? N'a-t-on pas déjà beaucoup écrit et discuté sur la compétence ?

G. Le B. - Oui, mais combien de fois à tort et à travers ! Combien de débats purement sémantiques, sans intérêt et démobilisateurs ! Trop de discussions ont porté sur le terme de “compétence", alors qu'il faut
raisonner sur un processus – agir avec compétence – et non sur un terme.
Essayons de comprendre le processus qu'un professionnel met en œuvre pour agir avec compétence dans une situation de travail, pour ensuite favoriser ce processus. C'est ce raisonnement radicalement différent que je propose depuis plusieurs années, et qui conduit à
des conséquences pratiques tout à fait intéressantes pour anticiper, développer ou évaluer les compétences. C'est une rupture par rapport aux approches traditionnelles en termes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être et dont l'expérience montre les limites. Mais combien cette rupture est clarifiante ! C'est comme en mathématiques : les solutions efficaces sont des
solutions élégantes !

IF - Votre ouvrage est fondé sur un diagnostic, mais
vous annoncez aussi des propositions...

G. Le B. - Oui, c'est l'essentiel d'un ouvrage que j'ai voulu court, incisif, pratique. Mon objectif est de proposer quinze façons de raisonner les projets compétences, en alternative à une quinzaine de raisonnements qui me semblent devoir être abandonnés. Je ne vais bien entendu pas vous les énumérer toutes ici, mais prenons quelques exemples : “anticiper au lieu de prédire et d'extrapoler", “distinguer l'activité prescrite et les
pratiques professionnelles", “ne pas confondre les pratiques professionnelles avec les schèmes opératoires", “traiter la compétence collective en termes de coopération et non pas d'addition", “adopter une ingénierie de parcours plutôt qu'une ingénierie de programme"... À chaque proposition est associé un ensemble de conseils pratiques sur le “comment s'y prendre" pour la mettre en œuvre.

IF - Vous donnez une place prioritaire aux raisonnements, mais quelle place accordez-vous aux outils ? N'existe-il pas déjà de nom-breux outils dans la GPEC ?

G. Le B. - En effet, ce ne sont pas les outils qui manquent. Mais tout outillage est un raisonnement embarqué et prend place dans des démarches ou des processus qui sont eux-mêmes fondés sur des raisonnements.
Mon expérience me le montre depuis longtemps et me le confirme chaque jour : rien ne sert de se précipiter sur des outils ou des modèles, si ces derniers ne s'inscrivent pas dans des raisonnements pertinents.
Les quinze propositions que j'avance sont autant de raisonnements pour gagner
en efficacité, en fiabilité et en faisabilité.

Propos recueillis par Patricia Gautier-Moulin