Entretien avec Guillaume Cairou, président de la commission sociale de la Fédération nationale du portage salarial (FENPS)
“Le portage salarial ne doit pas devenir un sous intérim"
Par Sandrine Guédon - Le 01 avril 2010.
Quels sont les enjeux de cette négociation en cours ?
Ces enjeux touchent d'abord à la modernisation du droit du travail : il s'agit de faire émerger des formes de travail innovantes et plus flexibles, d'où un certain nombre de craintes, mais aussi de résistances, notamment de la part des syndicats qui comprennent pourtant que cette nouvelle forme d'entreprenariat peut fournir du travail aux personnes en recherche d'emploi.
Un autre enjeu est purement économique. Le portage salarial est coincé entre deux géants : l'intérim et les 365 000 auto-entrepreneurs que l'on compte aujourd'hui. Et il semble que l'État adopte un parti pris en leur faveur, alors que depuis vingt ans, le portage salarial accompagne les porteurs de projet.
Vous avez évoqué le statut d'auto-entrepreneur, une autre évolution, parallèle, des relations entre employeur et salarié, ou plutôt ex-salarié, ce dernier étant devenu prestataire...
Mais le portage salarial propose un régime et un statut de salarié. Ce que n'apporte pas le statut d'auto-entrepreneur, qui fournit par exemple des garanties faibles en matière de protection sociale, de retraite et de formation.
Par ailleurs, il existe un plafond pour ce statut : il faut présenter des factures d'un montant inférieur à 2 675 euros par mois pour en bénéficier ; le porté, lui, facture en moyenne 4 600 euros par mois.
Quels métiers sont concernés ?
Le portage salarial concerne des prestations intellectuelles au sens large, des missions de consulting, réalisées par des populations majoritairement “seniors", souvent des cadres en reconversion ou au chômage. Un tiers des consultants retrouve un travail grâce au portage salarial, un autre tiers crée leur entreprise. Aujourd'hui, le portage salarial s'ouvre à d'autres métiers indépendants, comme ceux de l'artisanat ou des services à la personne.
Que reprochez-vous à l'Ani de 2008 ?
Les partenaires sociaux n'ont pas compris que les publics étaient différents, voire mixtes. Leur objectif est de faire du portage salarial un intérim bis. Les Fédérations du portage salarial ne sont absolument pas partie prenante à la négociation en cours. L'État a confié à l'intérim le soin de négocier alors que les “portés" sont des travailleurs autonomes, qui ont l'obligation de prospecter eux-mêmes leur clientèle. L'accord qui devrait être signé d'ici le mois de juin va confier aux entreprises de travail temporaire le rôle d'une société de portage, ce qui permettra de diversifier leur activité et d'imposer l'intérim comme un modèle d'organisation.
Le portage salarial va devenir un “sous intérim" avec toutes les caractéristiques d'un contrat d'intérim. Les 150 entreprises de portage salarial vont devoir faire face à 6 500 agences d'intérim qui vont proposer à leur clientèle cette solution, comme elles proposent aujourd'hui des CDD et des CDI ! Elles vont devenir des agences de placement.
Par ailleurs, l'État a tout intérêt à voir se développer le statut d'auto-entrepreneur, estimé à près d'un million de personnes à horizon 2020 par François Hurel (Union des auto-entrepreneurs).
Vous annoncez le renforcement du dialogue social au sein de votre Fédération, pourquoi ?
À défaut de faire partie de la négociation, nous souhaitons participer à la mise en place de notre accord de branche, et être présents au sein de la commission paritaire qui va suivre l'accord pendant la période transitoire. Nous devons “montrer patte blanche" en renforçant et dynamisant le dialogue social, et structurer notre branche. Un audit va être réalisé pour faire un état des lieux de la situation sociale au sein de nos adhérents. La commission sociale va travailler à la préparation de nouveaux accords collectifs et à celle des prochaines commissions paritaires. Et nous invitons les syndicats à participer à nos travaux.