Vers une remise en cause de la “délégation sans paritarisme" ?

Par - Le 01 mai 2010.

Actuellement, le groupe de travail sur les Opca avance sur la rédaction du décret d'application de la loi sur la formation professionnelle. De nombreux points sont abordés, parmi lesquels la notion de service de proximité, les frais de gestion et plan comptable. Une question est apparue au cours de discussions : celle de la “délégation sans paritarisme".
Les Opca peuvent en effet décider de déléguer une partie de leur activité à des structures créées à cet effet, dont la direction n'est pas paritaire, mais uniquement patronale. Ce qui est le cas de nombreuses délégations régionales d'Opca.
Cette pratique, prévue par les textes, est dénoncée par les organisations syndicales qui en réclament la disparition pour cause d'opacité. Paul Desaigues, de la CGT, a par exemple affirmé en marge de l'une des réunions du groupe de travail sur les Opca (le 25 mars), qu'“une tension existe dans la relation paritaire au sujet de la délégation de leurs activités de collecte ou de gestion pratiquée par certains organismes collecteurs". Selon lui, “une partie du Medef est d'accord avec les positions syndicales, une autre plus réticente". Allons-nous vers une renégociation de la délégation sans paritarisme ? Si, d'un côté, le manque de transparence est évoqué, de l'autre, les représentants des Opca concernés rappellent que cette pratique est encadrée par les textes.

Les Asfo

Il faut remonter à la loi quinquennale du 20 décembre 1993 pour définir la délégation sans paritarisme. Avant cette date, la loi fondatrice de 1971 posait, entre autres principes, celui de la “gestion des ressources collectées par les partenaires sociaux sous forme paritaire". Autrement dit, une gestion par deux collèges : les syndicats de salariés et les organisations patronales à égalité de sièges. Un réseau très dense d'organismes mutualisateurs (des Faf, Fonds d'assurance formation) s'était alors développé, en même temps que des associations créées par les organisations patronales, les Asfo (Associations de formation), qui développaient une activité “locale" de collecte au titre du plan de formation, obtenant des agréments pour la collecte des fonds. Résultat : un paysage très complexe, que l'État et les partenaires sociaux ont alors voulu réformer.

L'architecture actuelle

C'est donc à partir de 1993 que l'architecture générale a changé, pour prendre son visage actuel. Avec la fondation des “Opca" pour remplacer les Faf, et le principe “un seul Opca par branche" - plus un Opca interprofessionnel, l'Agefos-PME, et un interbranches, appelé aujourd'hui Opcalia, l'un et l'autre composés de structures régionales. La règle paritaire a été généralisée à l'ensemble de ces organismes - avec cette atténuation : la possibilité de déléguer la collecte et la gestion des fonds à des personnes morales, par convention (voir encadré). La mise en place de ces délégations a été prévue par les partenaires sociaux dans les accords de branche portant création de leur organisme paritaire collecteur.
Le principe du “tout paritaire" posé, les organisations syndicales devaient de fait “entrer" dans la gestion des Asfo. Si cela ne posait pas de problème concernant le conseil d'administration de l'Opca, et donc dans la définition de la politique globale et les orientations stratégiques de la collecte, cela s'est révélé plus difficile concernant la gestion des fonds. Les représentants patronaux arguant que le contact direct avec les entreprises restait de leur ressort.
Aujourd'hui, le paysage est composé d'Opca de branche sans délégation et d'Opca ayant confiés à des structures le soin de mener à bien certaines missions de gestion. Ces entités possèdent un conseil d'administration composé de membres patronaux et emploient des conseillers.

Trois illustrations

C'est par exemple le cas dans le secteur de la métallurgie, dont l'organisme collecteur est l'Opcaim, et qui compte des “Associations de développement des formations des industries de la métallurgie". Ces Adefim ont pour objet, dans le cadre d'une convention de délégation, la mise en œuvre des missions de l'Opca. Elles “prennent en charge le paiement des contrats de qualification, d'orientation et d'adaptation, assurent la gestion des formalités administratives, recherchent des financements complémentaires (fonds européens, régionaux), aident l'entreprise à faire aboutir ses projets de formation" (site de l'UIMM).
De même dans la chimie, dont l'Opca C2P (industries chimiques, pétrolières et pharmaceutiques)3 a créé son association déléguée “C2P Action", cellule nationale composée elle-même de représentations régionales professionnelles, qui assurent le service de proximité aux entreprises adhérentes. Ces “structures permettent d'assurer aux entreprises au plus près du terrain, l'information, le conseil et l'assistance qu'elles sont en droit d'attendre", peut-on lire sur le site de l'Opca.
Autre exemple, celui du Forthac, Opca de la branche chaussure, couture, cuirs et peaux, entretien textile, habillement et textile, qui possède huit délégations territoriales, dont le budget de fonctionnement est alloué par l'Opca.

Perspectives
A priori, changer le système ne devrait pas avoir trop d'implication, s'il y a véritablement transparence. Deux schémas semblent envisageables : “reconcentrer" la gestion en rattachant les délégations et antenne régionales à l'Opca, ce qui paraît le plus plausible en cas de négociation, ou bien faire en sorte que les délégations régionales possèdent chacune un conseil d'administration paritaire, ce qui complexifierait davantage le système et empêcherait une uniformité dans l'application de la politique de branche.

[(Ce que dit le Code du travail

Le Code du travail prévoit dans ses articles L. 6332-2 et R. 6332-12 que les Opca peuvent conclure avec toutes personnes morales une “convention de collecte" dont l'objet est de leur permettre de percevoir les contributions des entreprises. Ces conventions définissent le champ d'application quant aux employeurs et contributions concernés, les délais de reversement des collectes à l'organisme délégant, les éventuels frais de perception.
De même pour les opérations de gestion, le Code du travail, dans son article R. 6332-17, prévoit que dès lors que l'acte de constitution le prévoit, l'organisme peut déléguer tout ou partie de la mise en œuvre des décisions de gestion à des tierces personnes. Cette délégation est organisée par voie de convention conclue avec une ou plusieurs personnes morales relevant des organisations d'employeurs signataires de l'accord de constitution.
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