Le rapport Perruchot sur le financement du paritarisme
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 mars 2012.
L'“impubliable" rapport Perruchot aura donc finalement été publié dans son intégralité. Non pas par l'Assemblée nationale, qui l'avait rejeté en novembre, mais par LePoint.fr, lequel justifie cette révélation par une volonté de “rendre chacun juge de son contenu".
Le 17 février, la CFDT a choisi de mettre en ligne l'intégralité du compte-rendu de son audition devant la commission d'enquête.
En juin 2011, le député Nouveau Centre Nicolas Perruchot lance une commission parlementaire destinée à lever le voile sur l'opacité (réelle ou supposée) de l'origine des financements des organisations syndicales et patronales. En ligne de mire, entre autres, la formation professionnelle. Mais les députés (à l'exception de ceux du Nouveau Centre) votent contre le texte final au mois de septembre.
La partie du rapport consacrée aux financements des organisations syndicales et patronales fait état de “substantiels versements" accordés aux organisations syndicales et patronales au titre des défraiements et rémunérations (“préciputs"[ 1 ]Les organisations d'employeurs et de salariés ont la faculté de se rémunérer de la gestion des Opca qu'elles assurent par un prélèvement calculé dans la limite de 0,75 % des sommes collectées. ) par un certain nombre d'organismes paritaires. Ainsi, en matière de formation, ces préciputs versés par le Fongefor [ 2 ]Fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle continue. et les Opca s'élevaient, en 2010, à 8,3 millions d'euros pour le Medef, à 5,07 millions d'euros pour la CGPME et à 1,6 million d'euros pour l'UPA. Quant aux cinq organisations syndicales représentatives (CGT, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC), le Fongefor leur a versé, dans la même période, 2,9 millions d'euros à chacune, pour un total de 14,5 millions d'euros. Côté “hors-champ", l'Usgeres, lors de son audition, a fait état pour 2010 d'un préciput de 0,7 million d'euros perçu au titre de sa gestion d'Uniformation, l'UnaPL de 0,5 million d'euros en provenance de divers financements paritaires et l'UIMM aurait perçu, pour sa part, 1,6 million d'euros en tant que gestionnaire d'Opcaim.
Des fonds que le rapport juge parfois utilisés en dehors du strict champ de la formation. Il est ainsi reproché à la CGPME d'avoir financé, sur la subvention du Fongefor, l'abonnement de ses administrateurs d'Agefos-PME à son magazine La Volonté, à hauteur de 9 344 euros, et d'une part du “volet formation professionnelle" de l'événement Planète PME, pour un total de 300 000 euros, “manifestation qui a tout de même pour objet principal de valoriser l'organisation qui en est à l'origine", estime le texte. Épinglée aussi, l'UPA et “ses réunions de concertation et de coordination ayant traité de formation professionnelle", dont le coût total s'est élevé, en 2010, à 546 532 euros. Si ces deux organisations sont nommément citées, le rapport n'en précise pas moins que ce name-dropping “ne dédouane naturellement pas d'autres organisations dont les comptes rendus sont moins explicites".
L'auteur du rapport prévoyait de demander le redéploiement des moyens de contrôle de l'État. Et de réformer la redistribution des préciputs (voire en diminuer les taux maxima autorisés), de redéfinir le Fongefor en réduisant son montant – et ce, en tenant mieux compte de l'audience des organisations bénéficiaires pour la répartition des moyens ou en effectuant les versements a posteriori, sur production de justificatifs.
Un syndicalisme à la française “décentralisé, centré sur l'entreprise, mais paradoxalement perçu comme bureaucratique et éloigné de ses adhérents", des organisations patronales qui “assument difficilement leur situation de concurrence", un cadre juridique figé qui n'incitait pas les syndicats à rechercher des adhérents, une représentativité garante de la diversité de la représentation, mais qui rend les organisations dépendantes du pouvoir politique… sont autant d'arguments avancés par les observateurs du syndicalisme entendus
par la commission à l'occasion des auditions afin d'expliquer
le besoin de financement des organisations d'employés
ou d'employeurs.
Notes
1. | ↑ | Les organisations d'employeurs et de salariés ont la faculté de se rémunérer de la gestion des Opca qu'elles assurent par un prélèvement calculé dans la limite de 0,75 % des sommes collectées. |
2. | ↑ | Fonds national de gestion paritaire de la formation professionnelle continue. |