Bernard Dréano, un “baba cool" à la DGEFP
“J'ai un privilège : j'ai suivi l'histoire d'un bout à l'autre."
Par Aurélie Gerlach - Le 01 mars 2012.
C'est assis à la table d'un restaurant gastronomique, à proximité de la gare du Nord, que Bernard Dréano, retraité depuis janvier 2012, revient sur sa carrière, consacrée au contrôle de la formation professionnelle, dont douze ans au poste de chef de la mission organisation des contrôles de la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle).
Point de cravate, en pull-over Bernard Dréano est loin de l'image guindée que l'on se fait habituellement d'un serviteur de l'État. Il est d'ailleurs le premier à convenir que son choix d'orientation a été “le fruit du hasard". “Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris dans les années 1970, je ne savais qu'une chose : je ne voulais pas faire l'Éna. Ce n'était pas mon truc..."
35 ans de contrôles...
En 1976, Bernard Dréano est recruté au sein de l'antenne d'Île-de-France du Secrétariat général de la formation professionnelle (rattaché au Premier ministre), avant d'intégrer le tout nouveau corps d'inspecteurs de la formation professionnelle créé au début des années 1980, puis de rejoindre la DRFP (Direction régionale de la formation professionnelle) Île-de-France.
“Le 18-24 rue Tiphaine, dans le XVe, est resté une adresse mythique. Elle était connue par tous les acteurs de la formation professionnelle", se souvient Stéphane Rémy, alors jeune inspecteur, qui a rejoint Bernard Dréano au Service régional de contrôle de la formation professionnelle (dont ce dernier a pris la tête en 1991), avant de travailler également à ses côtés à la DGEFP. Aujourd'hui conseiller au ministère du Travail, il parle d'un “responsable très disponible",
dont il loue “la solide connaissance des acteurs".
La DRFP et la DRTE (Direction régionale du travail et de l'emploi) fusionnent dans les années 1990. “Nous avons organisé, pour l'occasion, un repas de fiançailles, puis une cérémonie de mariage, avec tous les agents. Tout s'est bien passé", se rappelle Bernard Dréano. C'est en 1999 qu'il rejoint la DGEFP, avec l'objectif “de remonter le groupe de contrôle qui était exsangue".
L'un des grands axes de travail était la mise en place d'un contrôle des organismes de formation. “Il ne s'agissait pas tant de mettre en place une profession réglementée, que d'évaluer l'adéquation entre la finalité et les moyens", explique-t-il.
Fonctionnaire le jour, altermondialiste la nuit
“Un côté charmeur et une autorité naturelle" derrière “un look baba cool de soixante-huitard attardé". C'est en ces termes que Jean-Robert Louis, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle de 2000 jusqu'à fin 2009, date de son départ en retraite, décrit celui dont il a été le supérieur pendant neuf ans. “Bernard est altermondialiste, passionné de voyages. Il a pu se le permettre, car il travaillait très vite, rédigeait des décrets sans même faire de brouillon ! Moi, je n'avais pas du tout le même parcours : avant d'être administrateur public, j'étais militaire. Et pourtant, nous nous entendions très bien." Responsable d'un groupe de réflexion, le Cedetim (Centre d'études et d'initiatives de solidarité internationale), Bernard Dréano est notamment l'auteur de plusieurs livres dont le dernier, La perle et le colonel, réflexion sur les révolutions arabes (Éditions Non-lieu) est sorti en novembre de l'année dernière.
Jean-Robert Louis voit également en Bernard Dréano un fonctionnaire loyal et un “redoutable négociateur". Jean-Claude Quentin, secrétaire confédéral CGT-FO en charge de l'emploi et de la formation professionnelle jusqu'en 2007, confirme qu'il “savait communiquer avec les responsables syndicaux. Il faisait toujours l'effort d'essayer de comprendre ce qu'on lui disait, même s'il y a un décalage entre notre langage et le langage administratif."
“Suivre l'esprit de la loi de manière positive"
Brigitte Le Boniec, directrice formation et compétences à l'ACFCI (Assemblée des Chambres françaises de commerce et d'industrie), qui a travaillé durant des années avec Bernard Dréano sur la réglementation de l'apprentissage, souligne qu'il “a toujours su suivre l'esprit de la loi de manière positive. C'était un interlocuteur très professionnel, qui avait compris qu'il n'est pas nécessaire de prendre un ton compassé pour travailler sérieusement !" L'humour est en effet l'un des traits de la personnalité qui ont marqué son entourage, et notamment ses dessins, très célèbres dans le milieu.
En définitive, si Bernard Dréano juge que son service a réussi à mettre en place une méthodologie en matière de contrôle des OF, à gagner une reconnaissance d'impartialité et une capacité à animer les services régionaux de contrôle, il garde des regrets. “Nous n'avons pas réussi à mettre en place un contrôle des grands organismes collecteurs. La raison ? Une séparation entre l'administration centrale et les services décentralisés. Il aurait fallu créer un centre national de contrôle unique. La DGEFP concentre moins de 5 % des moyens du contrôle au niveau national, alors qu'elle a en charge tout l'appareil de formation professionnelle et la moitié de celui de l'apprentissage ! De plus, nous avons été vampirisés par les contrôles d'utilisation du FSE (Fonds social européen), un monstre bureaucratique !"
En retraite depuis deux mois, Bernard Dréano ne compte cependant pas rester inactif. “J'ai des compétences et une expérience qui peuvent servir, si l'on me sollicite", sourit-il.