La Nouvelle-Calédonie poursuit la réorganisation fonctionnelle de son dispositif de formation professionnelle

Par - Le 01 juillet 2012.

S'appuyant sur les processus et dispositifs de formation mis en place depuis 2003, la Nouvelle-Calédonie poursuit l'effort engagé et travaille sur la qualité des services rendus en direction des demandeurs d'emploi, des salariés et des employeurs.

La volonté du gouvernement de Nouvelle-Calédonie est d'axer résolument la politique de formation professionnelle continue (FPC) sur le progrès social et l'emploi, dont l'un des objectifs essentiels est la promotion de l'emploi local. Cette stratégie, définie pour la période 2008-2012, entend réformer le dispositif de formation professionnelle par sa réorganisation fonctionnelle. Cette réorganisation est centrée sur l'amélioration qualitative des différents dispositifs, qu'ils soient d'accueil, d'information, de positionnement de suivi et de formation visant l'acquisition ou l'élévation du niveau de compétences des demandeurs d'emploi et des salariés. Vaste chantier, dont la mise en œuvre revient à la Direction de la formation professionnelle continue (DFPC), créée en juin 2002 dans le cadre de la restructuration des services publics.

Un audit du secteur

Un travail préparatoire à la réforme du secteur a été lancé en 2001 et 2002, sur la base d'une prise en compte des attentes du gouvernement et d'un audit du secteur. Les modalités de mise en œuvre de la réforme ont été élaborées en 2003. “L'année 2012 marque la fin du schéma directeur précisé dans un document intitulé stratégie de la FPC 2008-2012. Nous menons actuellement une réflexion concernant les années à venir. Cependant, il n'y aura pas de révolution, les objectifs vont rester les mêmes. Des actions ont été engagées et les résultats de certaines actions, après évaluation, ne sont pas satisfaisants. Il nous faut les réorienter face à la réalité du terrain", indique Dominique Faudet-Bauvais, chef du service expertise, certification et contrôle à la DFPC.

En général, les bénéficiaires du dispositif de formation sont l'ensemble des demandeurs d'emploi et, plus particulièrement, les jeunes Calédoniens sortis du système scolaire sans qualification et sans emploi, les personnes privées d'emploi et manifestant par leur inscription comme demandeur d'emploi leur volonté de s'insérer ou de se réinsérer dans le monde du travail. Les salariés des entreprises et les travailleurs indépendants constituent aussi une partie des bénéficiaires et ce, dans le but d'améliorer la mobilité professionnelle par une amélioration du niveau de compétence générale de la population salariée.

“Fracture culturelle" et adaptabilité des jeunes

“Notre public cible est constitué à 80 % de jeunes demandeurs d'emploi, de moins de 25 ans et de niveau V (CAP-BEP), confirme Dominique Faudet-Bauvais. La première difficulté concerne leur employabilité, non pas au sens de la maîtrise des gestes professionnels, mais au sens de la capacité à jouer un rôle au sein de l'entreprise. Ils découvrent un environnement différent et rencontrent un problème d'adaptation en terme de travail (respect des codes de l'entreprise, des horaires, des règles de sécurité, etc.). À ce titre, il nous faut concevoir et mettre en place des dispositifs qui ramènent les personnes à la norme du monde du travail." Avant 2008, la responsabilité de développer l'adaptabilité des jeunes demandeurs d'emploi a été transmise aux organismes de formation financés par la puissance publique. “Mais cela n'a pas fonctionné, car les organismes se sont trop centrés sur leur cœur de métier." Une autre approche a été de proposer aux stagiaires une immersion courte au sein des entreprises, “mais là aussi, le résultat n'a pas été probant."

Dès leur sortie du système scolaire, “trop tôt et sans qualification professionnelle", les jeunes retournent chez eux ou au sein de la tribu à laquelle ils appartiennent. “L'emploi ne leur apparaît pas comme une nécessité dans un premier temps, explique Dominique Faudet-Bauvais. Ils ne reviennent en tant que demandeurs d'emploi dans le système économique de type occidental que trois à quatre ans après leur sortie de l'école. De plus, la langue française arrive au second plan et ils se retrouvent donc en situation de rupture." Les employeurs sont en effet des Calédoniens d'origine européenne, avec une logique économique occidentale. “La logique productiviste se heurte à la vie et aux traditions locales (solidarité, obligation coutumière, etc.)." En outre, les jeunes femmes sont souvent diplômées (par exemple, CAP petite enfance) dans des secteurs peu porteurs en terme d'emploi. “Il s'agit donc de les amener à reconsidérer leur orientation professionnelle et en particulier sur les métiers dits masculins."

Ce public représente près de 65 % de la population bénéficiant du dispositif de formation professionnelle. Un programme de formation préparatoire ambitieux a été spécifiquement conçu et développé en direction de ce public, un effort sur l'organisation et les méthodes pédagogiques est insufflé via la formation des formateurs.

Priorité à l'emploi local

Le challenge est de construire des parcours susceptibles d'apporter des réponses en termes d'orientation professionnelle, d'acquisition de compétences et de comportement au travail. “Nous devons à la fois répondre à l'attente économique et aux besoins des entreprises en main-d'œuvre qualifiée", précise Dominique Faudet-Bauvais. La loi sur l'emploi local, applicable depuis début 2011, stipule que les emplois doivent être prioritairement occupés par des Calédoniens et, à défaut, par des personnes justifiant d'une “durée de résidence suffisante". Cette dernière étant définie par un “tableau des activités professionnelles" élaboré par les partenaires sociaux, soit 500 métiers répertoriés en fonction de leur niveau de tension.

“Cette priorité à l'emploi local s'applique bien entendu à conditions de qualification et de compétences égales. Pour prétendre occuper un poste de cuisinier, par exemple, il faut justifier de dix ans de résidence si le poste est également brigué par un jeune Calédonien." La loi laisse donc entendre la nécessité de mettre en place une politique de formation visant à trouver sur le marché du travail de plus en plus de jeunes Calédoniens qualifiés. “De plus, les employeurs recherchent des niveaux IV (bac) voire plus. Par rapport à notre public, se situant à un niveau infra V, on comprend aisément que la durée de la formation sera d'autant plus longue."

Les métiers pérennes du secteur minier

De 2003 à 2008, des personnes qualifiées dans les domaines correspondant aux entreprises ont bénéficié d'une formation pour maintenir leur employabilité. “Cette dernière se heurte en effet à des exigences d'excellence imposées par un accroissement considérable des technologies mises en œuvre dans les engins miniers (conçus désormais comme des machines de production saturées d'électronique embarquée) et dans les process de transformation des minerais (nickel, cobalt, manganèse, dont les procédés novateurs ne sont exploités que dans deux ou trois pays dans le monde), précise Éric Monrouzeau, ingénieur formation, responsable de l'unité d'appui au sein de la DFPC. Nous avons donc orienté la formation sur ces métiers pérennes du secteur minier, mais aussi dans le BTP, l'industrie et l'hôtellerie-restauration, qui connaît un fort turn-over."

Cette mission, ajoute-t-il, a été confiée à l'Institut de développement des compétences - Nouvelle-Calédonie (IDC-NC). “Elle ne peut s'envisager sans une étroite collaboration avec les entreprises, les groupements et branches professionnelles, pour mutualiser les moyens et maîtriser des coûts fortement impactés par les équipements à mobiliser."

Pour une logique de mutualisation

La Nouvelle-Calédonie souhaite faire évoluer la participation de tous les employeurs pour aller d'une logique d'obligation, parfois perçue comme une taxe (reflet d'une approche coercitive, obligeant certains employeurs qui ne font pas du tout ou pas assez de formation à verser à la puissance publique les fonds non consommés) à une logique de mutualisation des moyens. Cette dernière existe réglementairement depuis de nombreuses années − sur forme de “Fonds d'assurance formation". Mais elle n'a jamais été mise en œuvre, laissant chaque employeur à la fois libre de l'emploi de son budget et du niveau maximal de son investissement (en réalité très souvent largement supérieur à l'obligation légale), mais aussi très isolé et peu armé pour mettre en œuvre une réelle politique de formation dans le cas des petites, voire très petites entreprises.
“Sur les 7 000 entreprises du territoire, seules 1 000 entreprises, soit 14 %, sont assujetties à l'obligation légale de financement et à peine la moitié d'entre elles forment leurs salariés. La formation des salariés en emploi n'est pas développée. C'est un problème d'appétence des salariés, mais aussi de taille des entreprises (moins de 50 salariés)", fait remarquer Dominique Faudet-Bauvais.

Créer le Fonds de formation interprofessionnel

La Nouvelle-Calédonie propose donc la création d'un Fonds de formation interprofessionnel, tel que prévu à l'article Lp. 544-7 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie, fonds issu d'un accord entre d'une part des employeurs et d'autre part des organisations syndicales représentatives des salariés.

“La négociation entre partenaires sociaux, destinée à aboutir à un accord interprofessionnel, a débuté en octobre 2011, précise Dominique Faudet-Bauvais. Il a d'abord fallu convaincre les employeurs de l'intérêt même de ce projet. La négociation prend du temps, pour plusieurs raisons, notamment pour des questions stratégiques. Par exemple, le fonds doit-il prendre en charge le salaire des stagiaires ? Si oui, la cotisation des entreprises adhérentes risque d'être plus élevée." Cependant, la création d'un fonds paritaire unique pour financer la formation des salariés commence à faire consensus et ce dispositif devrait voir le jour en 2013. L'organisme collecteur aura aussi pour vocation de devenir l'interlocuteur privilégié des collectivités publiques, pour promouvoir une politique de formation concertée. Dans cette perspective, il permettrait aux salariés d'accéder à un niveau de qualification supérieur, tandis que la puissance publique travaillerait essentiellement sur la remise à niveau des demandeurs d'emploi.

Reste une autre problématique à résoudre : celle de la qualité de l'offre de formation. C'est à partir de l'analyse des publics dans ses aptitudes et capacités d'apprentissage, corrélées à l'analyse de besoins en main d'œuvre qualifiée, que les organismes de formation doivent proposer le dispositif et le processus de formation le mieux adapté à l'atteinte de l'objectif d'insertion professionnelle.