Documents d'orientation - Les propositions du gouvernement en matière de formation des chômeurs

Par - Le 16 octobre 2012.

“L'urgence de la situation exige, quelles que soient les évolutions institutionnelles à venir dans le cadre du nouvel acte de la décentralisation, la mise en place rapide de solutions opérationnelles, et concrètes qui permettent d'augmenter le taux d'accès des demandeurs d'emploi à la formation et de réduire les délais d'entrée en formation." Dans un “document-cadre relatif à l'accès à la formation des demandeurs d'emploi", le gouvernement détaille des propositions discutées au cours d'une réunion qui s'est tenue au ministère du Travail le 8 octobre, animée par Thierry Repentin, ministre délégué à la Formation professionnelle et à l'Apprentissage. Cette réunion rassemblait l'ensemble des participants à la table ronde “formation" de la conférence sociale des 9 et 10 juillet. Elle avait également pour thème l'accès à la qualification des jeunes, qui a fait l'objet d'un autre document-cadre (voir ci-dessous).

Celui relatif à la formation des demandeurs d'emploi met l'accent sur la coopération entre les acteurs territoriaux. Spécifiant que “l'urgence réside dans l'adoption dans chaque région d'une politique de territorialisation commune, s'appuyant sur un accord entre l'État, la Région, les Départements et les partenaires sociaux", pour la définition de territoires communs d'intervention. La constitution d'une “commande publique plus homogène", passe, pour l'État, l'Agefiph, Pôle emploi et les Régions, par le développement coordonné d'une “stratégie commune d'achats visant à coordonner les objectifs, publics, territoires, calendriers poursuivis, etc." Les Régions sont notamment “invitées à prendre toutes initiatives pour assurer cette coordination des achats de formation". Une coordination similaire des achats et financements de dispositifs complémentaires devrait être recherchée avec les partenaires sociaux pour ce qui concerne les actions qu'ils financent en direction des demandeurs d'emploi (POE collective, alternance, etc.).

Information sur l'offre

Les prescripteurs ont besoin de disposer d'une information exhaustive sur l'offre de formation existante. Pour pouvoir rapidement inscrire les demandeurs d'emploi, ils doivent aussi visualiser le calendrier du processus d'entrée (service d'information collective, etc.) et les places disponibles. “C'est ce constat qui a conduit à la mise en œuvre du projet d'un système d'information national sur l'offre de formation piloté par Centre Inffo, Dokelio", souligne le document d'orientation. Ce projet permettra à terme d'offrir à l'ensemble des acheteurs et des prescripteurs une visibilité nationale sur l'offre financée à l'attention des jeunes et des demandeurs d'emploi et l'offre mobilisable par les salariés et les particuliers, ainsi que le nombre de places disponibles en temps réel. “La mise en œuvre de ce dispositif doit s'appuyer sur une collaboration et une participation active de l'ensemble des acteurs, notamment des organismes de formation qui renseigneront directement les rubriques de l'entrepôt afin d'y faire apparaître leur offre, dans un partage des rôles clairs avec les Carif, notamment pour ce qui concerne le contrôle de la qualité des saisies et leur conformité au cahier des charges", explique le document d'orientation.

La qualité de l'offre

Près de 60 000 organismes ont eu une activité de formation en 2009 dont 15 450 ont exercé cette activité à titre principal. Sur ces données 52 % réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 75 000 euros. Le grand nombre d'organismes et leur faible taille “amènent à une trop grande dispersion et fragmentation de l'offre de formation, qui nuit à sa visibilité", déplore le document d'orientation. Des évolutions réglementaires sont “possibles, pour renforcer les justifications à apporter par les organismes de formation lors de leur enregistrement à la préfecture de Région. Elles feront l'objet d'une concertation avec les organisations représentatives des organismes de formation dans les prochains mois", est-il annoncé.

En outre, l'amélioration des procédures d'achat de formation passe par l'harmonisation des critères de qualité auxquels les acheteurs publics et les Opca soumettent les organismes (conditions d'accueil et d'information des stagiaires, organisation de la formation, critères de mesure de résultats). Ces éléments pourraient donner lieu à l'élaboration d'une charte qualité commune à tous les financeurs.
Enfin, une enquête conduite par l'Afpa au cours de l'année 2010 montrait que 46 % des stagiaires témoignaient de difficultés financières liées au suivi de la formation. Il conviendrait que dans chaque région un état des lieux précis des aides financières ou matérielles possibles soit dressé et actualisé, et mis à disposition des conseillers et prescripteurs, ainsi que des demandeurs d'emploi. Les Carif-Oref pourraient être mobilisés dans ce cadre.

D. G.

Le document-cadre relatif à la qualification des jeunes

“Nous proposons que soit élaboré dans chaque région un « pacte régional pour la réussite éducative et professionnelle des jeunes », qui établirait des objectifs conjoints et chiffrés de réduction du nombre de jeunes sortant de formation initiale, ainsi que ceux présents sur le marché du travail sans qualification", indique le “document-cadre relatif à l'accès à la qualification des jeunes" du gouvernement.
Ces “pactes régionaux" seraient élaborés à l'initiative des Régions, dans le cadre des CCREFP (comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle), et destinés à constituer une déclinaison opérationnelle des CPRDFP (contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles). Ils seraient signés par le préfet, le recteur, le président de Région, et proposés à l'approbation des partenaires sociaux. Ils devraient s'articuler autour de deux grands volets.

Le premier volet consiste à proposer à chaque jeune une solution “lui permettant de réamorcer un parcours vers la qualification". Une démarche qui consiste en premier lieu en un partage des données disponibles sur les décrocheurs et les jeunes sans qualification, au chômage ou en situation d'emploi précaire. Les acteurs devraient également recenser collectivement les mesures accessibles sur le territoires (Civis, POE, places en lycée professionnel, actions de formation centrées sur les compétences-clés, préqualifications ou qualifications financées par les Régions, Écoles de la deuxième chance, Cif-CDD, emplois d'avenir, etc.). “Chaque dispositif sera ainsi positionné dans un continuum de solutions pour les jeunes en correspondance avec la nature et le degré de difficultés rencontrés par ceux-ci", souhaite le gouvernement. Il propose que les acteurs des territoires puissent décider de compléter l'offre existante en s'appuyant notamment sur “les organismes de formation parapublics, tels que l'Afpa et les Gréta" et d'assouplir d'éventuelles barrières réglementaires pouvant entraver la mobilisation de dispositifs (et notamment les “délais de carence" empêchant certains décrocheurs d'accéder à la formation continue).

“Sur la base du diagnostic et de l'ordonnancement de la boîte à outils, un plan d'action, assorti d'objectifs quantitatifs annuels, sera défini pour réduire le nombre de jeunes sans qualification sur le territoire. Ce plan d'action constituera le cœur opérationnel du pacte régional pour la réussite éducative et professionnelle." Deux points seraient obligatoires : la convocation “par les structure en responsabilité, chacune sur son champ d'attribution", de l'ensemble des jeunes sans qualification connus par elles, et la mise en œuvre d'une démarche visant à améliorer leur orientation. Le gouvernement souhaite que la charge de coordonner et d'animer la phase d'élaboration du plan et sa mise en œuvre revienne à la Région, en “étroite collaboration", avec l'Éducation nationale, le service public de l'emploi et les Opca.

Développer l'alternance

C'est le deuxième volet : “Au vu de l'enjeu que représente l'accès des jeunes à un premier niveau de qualification et de l'efficacité de l'alternance en termes d'insertion professionnelle, il est fondamental, d'une part, d'accroître l'offre de contrats en alternance, d'autre part d'enrichir l'offre de formation professionnelle qualifiante de niveaux V et IV sur les territoires", indique le document-cadre. Dans cette perspective, plusieurs initiatives devront être inscrites dans le cadre du pacte régional.

L'action des développeurs de l'apprentissage et de l'alternance, “son ciblage sur les premiers niveaux de qualification et leurs objectifs, doivent pouvoir être concertés et déclinés au niveau régional". L'accès aux offres de contrats pour les jeunes est bien sûr un point-clé, qui nécessite la mobilisation des réseaux gestionnaires des CFA (branches professionnelles, réseaux consulaires) et de Pôle emploi. Également souhaitée : une amplification de la prescription de contrats en alternance par les Missions locales.
Afin d'enrichir l'offre, le gouvernement envisage l'organisation d'une conférence territoriale sur la répartition de la taxe d'apprentissage, associant l'ensemble des réseaux actifs et contribuant à la collecte en région, afin d'augmenter le déploiement des fonds vers les niveaux V et IV.

Enfin, sous le pilotage des Régions et des autorités académiques, “la carte des formations professionnelles initiales poursuivra son évolution afin, en lien avec les besoins d'emploi, de renforcer la diversité d'accès aux qualifications de niveau V et IV". Sont envisagés des “articulations innovantes", telles que des partenariats entre lycées professionnels et CFA, le développement de l'apprentissage public ou encore le “mixage de publics de statuts différents au sein d'une même formation".

A. G.

“Nous avons besoin de réponses"

“Nous avons du mal à comprendre comment ce que propose le gouvernement peut se décliner d'un point de vue opérationnel." C'est ce que nous déclarait Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO en charge de l'emploi et de la formation, à l'issue de la réunion qui s'est tenue au ministère du Travail, le 8 octobre, avec l'ensemble des participants à la table ronde “formation" de la conférence sociale des 9 et 10 juillet.

Le spécialiste des questions de formation juge “intéressants" les deux documents d'orientation (voir ci-contre), “notamment tout ce qui a trait au développement de la coordination entre acteurs ou la mise en place de diagnostics sur les coopérations". Cependant, “nous restons dans le flou, d'autant que nous ne savons pas encore avec précision de quoi sera fait l'acte III de la décentralisation. De plus, le projet de loi de finances impose une contribution du FPSPP". Un point dont les partenaires sociaux n'ont pas manqué de s'ouvrir au ministre. Dans ces conditions, “à quoi mènent ces documents ? Le gouvernement indique qu'il s'agit d'un plan d'action, mais leur statut n'est pas clair ! Les mesures proposées sont-elles structurelles ? Conjoncturelles ?"
Force ouvrière reste prudente par rapport à la régionalisation, pour des questions d'égal accès en matière d'emploi et de formation professionnelle sur l'ensemble du territoire. “Toutes les Régions ne sont pas impliquées de la même manière sur les différents services et dispositifs, selon leurs capacités financières et le niveau de leurs volontés politique, observe Stéphane Lardy. Quelles seront, par exemple, les conséquences de ce plan d'action, au niveau régional, sur les systèmes de gestion paritaire de la formation professionnelle ? Et en matière de commande publique, quelle sera sa déclinaison opérationnelle ?" Par ailleurs, il se montre sceptique quant à la proposition de mise en place de partenariats entre lycées professionnels et CFA : “Ils n'ont pas les mêmes publics ni les même finalités. Et puis, nous nous demandons ce qu'est exactement un pacte régional."

Le gouvernement a donné rendez-vous à la mi-novembre aux différents acteurs, pour une nouvelle réunion sur les mêmes sujets. Thierry Repentin a affirmé qu'il prendra en compte les remarques qui ont été faites, le gouvernement souhaitant actionner le plan d'action à partir de janvier.

A. G.