Le gouvernement entend développer l'alternance à l'Université
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 novembre 2012.
“Un étudiant sur six en alternance à l'horizon 2020." Un objectif annoncé le 11 octobre conjointement par Geneviève Fioraso, ministre déléguée à l'Enseignement supérieur, et Thierry Repentin, son homologue en charge de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage, à l'occasion d'un déplacement à l'Université de Cergy-Pontoise (UCP).
Une Université emblématique à ce titre, d'ailleurs, puisque 9 % de ses effectifs (soit 1 204 étudiants) suivent leur cursus par la voie de l'apprentissage, là où la moyenne nationale s'élève à 4 % (et 7 % pour l'enseignement supérieur en général). Pour le président de l'UCP, François Germinet, cette particularité s'explique par la jeunesse de son établissement. “Fondée en 1991, l'Université de Cergy-Pontoise n'est pas, contrairement à d'autres facs, héritière d'une histoire qui se compte parfois en centaines d'années. L'absence d'une telle antériorité académique ne nous fait pas craindre l'idée d'impliquer le monde de l'entreprise dans nos contenus pédagogiques, alors qu'il existe encore beaucoup d'établissements universitaires qui voient cela comme une dévalorisation." Geneviève Fioraso, pour sa part, estime au contraire que le développement de l'apprentissage universitaire ne pourrait que tirer vers le haut ce dispositif pédagogique encore perçu comme réservé aux niveaux les moins élevés et aux travaux manuels. “L'alternance n'est pas une voie de garage, mais d'excellence !", a-t-elle proclamé, rappelant qu'actuellement, près de 110 000 étudiants ont choisi cette voie, de la licence professionnelle au master 2. Une opinion approuvée par Cyril Mauchamps, secrétaire général de l'association des apprentis de France, pour qui “il est urgent d'en finir avec une vision « tout-éducatif » ou « tout-entreprise » qui prédomine encore dans notre pays".
Maintien du quota de 5 % d'apprentis
Une démarche de promotion de l'apprentissage qui ne peut guère faire l'économie d'échanges privilégiés avec les services du ministère de la Formation professionnelle. “Pourtant, il n'a pas toujours été dans la tradition de ces deux ministères de se parler", a reconnu Thierry Repentin. L'emploi des jeunes ayant été décrété priorité du gouvernement Ayrault, les rapprochements entre les deux extrémités de la rue de Grenelle sont devenus indispensables. Et même logiques, aux yeux de Thierry Repentin, pour qui existe “un continuum entre la formation initiale, l'emploi et la formation tout au long de la vie". D'ailleurs, lui aussi considère qu'un développement accru de l'apprentissage dans les facultés ne pourra que revaloriser l'image de cette voie de formation auprès des jeunes, mais aussi de leurs parents et des entreprises. Entreprises pour lesquelles l'actuel gouvernement continuera à mener une politique “de la carotte et du bâton", maintenant les incitations fiscales et les exonérations de charges sociales, mais aussi les amendes pour les structures de plus de 250 salariés qui n'intégreraient pas 5 % d'apprentis dans leurs effectifs d'ici à 2015. “Sur ce point, nous ne remettons pas en question les orientations prises par le gouvernement précédent. Aujourd'hui, la grande majorité des apprentis et des alternants le sont dans des PME ou des TPE. Nous avons impérativement besoin de créer de l'appétit pour l'apprentissage dans les grandes entreprises", a souligné Thierry Repentin. Un apprentissage par ailleurs synonyme de rémunération pour des étudiants souvent contraints à multiplier des “petits boulots" pour pouvoir couvrir leurs frais, notamment en matière de logement. “Des petits boulots qui, pour 20 % des étudiants salariés sont quasiment des emplois à mi-temps, ce qui impacte négativement leur cursus universitaire", a souligné Geneviève Fioraso, rappelant que le gouvernement s'engageait sur une perspective de construction de 8 000 nouveaux logements étudiants par an, principalement en Île-de-France.
Bacs pros et technos : six fois plus d'échecs en fac
Mais la revalorisation de l'apprentissage pourrait également passer par une profonde réforme des bacs professionnels ou technologiques, parfois qualifiés de “voies sans issue" tant ils sont inadaptés à la poursuite d'un cursus long, particulièrement en Université où ces bacheliers particuliers seront confrontés pour la première fois de leur scolarité à des exercices tels que la synthèse ou la dissertation. Des bacheliers “dont le taux d'échec est six fois plus élevé que celui des bacheliers issus des filières générales", a admis la ministre de l'Enseignement supérieur. L'UCP, confrontée aux situations particulières de ces étudiants particuliers, réfléchit d'ailleurs à la mise en place de qualifications pour les deux premières années de faculté. Un processus qui viendrait presque ressusciter l'ancien Deug, disparu au cours de la réforme LMD. “L'entrée en faculté pour ces titulaires de bacs professionnels ou technologiques pourrait être précédée d'une éventuelle année de césure, où le jeune, tout en travaillant en entreprise, pourrait suivre des cours de remise à niveau sur les disciplines universitaires. Année qui serait prise en charge par l'Université, dans le cadre de partenariats établis avec les chambres de commerce et d'industrie ou les chambres de métiers, voire les filières professionnelles", a expliqué François Germinet. Et là encore, des mesures coercitives pourraient être déployées envers des établissements universitaires qui renâcleraient à l'idée d'inscrire en leur sein de tels bacheliers. “Je serai navrée d'être obligée de les y contraindre par une politique de quotas, a déclaré Geneviève Fioraso, mais s'il faut en arriver là pour les persuader d'accepter ces jeunes, alors il faudra le faire."
L'expérimentation a accueilli 72 jeunes “décrochés" en formation. Bacheliers de moins de 26 ans, ils étaient sortis d'un cursus d'enseignement supérieur sans avoir obtenu de diplôme post-baccalauréat. Au total, 5 sessions de formation de 16 semaines dont 6 en entreprise ont été organisées en 2010, 2011 et 2012, avec pour contenus principaux : construire son projet à partir de ses expériences et de ses acquis personnels, décrypter son propre fonctionnement en interaction avec l'environnement socioéconomique, renforcer ses connaissances et compétences de base pour se médiatiser, faire des choix, développer des stratégies et agir.
Un suivi individualisé pour chaque stagiaire a été effectué régulièrement par mail et par téléphone, afin de suivre leur cheminement après leur sortie du dispositif. Ainsi sur les 72 stagiaires des 5 sessions, 52 ont repris une formation, 10 ont effectué un retour direct à l'emploi et 10 ont abandonné ou n'ont pas répondu. Parmi les 52 stagiaires qui ont choisi de reprendre une formation, 15 ont choisi un cursus universitaire (licence professionnelle ou DU en alternance), 20 un BTS (dont 12 en alternance), 7 un DUT (dont 2 en alternance), 5 des écoles (2 en alternance) dont le CFA Léonard de Vinci, une école spécialisée dans l'immobilier, et 5 des formations certifiantes (Afpa, CFA métiers, etc.).