Les transitions professionnelles en questions
Par Knock Billy - Le 16 février 2013.
Spie Batignolles ou Thalès y ont pensé, mais combien d'entreprises le font ? Passer de la gestion des effectifs à la gestion des parcours, de l'adaptation au poste à l'employabilité, autrement que dans l'urgence, parfois la panique, d'un plan social apparu à l'horizon ? Et combien de salariés, au pied du mur, doivent en définitive se débrouiller pour se reconvertir, vaille que vaille ? Un peu d'anticipation et d'accompagnement pertinent, est-ce possible ? Essais de réponse, à l'occasion d'une journée de réflexion Afpa-Cnam.
Même quand elles sont volontaires, les reconversions interpellent les politiques RH, aussi bien que les politiques de l'emploi. La formation continue peut-elle se contenter de cibler l'adaptation au poste, alors que l'urgence est au renforcement de l'employabilité, pour ceux qui se voient confrontés aux plans sociaux et au chômage ? Ces observations sont celles qu'Yves Barou, président de l'Afpa, a émises dans un récent hors-série de notre consœur la revue Éducation permanente. Elles ont fait l'objet d'une journée de réflexion et de débats, le 24 janvier dernier [ 1 ]Avec pour thème “Les transitions professionnelles en question", elle était organisée conjointement par l'Afpa et le Cnam. , à l'invitation de Paul Santelmann, responsable de la prospective à l'Afpa.
L'objet des transitions professionnelles est de “fournir des passerelles qui mènent vers un emploi définitif", a défini l'universitaire Bernard Gazier, spécialiste de la “flexisécurité" [ 2 ]Économiste, professeur à Paris-I Panthéon-Sorbonne, membre de l'Institut universitaire de France, auteur notamment de L'introuvable sécurité de l'emploi (2006).. Mais l'une des questions est de connaître le rôle (aussi bien la place que la marge de manœuvre) des individus concernés dans leur propre parcours. Pour Stéphanie Mailliot, chargée de mission à l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), plusieurs acteurs interfèrent, et notamment, “les acteurs publics de l'emploi et de la formation, en charge d'accompagner les parcours, et les entreprises, qui doivent garantir l'employabilité de leurs salariés". Mais comme l'a fait observer Benjamin Saccomanno, chercheur au Centre d'étude et de recherche travail-organisation-pouvoir (Certop) de l'Université Toulouse-II Le Mirail, dans un processus de transition professionnelle, il faut déjà savoir “détecter et trouver les interlocuteurs adéquats pour son accompagnement".
Et justement, une étude nationale menée par plusieurs Fongecif sur l'évaluation du Cif par ses propres bénéficiaires met l'accent sur l'importance de l'“accompagnement externe" dans la construction et la réalisation des projets de transition. En effet, a expliqué Joëlle Lascols, coordinatrice du pôle Conseil et accompagnement au Fongecif Rhônes-Alpes, qui a participé à l'étude, “les Fongecif accompagnent les salariés dans leurs stratégies de changement sur une période couvrant plusieurs mois. Le service proposé varie en fonction du niveau de maturité du projet."
L'implication des personnes concernées est une autre variable. En témoigne l'expérience des centres de bilan de compétences. Ainsi, a rappelé Martine Poulin, ingénieure au Centre de recherche sur le travail et le développement du Cnam (CRTD), “le fait d'inciter une personne, dans le cadre de la construction de son projet personnel et professionnel, à réaliser un récit de vie au travail est un moyen de l'impliquer davantage dans la réflexion, dans un processus qui n'est pas anodin". Il permet de “construire, par écrit, donc de façon réfléchie, son projet".
Acteur de son propre parcours
En définitive, l'individu ne peut être acteur de sa propre évolution professionnelle et de son employabilité que s'il associe les compétences d'autres acteurs et prend en compte les différentes temporalités, a résumé Stéphanie Mailliot. “Celle des territoires, dont la revitalisation, suite à des processus de restructuration, peut prendre plusieurs années, et celle des entreprises, dont le rythme des évolutions, dans un contexte de globalisation des économies, se joue dans des temporalités de relativement courte durée."
Ces réalités doivent être prises en compte dans la conception des contenus de formation. Elles nécessitent une approche globale de l'accompagnement des évolutions professionnelles.
Notes
1. | ↑ | Avec pour thème “Les transitions professionnelles en question", elle était organisée conjointement par l'Afpa et le Cnam. |
2. | ↑ | Économiste, professeur à Paris-I Panthéon-Sorbonne, membre de l'Institut universitaire de France, auteur notamment de L'introuvable sécurité de l'emploi (2006). |