Colloque ISQ-OPQF “La vision de l'évaluation de la formation demeure punitive"
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 avril 2013.
Depuis 1971, la notion d'évaluation reste indissociable de celle de formation professionnelle. Mais durant ces quarante années, la question “Que faire pour améliorer l'évaluation ?" s'est également toujours posée sans qu'un dispositif miracle visant à instaurer une
évaluation pure et parfaite n'ait jamais pu être trouvé. “L'idée d'évaluation de la formation véhicule une certaine dimension fantasmatique", avouait ainsi Sandra Enlart, directrice du réseau Entreprise & personnel et présidente du Conseil national d'évaluations de la formation (Cnef) à l'occasion d'un colloque organisé le 20 mars par l'ISQOPQF et consacré aux pratiques et innovations de l'évaluation.
Le Cnef, justement. Instauré par l'Ani du 24 novembre 2009, ce conseil a dû attendre deux années pour se voir effectivement mis en place. Et c'est un an plus tard, en décembre 2012, qu'il a publié sa première étude consacrée à l'évaluation. “L'évaluation : une notion
encore confuse", indiquait sa présidente. La faute, selon elle, à la persistance d'une vision de l'évaluation de la formation qui tiendrait essentiellement compte des processus pédagogiques, négligeant le “transfert des pratiques sociales" que le bénéficiaire d'actions de formation sera susceptible de déployer dans son contexte
professionnel. “La formation professionnelle est trop souvent jugée en fonction de critères immédiatement observables, comme le
retour à l'emploi, a-t-elle regretté. L'État fixe des critères objectifs
et réducteurs, mais qu'il faut cependant satisfaire…"
Un contrôle de l'État qui “décortique les processus pédagogiques"…
De fait, la notion d'évaluation est bien présente dans un certain nombre de textes législatifs, à commencer par le Code du travail, notamment dans ses articles L. 1221-20 (définition de la période d'essai durant laquelle l'employeur évalue les compétences du salarié) et L. 1222-3 (indiquant que le salarié doit être informé des “méthodes
et techniques d'évaluation mises en œuvre" dans l'entreprise). Intrinsèque aux compétences professionnelles susceptibles d'être employées dans le monde du travail, l'évaluation pouvait difficilement être dissociée de celui de la formation continue et, plus
précisément, des organismes chargés de l'assurer. “Mais s'il est légitime que l'État puisse examiner l'usage des fonds de la formation, ses organismes de contrôle sont de plus en plus tentés, aujourd'hui, de décortiquer les processus pédagogiques pour déterminer ce qu'est une action de formation ou non…", observait Cyril Parlant, avocat spécialiste du droit social et associé au sein du cabinet Fidal. Et l'homme connaît son sujet : c'est en effet lui qui, en septembre 2012, défendait La Fourmi Immo, l'un des deux organismes de formation initiateurs d'une question prioritaire de constitutionnalité [ 1 ]L'Inffo n° 816, p. 27, et 819, p. 2. suite au rejet, par les services de l'État, de leurs dépenses.
Un raisonnement “en termes de prix"
“La vision de l'évaluation, en France, demeure punitive", regrettait, pour sa part, Hubert Grandjean, président du groupe d'évaluation de l'Afnor, dont l'équipe est à l'origine de la norme NFX50- 768 visant à rendre lisible l'évaluation d'un processus de formation. Une norme
qui, selon son rédacteur, “n'est pas faite pour évaluer les actions de formation", mais pour fixer le cadre éthique et les conditions d'exigence susceptibles de rendre compte du “transfert de pratiques sociales" que Sandra Enlart appelait de ses vœux. La tâche demeure cependant difficile, à en croire le rédacteur de l'Afnor, tant les analystes des dépenses de formation persistent “à raisonner en termes de prix".
L'évaluation : une réflexion qui s'inscrit dans le cadre plus global du professionnalisme de la démarche de l'ISQ-OPQF. À cet effet, Christine Anceau, déléguée générale de
'ISQ, ambitionne de créer une “Maison du professionnalisme", un espace virtuel d'échanges et de débats, de mutualisation des pratiques innovantes “afin de contribuer à la construction de l'organisme de formation de demain".
L'ISQ-OPQF
L'ISQ, association disposant de protocoles signés avec les ministères
du Travail et de l'Industrie, est l'“organisme de qualification des
entreprises de prestations de services intellectuels" : il délivre des
certificats de qualification aux organismes de formation et aux cabinets
de conseil, reconnaissant leur professionnalisme. Il qualifie des
entreprises, et non des individus. Il a pris la suite en 2008 de l'OPQFC
(qui avait été créé en 1996), et regroupe l'OPQCM (Office professionnel
de qualification des conseils en management) et l'OPQF (Office
professionnel de qualification des organismes de formation).
Notes
1. | ↑ | L'Inffo n° 816, p. 27, et 819, p. 2. |