L'accès à la formation est l'enjeu principal pour les personnes handicapées
Par Philippe Grandin - Le 16 octobre 2013.
C'est dans le système
scolaire, relayé par la
formation, que se joue
une grande partie de la
capacité qu'auront les
personnes handicapées à
travailler et à occuper des
postes dans les entreprises.
Adaptation des formations,
dispositifs spécifiques,
formation des formateurs,
ou encore objectifs du plan
“30 000 demandeurs
d'emploi formés", autant
de point abordés lors de la
Conférence parlementaire
sur l'emploi et le handicap,
qui se tenait le 3 octobre
à Paris.
La mobilisation demeure le
maître-mot en matière d'emploi
et de formation des personnes
en situation de handicap.
C'est ce qu'a rappelé Martine
Carrillon-Couvreur, députée de la
Nièvre, vice-présidente de la commission
des affaires sociales et présidente
du Conseil national consultatif des
personnes handicapées (CNCPH) :
“Nous sommes mobilisés dans le cadre
du CNCPH sur ces sujets, mais aussi
pour que les politiques enclenchées par le
législateur soient vraiment porteuses de
réponses." Parmi les mesures annoncées,
elle a évoqué “le volet formation relatif au
handicap dans l'actuelle négociation sur la
formation professionnelle, qui va permettre
de franchir une étape supplémentaire dans
la garantie du droit à la formation et dans
l'indispensable accès à l'emploi".
“Nous avons des efforts à poursuivre sur
la question de la formation, en termes
d'éducation, de formation professionnelle
et d'accueil dans les entreprises. La scolarisation
des enfants handicapés a progressé,
et les efforts ne doivent pas s'arrêter aux
portes des lycées", a-t-elle considéré. Et de
conclure : “Penser le handicap est posséder
une vision de la société qui croit d'abord
à la valorisation des potentiels de chacun."
Pour Denis Jacquat, député de la Moselle,
membre de la commission des affaires
sociales, “il existe une politique sociale qui
doit être effective, même si cela n'est pas
évident. C'est un travail de Bénédictin,
comme diraient certains"...
“Valorisation des potentiels"
Pour sa part, le ministère du Travail s'est
engagé dans plusieurs actions dans la
mesure où “on observe un déficit de qualification
des demandeurs d'emploi handicapés,
à savoir que 83 % d'entre eux ont
un niveau de qualification inférieur ou
égal au CAP, contre 57 % pour les demandeurs
d'emploi valides", a souligné Claire
Descreux, chef de service et adjointe à la
déléguée générale à l'emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP), lors
de la table ronde consacrée à la qualification
des travailleurs handicapés. “L'accès
à la formation est l'enjeu principal pour
les personnes en situation de handicap,
car c'est accéder à la vie professionnelle
et acquérir des qualifications successives.
Conformément à la loi du 11 février 2005,
la formation s'appuie sur des dispositifs de
droit commun et des dispositifs spécifiques,
notamment les centres de rééducation professionnelle
(CRP), au nombre de 80 à 90,
qui accueillent 9 000 stagiaires handicapés
par an".
Une convention nationale multipartite
En outre, les politiques partenariales
engagées avec l'État s'inscrivent dans les
plans d'action régionaux d'insertion des
personnes handicapées, qui ont vocation
à constituer un cadre unique partagé
d'actions de la politique gouvernementale.
“Cet engagement sera renforcé prochainement
dans le cadre d'une convention nationale
multipartite que nous nous apprêtons
à signer de manière à fédérer les partenaires
nationaux", a annoncé Claire Descreux.
“Au sein de la convention figure un chapitre
sur la formation qui fixe un objectif cible de
travailleurs handicapés accédant à la formation
de droit commun et prône une meilleure
articulation du contrat de plan régional de la
formation professionnelle."
Elle a également fait valoir que le plan
“30 000 demandeurs d'emploi formés"
est également ouvert aux personnes
handicapées. En 2012, l'État a financé
24 000 actions de formation en faveur des
personnes handicapées, soit 136 millions
d'euros de budget global (augmentation
annuelle de 8 %). Tous financeurs
confondus, le nombre d'actions s'élevait
à 85 000 en 2012. “La formation est une
responsabilité partagée avec les entreprises
et les partenaires sociaux. Au 1er septembre,
cinq accords de branches qui prévoient une
politique de formation ont ainsi été agréés
par le ministère du Travail", a ajouté Claire
Descreux.
La formation initiale reste un socle indispensable
À la question “Quelle formation pour
permettre l'égalité des chances et l'accès
à l'emploi ?", André Montané, président
du Comité national du Fonds pour
l'insertion des personnes handicapées
dans la fonction publique (FIPHFP), a
signalé que 40 % des personnes handicapées
ont plus de 50 ans et qu'“obtenir une
qualification suppose d'avoir suivi une formation".
Or, a-t-il poursuivi, “bénéficier
d'une formation suppose aussi d'avoir un
peu fréquenté l'école. Et pour les personnes
handicapées de 50 ans, cela ramène aux
années 1955-1960. De ce point de vue,
comment voulez-vous que ces personnes
possèdent une qualification quand on
leur a refusé l'instruction à cette époque ?"
Il s'est d'ailleurs félicité que la loi de février
2005 “ouvre aux enfants handicapés
l'école de proximité qui doit, dans le cas
où elle prouve son incapacité à transmettre
l'enseignement nécessaire, les orienter vers
des établissements spécialisés". Dans la
mesure où la qualification est nécessaire
pour accéder à certains emplois, pour la
pérennité et la promotion de l'emploi,
“l'accès à l'école pour tous, quelle que soit sa
déficience, est une nécessité".
La fonction publique, a également précisé
André Montané, compte 4,4 % de
personnes en situation de handicap. “Des
efforts restent à faire. Nous devons décentraliser
nos actions et travailler au plus près
des citoyens", a-t-il commenté.
Adapter les formations et former les formateurs
Thierry Nouvel, directeur général de
l'Unapei (fédération d'associations de
représentation et de défense des intérêts
des personnes handicapées mentales
et de leurs familles), a témoigné de la
volonté de sa fédération d'“emmener les
personnes déficientes mentales ou cognitives
vers l'emploi". Là encore, “ce sont les
parents qui ont imaginé des solutions pour
leurs enfants en matière d'emploi, avec
à l'époque la création des centres d'aide
par le travail (CAT) pour leur offrir une
activité professionnelle. Aujourd'hui,
120 000 personnes handicapées travaillent
au sein des établissements ou service
d'aide par le travail (Ésat, autrefois CAT,
financés par l'aide sociale de l'État). Les
personnes handicapées mentales ont des
difficultés dans l'apprentissage, mais elles
peuvent acquérir des connaissances à
condition d'adapter les formations et de
former les formateurs", a plaidé Thierry
Nouvel. Le taux de placement de ces
personnes dans les Ésat, par les Cap emploi,
est de l'ordre de 4 à 5 %, et le taux
de sortie de l'Ésat de 1 à 2 %.
“Il existe peu de dispositifs qui permettent
d'accompagner une personne d'un Ésat vers
le milieu ordinaire de travail. Il s'agit d'un
accompagnement dans le temps, pas d'un
placement", a-t-il prévenu. Aujourd'hui,
l'Agefiph finance cette démarche, “soit
2 000 personnes par an, mais c'est trop
faible. Il n'existe pas de lien fort entre les
Ésat et la formation et l'insertion professionnelles.
Dans les politiques publiques,
on souhaite que ces établissements soient
placés dans le giron des Régions, mais si
on veut qu'ils jouent un rôle plus fort, il
faut trouver un pilotage qui facilite la
formation et le financement des personnes
qui vont accompagner les personnes handicapées
mentales en milieu ordinaire", a
argumenté Thierry Nouvel.
UN VOLET HANDICAP DANS LA FUTURE LOI FORMATION
“J'approuve l'approche qui consiste à poser la question du handicap en termes d'emploi",
a déclaré Michel Sapin, ministre du Travail, en clôture de la Conférence parlementaire.
Une préoccupation qui entre de plain-pied dans l'action du gouvernement, notamment via
la circulaire du 4 septembre 2012. Et récemment, le comité interministériel du handicap
“a posé une approche globale en matière de formation et d'emploi". Le ministre a rappelé
qu'avec “les emplois d'avenir, les jeunes handicapés bénéficient d'une vraie opportunité
pour amorcer un parcours professionnel réussi". À ce titre, “les Cap emploi sont mobilisés
aux côtés de Pôle emploi et des Missions locales. De plus, chaque jeune bénéficie d'un
référent unique. L'accompagnement spécifique dans un dispositif commun, voilà le sens
de notre action", a déclaré Michel Sapin qui déplore néanmoins “le faible taux (3 %) de
jeunes handicapés dans les emplois d'avenir et cela mérite d'être dépassé".
Le ministre a aussi évoqué le principal frein de l'accès à l'emploi, à savoir le faible niveau
de qualification des personnes en situation de handicap. Depuis la loi du 11 février 2005,
“70 000 personnes ont bénéficié d'une formation chaque année contre 50 000 avant
l'entrée en vigueur de cette même loi", a-t-il fait valoir. Il a par ailleurs demandé aux
partenaires sociaux, dans le cadre de l'actuelle négociation sur la formation professionnelle,
de “veiller particulièrement à ce que davantage de travailleurs handicapés aient un
meilleur accès à la formation". “De notre côté, a-t-il indiqué, nous allons préparer le futur
volet handicap qui figurera dans le texte réformant la formation professionnelle." Autre
préoccupation du ministre : “L'intégration des personnes handicapées dans les entreprises
est encore laborieuse, de l'accessibilité à l'adaptation au poste de travail, en passant par
l'acquisition des qualifications et l'insertion dans un collectif de travail."