Jeune apprenti. Image générée par IA.

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Mieux contrôler l'apprentissage pour éviter les dérives

Après la diffusion de l'émission Complément d'enquête « A qui profitent les milliards de l'apprentissage ? », les représentants des apprentis et des directeurs de CFA réagissent pour demander plus de contrôles, plus de contreparties aux aides publiques, et un meilleur suivi de la qualité des formations.

Par - Le 07 mai 2024.

L'émission diffusée le 25 avril a montré, s'il en était besoin, que l'apprentissage est devenu un système juteux, largement financé par l'argent public, et insuffisamment contrôlé. « Le gouvernement a tout fait pour libéraliser le marché de l'apprentissage sans mettre en place les garde-fous suffisants, il faut retrouver une forme de régulation », convient Pascal Picault, responsable du plaidoyer à la Fnadir.

A travers des témoignages d'alternants, le reportage met en cause les pratiques du groupe Carrefour, qui a créé son propre CFA mais sans locaux dédiés, emploie jusqu'à 15% d'alternants dans certains magasins, leur confient le même travail qu'à des salariés, en autonomie, et ne leur délivre pas toujours les 400 heures de formation prévues dans le contrat.

Le reportage pointe aussi les marges importantes faites par des groupes d'enseignement privés tels que Galileo, grâce aux aides publiques à l'apprentissage.

Pratiques abusives

L'Anaf - association nationale des apprentis de France - a déjà alerté le gouvernement sur les « pratiques abusives » de certains CFA. « Des écoles demandent aux apprentis des frais d'inscription pouvant aller jusqu'à 1000€, et leur font même payer les frais de scolarité en intégralité s'ils ne trouvent pas d'employeur, alors que c'est illégal, pointe Aurélien Cadiou, président de l'Anaf. Certains CFA ne proposent pas d'aide à la recherche d'entreprise, le tuteur ne se rend pas toujours dans l'entreprise pour voir si le poste et les missions confiées correspondent bien à la formation. On a beaucoup de retours négatifs que l'on n'avait pas avant la réforme. Et ils concernent en particulier des écoles du supérieur, des CFA privés et nouveaux sur le marché », précise le président.

Renforcer les contrôles

L'Anaf estime qu'il faudrait plus de contrôles sur l'apprentissage : « Il existe des médiateurs de l'apprentissage dans les chambres consulaires, mais ils sont très peu saisis par les apprentis car personne ne les connaît. Il faudrait renforcer cette fonction. On avait proposé qu'elle soit reprise par l'inspection du travail avec des moyens dédiés ».

Alors qu'un décret est sorti pour renforcer le pouvoir de contrôle des Opco, la Fnadir estime « qu'il faudrait plutôt développer les contrôles par l'Etat. Les DRETS ont toute latitude pour contrôler, mais manquent de moyens pour le faire », note Pascal Picault. Sur le terrain, les CFA constatent « une succession de contrôles, par une multiplicité d'acteurs, qui contrôlent tous la même chose ! Il faudrait rationaliser tout ça, qu'il y ait une seule instance de contrôle mais qui embarque tous les aspects », suggère Pascal Picault.

Mieux contrôler la qualité

La Fnadir estime que « Qualiopi devrait avoir plus de regard sur la qualité de la pédagogie en alternance. Il y a des marqueurs importants : le lien entre CFA et maître d'apprentissage, le rythme de l'alternance, comment le CFA organise le suivi en entreprise, etc. », ajoute son porte-parole. L'Anaf déplore le manque de réponse du gouvernement : « Cela fait trois ans qu'on alerte sur la question de la qualité des formations en apprentissage, et rien ne se passe. Le gouvernement s'était engagé à lancer des groupes de travail sur le sujet, puis ça a été enterré avec le remaniement, regrette Aurélien Cadiou. On a sollicité le nouveau Haut-commissaire à l'enseignement et la formation professionnels, mais il découvre le sujet de l'apprentissage ».

Aides publiques

« Concernant les aides publiques il faut être plus exigent, demander plus de contreparties, et intégrer des obligations pour les entreprises et les CFA sur la qualité d'accompagnement », estime Pascal Picault. Notamment en rendant obligatoire la formation des maîtres d'apprentissage, propose l'Anaf. La Fnadir a transmis ses propositions au gouvernement sur la question du financement de l'apprentissage, en vue d'une évolution de la loi.

La balle est maintenant dans le camp du gouvernement, qui n'a pas réagi à la diffusion du reportage.