Rapport Igas-IGF sur les Opca : sévères mises en cause, et préconisations

Par - Le 16 décembre 2009.

“Le système dans son ensemble ne fonctionne pas. Il ne respecte pas les textes, et ne s'avère ni fiable, ni viable. Il n'est ni contrôlé, ni régulé." Tel est le jugement, extrêmement sévère, dressé par le rapport de l'Igas [ 1 ]Inspection générale des affaires sociales et de l'IGF [ 2 ]Inspection générale des finances intitulé “La gestion financière des Organismes paritaires collecteurs agréés et du Fonds unique de péréquation".

Le rapport commandé par le ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi a été transmis aux partenaires sociaux le 30 novembre. Il fait état d'un “climat d'empirisme économique, comptable et financier du système mis en place pour financer les actions de formation professionnelle". Avant d'ajouter : “Mais la promulgation de la loi doit permettre de le remettre en ordre".

“Le système dans son ensemble ne répond ni à la lettre, ni à l'esprit de la réglementation. Le système de péréquation comporte des failles inquiétantes qu'il convient de combler sans délai compte tenu de l'instauration prochaine du FPSPP [ 3 ]Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels de sécurisation des parcours professionnels. aux missions et au budget élargis", avance le rapport de l'Igas et de l'IGF. Le texte est le fruit de la mission confiée le 27 juillet aux Inspections par Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, portant sur la formation professionnelle et notamment sur le dispositif des fonds perçus et générés par les Opca. Une mission qui s'inscrivait dans le processus d'adoption du projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie promulguée le 25 novembre dernier.

Un bilan accablant de la péréquation et de la transparence
Le rapport estime que “le Fup ne maîtrise que très imparfaitement son rôle de péréquation" parce qu'il “n'arrive pas à obtenir des informations financières fiables en provenance des Opca et peine à sécuriser ses recettes". Pire, il note, dans la perspective de sa transformation en FPSPP, “un climat général, non exclusivement imputable au Fup, d'impréparation à cette réforme", que ce soit dans l'organisation des futurs contrôles, dans la détermination des nouvelles modalités de péréquation ou dans la réflexion sur le statut du FPSPP.

La mission pointe que le système d'encadrement des frais de gestion des Opca “n'est pas viable en l'absence de toute forme de comptabilité analytique" en leur sein. Il leur permet surtout, affirment les auteurs, “de répartir astucieusement leurs frais de gestion sur les dispositifs limitant ainsi les reversements au Fup sans pour autant que la DGEFP (…) ne se soit mise en mesure d'assurer des vérifications efficaces de cette disposition". Par ailleurs, les Opca contournent “largement" la règle limitant les risques de thésaurisation leur imposant de verser leurs excédents au Fup et leur gestion des produits financiers est “empirique". Enfin, le plan comptable des Opca et du Fup n'ayant pas été actualisé depuis 1993, il ne reflète que “très imparfaitement la réalité de [leur] activité économique".

Des préconisations
Pour remédier à cette situation, le rapport estime que le FPSPP “doit moderniser ses modalités d'intervention et surtout adapter ses mécanismes de soutien financier en fonction des différents dispositifs de formation" en ayant une organisation et des outils de pilotage “à la hauteur". Il doit par ailleurs jouer “véritablement un rôle d'animation du réseau des Opca".
De leur côté, les Opca, dont le rapport considère que le seuil d'agrément va passer à 100 millions d'euros, ce qui devrait réduire leur nombre à une vingtaine, doivent se doter “le plus rapidement possible" d'une comptabilité analytique, ce qui pourrait être “une condition dirimante au renouvellement de leur agrément" et le rapport recommande également de publier la répartition de leurs frais de gestion en fonction des dispositifs, “visée par des commissaires aux comptes". Une mesure sensée créer de l'émulation et donner des éléments de benchmark.

La mission s'est penchée sur les frais de gestion afférents aux futures conventions d'objectifs et de moyens (Com) signées entre l'État et les Opca pour mieux “encadrer l'activité de ces derniers et contrôler plus efficacement le niveau acceptable des frais de gestion plafonnés globalement à environ 9,9 % pour les Opca de branche et 12 % pour les Opca interprofessionnels". Ces frais devant être décomposés désormais en part fixe et en part variable de par la loi, elle préconise que la part variable ait “principalement vocation à assumer des dépenses d'assistance et de conseil en direction des TPE-PME, objectif prioritaire de la loi".

L'Igas et l'IGF pensent “possible et souhaitable" de dynamiser la gestion de la trésorerie des Opca enclins à la thésaurisation. Pour ce faire, ils pourraient la placer “auprès d'un émetteur public, opérateur unique", pour faire croître les produits financiers. Elles préconisent “la création d'un GIE [ 4 ]Groupement d'intérêt économique regroupant les Opca : son objet social serait de passer une convention de gestion avec un opérateur financier public et de piloter la gestion de l'ensemble des trésoreries".

Les trésoreries des Opca permettraient un lissage de la collecte “sur l'année par le biais d'une trimestrialisation ou semestrialisation des versements des entreprises au titre de la formation professionnelle", ce qui devrait générer chez ces dernières un gain entre 1 et 2 milliards d'euros.
Ultime préconisation : la modification profonde du plan comptable des Opca et du Fup. Des mesures devant être examinées par l'Autorité des normes comptables (ANC). “Il convient notamment d'harmoniser la comptabilisation de la collecte des Opca et de fixer de nouvelles règles de rattachement des charges de formation à l'exercice" Il est aussi “nécessaire de prévoir un mécanisme de provisionnement des engagements à financer la formation pour les intégrer au bilan des Opca (…) et de joindre aux comptes des Opca des tableaux et indicateurs qui permettent de mieux comprendre leur activité économique".

Notes   [ + ]

1. Inspection générale des affaires sociales
2. Inspection générale des finances
3. Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels de sécurisation des parcours professionnels.
4. Groupement d'intérêt économique