Britanny Ferries veut faire chavirer les préjugés

Par - Le 01 juillet 2010.

Transport maritime et handicap ne faisaient, jusque récemment, pas bon ménage. Au vu des conditions de travail des gens de mer, la problématique du handicap se résumait souvent à une déclaration d'inaptitude, synonyme de licenciement. Pourtant, le bilan de la convention de recrutement et de maintien dans l'emploi des personnes handicapées conclue par l'armateur breton Britanny Ferries en janvier 2009 avec l'Agefiph, en partenariat avec le cabinet de conseil Execo Ouest, prouve que des avancées sont possibles : une quarantaine des managers de l'entreprise ont bénéficié, depuis, d'une formation ad hoc.

Forte de 2 700 salariés, auxquels s'adjoignent 300 saisonniers chaque été, Britanny Ferries transporte chaque année près de 2,5 millions de passagers entre la Bretagne, la Normandie, l'Espagne et l'Irlande. En regard, Execo Ouest, cabinet associatif de... deux salariés, créé voici un an et demi, pouvait paraître fluet pour un tel dossier. “Notre plus-value, souligne Marie-Pierre Brasseur, consultante et formatrice, est le sur-mesure. Nous ne disposons pas d'un catalogue dans lequel “piocher", nous nous adaptons à nos interlocuteurs."

Organisée à partir d'avril 2009, la formation des managers en charge du recrutement s'est organisée en plusieurs sessions. L'une d'entre elle concernait les managers dits “sédentaires" (chefs d'escale de Normandie et de Bretagne). Une formation, indique Marie-Pierre Brasseur, reposant “sur une pédagogie interactive, avec des jeux de rôles, des mises en situation et des vidéos frappantes". La dernière formation effectuée, en avril 2010, a concerné plus spécifiquement les délégués du personnel et les élus du CHSCT, soit une quinzaine de personnes. “Notre formation visait à parfaire leurs connaissances juridiques. Elle a été suivie sur la base du volontariat et hors temps de travail, et tous sont venus !"

Six personnes, pour la plupart en situation de handicap suite à des accidents de travail, ont pu ainsi voir leurs postes adaptés et, de fait, être maintenues dans leur emploi. “Voici encore deux ans à peine, la médecine des gens de mer[ 1 ]Équivalent maritime de la médecine du travail. les aurait déclarées inaptes, observe Marie-Pierre Brasseur. C'est un véritable changement des mentalités !" Si les stagiaires ayant suivi ces formations entre 2009 et 2010 les ont appréciées, Britanny Ferries ne compte pas s'arrêter là. Dès septembre et octobre, de nouvelles sessions seront organisées à destination des managers hôteliers, des commissaires de navires, des capitaines en second, des chefs matelots et chefs mécaniciens.

[(DES “ECAP"

85 % des postes de Brittany Ferries sont des “Ecap" (emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières). “Les métiers maritimes sont considérés comme suffisamment contraignants pour être accessibles au statut d'Ecap, pour lequel la loi s'avère moins pénalisante en cas de non respect des 6 % de personnes handicapées dans l'entreprise", explique Marie-Pierre Brasseur. (La sanction financière dans le cas de professions “Ecap" se monte à 400 euros par unité manquante, contre 5 000 euros dans le cas d'entreprises ordinaires).

La convention signée entre Raphaël Doutrebente, DRH de Britanny Ferries, et François Massolo, délégué régional de l'Agefiph, n'a donc pas été motivée par des considérations financières. “Françoise Le Fursec, notre ancienne chargée de mission handicap, récemment partie en retraite, qui a piloté le projet avec l'Agefiph et Execo Ouest, souhaitait que la profession abandonne ses préjugés sur le handicap au travail", indique Samuelle Le Guay, responsable des ressources humaines de l'armateur.)]

Notes   [ + ]

1. Équivalent maritime de la médecine du travail.