Questions à Jonathan Pottiez, consultant-chercheur chez Formaeva : “faire de l'évaluation des formations un véritable outil de management"
Par Knock Billy - Le 01 octobre 2010.
Qu'est-ce qui explique le faible recours à l'évaluation des formations ?
En France comme ailleurs, diverses études le montrent, cinq raisons reviennent systématiquement : aucun acteur n'exprime clairement la volonté que la formation soit évaluée ; les professionnels de la formation eux-mêmes ne savent pas ce qu'ils veulent et peuvent évaluer ; les compétences techniques en évaluation leur font souvent défaut ; l'évaluation est perçue comme un risque et ses résultats sont craints ; et, enfin, le coût de l'évaluation serait dissuasif. Ces raisons peuvent être outrepassées en démontrant la nécessité et la faisabilité d'une évaluation de la formation adaptée aux contraintes spécifiques de l'organisation.
En quoi l'évaluation participe-t-elle à la qualité d'une action de formation ?
Certains responsables formation et formateurs pensent que le “feeling" suffit à déterminer si une formation a été efficace ou non. Or, un rapide tour de table en fin de formation permet, au mieux, d'évaluer la satisfaction des formés, mais certainement pas ce qu'ils ont appris et encore moins les effets de la formation sur le terrain. Une véritable évaluation de la formation doit permettre d'agir sur la qualité de la formation au travers de trois phases successives :
la rétroaction : elle permet au gestionnaire de formation de déterminer si les objectifs sont atteints, d'identifier les points forts et les axes de progrès de la formation comme de l'ensemble du processus, etc. ;
la prise de décision : le gestionnaire peut décider ou non de poursuivre la formation, d'en modifier tout ou partie, de définir le contenu du plan de formation de l'année suivante, de reconnaître officiellement les compétences acquises (exemple : rémunération et/ou promotion), etc. ;
le marketing de la formation : la communication des résultats de la formation contribuera à justifier l'existence et le budget du service formation, à valoriser la formation en général, à impliquer les différents acteurs dans la formation, etc.
L'évaluation permet-elle de mesurer effectivement le “rendement" des actions de formation, en terme monétaire ?
L'évaluation du retour sur investissement de la formation est techniquement possible, mais est consommatrice de temps, et donc, d'argent, et ne concerne au mieux que 5 à 10 % des formations. Pour reprendre l'expression (déposée) de James et Wendy Kirkpatrick, il me semble plus réaliste et pragmatique d'évaluer le “retour sur les attentes" (return on expectations, ROE) plutôt que le “retour sur investissement" (return on investment, ROI). Il est important de faire préciser aux commanditaires de la formation leurs attentes, ceci afin de disposer d'objectifs de formation précis et concrets, véritables prérequis à une évaluation sérieuse.
Comment faire de l'évaluation des formations un véritable outil de management et de performance de l'entreprise ?
Lorsqu'une direction générale demande des comptes au sujet de l'utilisation du budget formation, le responsable formation doit pouvoir montrer des résultats tangibles, car celle-ci ne se satisfait plus de réponses approximatives et de croyances dans les bienfaits “évidents" de la formation (rapidement battus en brèche à la première tempête économique). Elle attend des responsables formation qu'ils soient des managers (plus que des juristes ou des pédagogues), capables de travailler avec l'encadrement pour construire les solutions de formation les plus efficientes et efficaces et, in fine, de démontrer leur contribution à la performance de l'entreprise. Ceux qui s'inscrivent dans cette démarche valorisent la fonction formation et, indirectement, gagnent en légitimité.
Mais tout cela n'est possible qu'à l'aide d'un modèle d'évaluation des formations solide et validé par la recherche. Très franchement, je suis un peu effrayé lorsque je regarde avec quels outils certaines grandes entreprises évaluent l'efficacité de leurs formations. Déficients, ces outils génèrent des résultats faux (de mauvaises questions amènent de mauvaises réponses) et, donc, orientent les gestionnaires vers de mauvaises décisions. Nous parlons ici de budgets de formation de plusieurs millions d'euros… un gâchis conséquent, qui m'amène à penser qu'il vaut mieux parfois ne pas évaluer que de mal évaluer.