Victoria Saez : “coach d'accent" pour comédiens
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 mai 2011.
Les cinéphiles les plus attentifs auront peut-être eu l'occasion d'apercevoir son minois au détour de quelques plans de Sagan, de Diane Kurys, de Ce que je sais de Lola, de Javier Rebollo ou, plus récemment, des Femmes du 6e étage, de Philippe Le Guay. Mais, d'un autre côté, si Thierry Lhermitte parvient à s'exprimer en espagnol de manière crédible dans Entre sorar y vivir d'Alfonso Albacete ou si Elena Anaya est une franco-espagnole plus vraie que nature dans Mesrine : l'ennemi public n°1 de Jean-François Richet ou dans Les femmes du 6e étage, c'est aussi grâce à Victoria Saez. Son métier ? Coach d'accent. Son rôle : former des comédiens espagnols à s'exprimer de manière crédible en français (et inversement) quand bien même ces derniers n'auraient qu'une connaissance fragmentaire de la langue.
“Comédienne de formation, j'ai tout d'abord joué la "voix espagnole" au sein d'une troupe de théâtre dans le sud de la France avant de rejoindre Paris et de me produire dans des pièces telles que Volpone", se souvient l'actrice d'origine espagnole, “par ailleurs, j'ai travaillé à la télévision et à la radio, comme voix-off ou en tant que commentatrice pour des publicités ou des documentaires. Mais c'est lorsque j'ai exercé une activité de traductrice entre des réalisateurs espagnols et des traducteurs français que j'ai compris que je pourrais devenir formatrice pour aider des acteurs issus de l'un de ces deux pays à travailler efficacement sur un tournage coproduit entre la France et l'Espagne." Il y a près de cinq ans de cela, Victoria Saez a entamé sa carrière de formatrice pour comédiens. “J'ai commencé par coacher André Oumansky. Ce dernier venait du théâtre et avait décroché un rôle important dans l'adaptation française de la pièce espagnole Le meilleur qu'il puisse arriver à un croissant. Seulement, il ne suffisait pas de lui faire apprendre son texte par cœur. Encore fallait-il lui permettre de manifester les émotions requises par son rôle."
Les émotions, justement. Tel est le principal écueil pour des comédiens non locuteurs de la pièce ou du film afin d'éviter qu'ils ne "surjouent" ou ne "jouent faux". “Apprendre un texte par cœur, même dans une autre langue, beaucoup sont capables de le faire. Mais affronter l'improvisation de son vis-à-vis ou transmettre des émotions en rapport avec le sujet de la scène, cela ne peut se faire qu'au travers d'un apprentissage sur la compréhension du texte." Ainsi, dans le récent Les femmes du 6e étage, Victoria Saez a été amenée à coacher, outre Elena Anaya, Natalia Verbeke, Carmen Maura, Berta Ojea ou Lola Duenas. “Certaines parlaient déjà français, aussi le travail s'est révélé relativement court. Mais, pour celles qui ne s'exprimaient pas dans cette langue, nous avons tout d'abord commencé par converser au téléphone afin qu'elles s'approprient le texte. Ensuite, une fois présentes à Paris, nous avons travaillé quasiment tous les jours sur les intonations, les émotions de leurs personnages, ou la prononciation de leurs dialogues."
Victoria Saez compte-t-elle labelliser sa méthode ? “Non", répond-elle. “Chaque acteur est différent et il me paraît difficile d'inscrire dans le marbre des dispositifs pédagogiques uniques." En revanche, la comédienne-formatrice envisage de passer à la vitesse supérieure en proposant ses services à des cours d'art dramatique dans un avenir proche. “Je ne suis pas encore considérée comme organisme de formation", confesse-t-elle, “mais je suis actuellement en train de démarcher des directeurs de production afin de me faciliter une future « labellisation »."