8e Congrès de l'ARF - Les Régions “bien placées pour animer et coordonner la chaîne orientation, formation, emploi"
Les Régions souhaitent jouer un rôle de coordination et d'animation en ce qui concerne les politiques d'orientation, de formation et d'emploi. C'est ce qui est ressorti des échanges, lors du 8e congrès de l'ARF (Association des Régions de France) qui se déroulait à Lyon les 18 et 19 octobre dernier.
Par Aurélie Gerlach - Le 01 novembre 2012.
La question s'était posée à la suite d'une récente
allocution du président de la République, aux État généraux de la démocratie territoriale (L'Inffo n° 820, p. 4). Les Régions revendiquaient-elles la compétence “emploi", et si tel était le cas, pourrait-elle leur être effectivement accordée ? Les acteurs régionaux présents à Lyon semblent y avoir renoncé, si tel avait été leur espoir. Ils ont expliqué qu'ils ne souhaitaient pas, dans le cadre du futur “acte III de la décentralisation", se voir confier l'exclusivité des compétences en matière de politiques de l'emploi. Mais, laissant à l'échelon national le soin d'élaborer les grandes orientations, ils jugent cohérent d'avoir la main sur la “chaîne globale" orientation, formation, emploi et de tenir le rôle de “grand ensemblier" entre les différents acteurs.
“Les Régions ont une expérience déjà ancienne en matière de formation professionnelle, et leurs compétences sur ce domaine ont été renforcées par les gouvernements _ de droite comme de gauche _ au cours de l'histoire récente, a rappelé Jean-Paul Denanot, président de la commission formation de l'ARF et, par ailleurs, président de la Région Limousin. Nous avons un avis assez clair : il n'est pas possible de dissocier les questions d'orientation, de formation et les politiques de l'emploi. C'est une chaîne qui a sa cohérence. On ne peut pas former sans regarder les besoins des territoires et des entreprises, ni orienter sans connaître les capacités d'absorption du marché de l'emploi." C'est pourquoi, a-t-il ajouté, les Régions souhaitent piloter cette “chaîne globale", et cela au travers du service public régional de la formation et de l'orientation, en liaison avec les politiques de l'emploi. “Je ne pense pas que l'État doive se désintéresser de l'emploi. Au niveau régional, par contre, il faut qu'une cohérence se mette en place. L'État doit continuer à décider des grandes orientations."
Pôle emploi : pas de décentralisation, mais davantage de partenariats
Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, a souligné, de son côté, que le gouvernement avait exclu l'hypothèse d'une décentralisation de Pôle emploi, position approuvée par son conseil d'administration. “Par exemple, en Allemagne, qui est un pays très décentralisé, les länder n'ont pas la compétence de l'emploi ! Il faut être très prudent en ce qui concerne le service public de l'emploi et ne pas le déstabiliser. Pôle emploi sort de trois années difficiles suite à la fusion de l'ANPE et des Assedic", a-t-il rappelé. Cependant, il s'est dit favorable au développement de logiques partenariales : “Pôle emploi a trop vécu en autiste ces derniers temps... Nous devons travailler avec d'autres acteurs. Les territoires, certes, mais également avec les Opca, ou encore avec les acteurs de l'insertion."
Thierry Lepaon, président du groupe CGT au Cese (Conseil économique, social et environnemental), a jugé que la création de Pôle emploi n'avait pas permis de remplir tous les objectifs qui avaient motivé cette fusion. “Nous avons, avant l'élection présidentielle, négocié et ratifié une convention tripartite (État, Pôle emploi, Unedic), qui est à présent en vigueur et ce, jusqu'en 2015. Il faut geler cette convention, afin que les moyens puissent être réorientés, et que le droit à l'emploi dans notre pays soit enfin effectif", a-t-il formulé. Thierry Lepaon souhaite notamment que soient mieux prises en compte les questions de GPEC territoriale (voir aussi dans ce numéro, page 28). Mais Jean Bassères lui a répondu que ni l'État ni l'Unédic ne souhaitaient une remise en cause de la convention tripartite.
Les Régions, échelon “idéal" pour coordonner les politiques d'emploi et de formation
“Des pays comme la Suède ou le Danemark ont davantage de facilité à coordonner leurs politiques de formation et d'emploi", a observé Christine Erhel, professeur à Paris-I. “Ce qui peut s'expliquer par une question de taille. À l'échelon de 10 millions d'habitants, la coordination est plus facile. C'est pourquoi il apparaît que le meilleur échelon en France est bien celui des Régions. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il faille mettre en place une décentralisation sur ces sujets, mais plutôt une régionalisation : il faut que la mise en œuvre ait lieu au niveau régional, même si l'État continue de fixer les grandes orientations."
Pour Catherine Barbaroux, présidente de l'association Adie (Aide pour le droit à l'initiative économique), il est désormais nécessaire de “changer d'échelle, de rythme et de méthode". Expliquant : “Le service public de l'emploi aura des parties prenantes multiples et imbriquées. Les Régions ont, certes, raison de dire qu'il existe un continuum entre orientation, formation et emploi. La richesse des territoires, c'est bel et bien leurs compétences ! Cependant, même si les Régions souhaitent avoir davantage d'influence sur le financement des politiques de l'emploi et de l'insertion, le financement restera le fait de l'État ou des branches professionnelles. De même, d'autres collectivités infrarégionales prendront des initiatives." La solution, selon elle, passe par des accords et des partenariats. Elle considère ainsi que les Ceser (Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux) doivent disposer d'une “capacité à faire fonctionner les choses"... À cette interpellation, Luc Paboeuf, président du Ceser d'Aquitaine, a répondu en confirmant qu'il souhaitait lui aussi que soit donné “plus d'importance au dialogue". Considérant fondamental que, dans le cadre de la signature de contrats, “les parties signataires aient à répondre de leurs engagements devant des tiers".
L'importance de la “qualité du dialogue"
Précisément. “Ce qui est important dans un territoire, c'est la qualité du dialogue instauré entre tous les acteurs : les organismes de formation, les collectivités territoriales, les Opca, les partenaires sociaux qui les gèrent, Pôle emploi et les Missions locales", a insisté Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Franche-Comté. Pour elle, la Région a vocation à être “un ensemblier". Et de donner un exemple :“Aujourd'hui, dans ma Région, nous initions un dispositif de sécurisation des parcours professionnels qui associe les partenaires sociaux et les agences d'intérim. L'objet est de sécuriser le parcours d'intérimaires pendant trois ans, durant lesquels leur salaire sera garanti. Quand ils n'auront pas de mission à accomplir, ils pourront suivre des actions de formation. Mettre en place une telle initiative semblait impossible, mais nous l'avons fait ! Bien sûr, un dialogue constant a été nécessaire et le rôle de la Région a justement été de mettre tout le monde autour de la table. C'est pourquoi je crois que la qualité d'un dialogue État-Régions-partenaires sociaux permettrait de déplacer des montagnes."
“Nous avons des acteurs qui sont multiples, organisons cela et faisons en sorte qu'il y ait une cohérence forte en matière de formation tout au long de la vie. Il faut une vision globale, et d'ailleurs, ce qui est régional n'a pas vocation à être nécessairement court-termiste", a résumé François Bonneau, président de la Région Centre. Du reste, “quand nous avons négocié les CPRFP (contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles), nous nous sommes bien placés dans une perspective de moyen et long termes. Eh bien, nous ferons la même chose si nous devons travailler avec Pôle emploi !"