Comment améliorer l'insertion des jeunes dans l'emploi ?

Par - Le 01 décembre 2012.

Tous les gouvernements depuis des décennies se sont attelés au problème et aucun n'a jamais obtenu les résultats qu'il avait souhaités. Les “jeunes" (les moins de 26 ans) éprouvent les plus grandes difficultés à s'insérer dans l'emploi, alors même qu'ils deux fois plus nombreux que leurs aînés à bénéficier d'aides et de prestations. Les 18es rencontres Économie, emploi, travail en Rhône-Alpes, organisées le 15 novembre dernier à Lyon par la Direccte Rhône-Alpes et la Mife de Savoie, étaient l'occasion de faire le point.

Comment améliorer l'insertion des jeunes dans l'emploi... la question était posée dans le cadre d'une table ronde intitulée “Les politiques d'emploi et de formation professionnelle : analyse et perspectives". Avec un préalable, énoncé par Nathalie Pequignot (Pôle emploi Rhône-Alpes) : le public des jeunes demandeurs d'emploi est davantage accompagné que les autres, et il doit continuer de l'être. “Le niveau de formation et les diplômes restent des éléments de discrimination lorsque les jeunes souhaitent s'insérer", a-t-elle indiqué. Il est vrai qu'“ils bénéficient de 30 % des formations financées par Pôle emploi, alors qu'ils représentent 14 % des inscrits". Les moins de 26 ans sont également surreprésentés en ce qui concerne les propositions : 23 % des propositions leur sont adressées. Mais Nathalie Pequignot a mis en avant la nécessité de mettre en place des actions ciblées par niveau de formation. Ainsi, les jeunes demandeurs d'emploi qui n'ont aucun titre ou diplôme (c'est-à-dire de “niveau VI"), ont été sollicités deux fois plus que les autres, et sont deux fois plus nombreux à rentrer dans des prestations d'accompagnement.

“Adapter nos canaux de communication"

Des actions ont été mises en place pour aller à la rencontre de la jeunesse : “Nous allons dans les établissements scolaires pour apporter des informations sur le marché du travail, pour leur proposer de participer à des recrutements par simulation, pour les aider a choisir leur orientation." Nathalie Pequignot a indiqué les voies de recherche et d'approfondissement qui pourraient permettre à Pôle emploi de se rapprocher encore de ce public : “Nous devons adapter nos canaux de communication en développant une offre de service web, parallèlement au travail mené avec les référents. D'autre part, nous pouvons imaginer la mise en place d'une contractualisation entre les jeunes et ces derniers, pour favoriser l'autonomie. Proposer un cadre d'intervention sous forme de clubs est encore une autre idée… dans la région, nous allons mettre en place trois clubs dans des Zus (zones urbaines sensibles)." Et d'insister encore : les jeunes sont ceux qui ont le plus besoin de mesures spécifiques de Pôle emploi, d'autant qu'un “nouvel environnement s'ouvre devant eux avec la portabilité de leur droits. Ils auront besoin d'être accompagnés".

“Nous sommes trop dans une politique de l'offre"

Pour Jacky Darne, président de l'URML (Union régionale des Missions locales), le facteur diplôme et la qualification professionnelle ne sont pas les seuls à prendre en compte. “Il faut que nos réponses soient plus larges. Pourquoi les jeunes chômeurs accompagnés par les diverses structures ne passent-ils jamais de visite médicale alors que la santé a tant d'influence sur la vie professionnelle ? Pourquoi ne se préoccupe-t-on pas plus des problèmes liés au permis de conduire, au logement ?" D'autre part, selon Jacky Darne, un travail plus approfondi avec le système scolaire est nécessaire en matière de formation : “Les jeunes aiment se former au contact de la vie en entreprise, car ils veulent du concret ! Au contraire, lorsqu'on leur fait faire des mises à niveaux théoriques dans une salle de classe, ils ont le sentiment d'être revenus à l'école et n'accrochent pas. Ce paramètre de motivation doit être pris en compte ! Nous sommes trop dans une politique de l'offre, nous n'écoutons pas assez."

“Attention à l'orientation prématurée"

Philippe Meirieu, vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes délégué à la formation tout au long de la vie, de son côté, a souligné que tous les jeunes n'étaient pas impactés de la même manière par la crise. “Deux questions nous préoccupent. La première, c'est l'orientation. Plus les jeunes sont en difficultés scolaires, plus ils sont orientés vers des filières professionnelles, et donc doivent faire tôt leur choix de carrière ! Or, il y a une corrélation entre échec scolaire et orientation professionnelle prématurée", a-t-il prévenu. Préconisant plutôt de favoriser le contact avec les métiers dès le collège, “pour que l'orientation ne reste pas aussi inégalitaire".
“Aujourd'hui, il faut une information plus claire et plus lisible pour les jeunes. Ils ont encore du mal à se figurer les conséquences pratiques du métier qu'ils choisissent, les engagements qu'ils prennent. Or, il est bon d'avoir une représentation de la carrière que l'on choisit avant d'entrer en formation !" Par ailleurs, le vice-président de la Région Rhône-Alpes a insisté sur le fait qu'il faut lutter avec énergie contre les ruptures.

Bilan de trente ans de politiques en faveur de l'emploi des jeunes

Une “grande continuité". C'est le bilan que fait Jean-Louis Dayan directeur du CEE (Centre d'études pour l'emploi) des trente dernières années de politiques en faveur de l'emploi des jeunes. Il s'exprimait dans le cadre d'une table ronde intitulée “Les politiques d'emploi et de formation professionnelle : analyse et perspectives".
Or, depuis les années 1970, a-t-il rappelé Jean-Louis Dayan, la situation des jeunes a bien changé : croissance du nombre d'étudiants (+ 1,1 million), recul de la population (700 000 jeunes en moins) avec la fin du Baby-boom, et ce fameux phénomène d'“allongement de la jeunesse", la prise d'indépendance de plus en plus tardive. Reste que “le taux de chômage des jeunes représentait le double de celui des adultes en 1975. Depuis, le rapport est resté compris entre 2 et 2,5".

Trois caractéristiques françaises

Jean-Louis Dayan a attiré l'attention sur trois traits typiquement français qui influent la structuration du marché du travail et les politiques publiques. “Premièrement, dans notre pays, une seule génération travaille à la fois. Avec la montée du chômage, les taux d'emploi des jeunes et des seniors ont baissé. Les études se sont allongées pour les uns, les préretraites se sont faites plus fréquentes pour les autres. C'est un effet de politiques publiques qui réagissaient en restreignant ses publics pour un âge compris entre 25 et 55 ans." En outre, en France la formation initiale garde son effet “décisif" et les parcours de reprise d'études après la fin des études initiales sont rares. “Tout se joue à l'école, avec peu possibilité de rattrapage !" Et enfin, comme couronnant le tout, le système scolaire apparaît traversé par de nombreuses inégalités.
Alors ? “Malgré les apparences, les politiques de l'emploi menées au bénéfice des jeunes, qui ont l'apparence d'un fatras empilé, peuvent être regroupées en six familles, et cela depuis trente ans", a indiqué Jean-Louis Dayan.

Les filières professionnalisantes

En premier lieu : la professionnalisation des formations initiales. “Les mesures les plus efficaces", à ses yeux. Il s'agit du développement de filières professionnelles délivrant des qualifications ou des compétences en lien avec des catégories d'emploi. “Cette famille est responsable de l'essentiel de la montée en qualification initiale. Le taux d'accès de la population au niveau IV est aujourd'hui de 87,3 % contre 34 % en 1980-1981. La filière qui y a le plus contribué est la filière professionnelle qui repose sur les lycées professionnels en grande partie, et dans une moindre mesure sur l'apprentissage." Ces dispositifs ont pour caractéristique première de permettre aux jeunes de passer beaucoup de temps en situation de travail. “Malgré cet effort, il n'existe toujours pas de vraie filière professionnelle en France, qui engloberait les niveaux I à V et permettrait à un jeune sortant de CAP d'évoluer jusqu'en master professionnel. Les BTS et DUT sont les formations qui se sont le plus développées, mais elles intègrent ceux qui ont déjà un niveau bac général. Les titulaires de bac professionnel, de leur côté, ont du mal à poursuivre leurs études. Ils alimentent encore une bonne partie de l'échec universitaire dans les premières années d'enseignement supérieur. Nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'en faire autre chose qu'une filière par défaut."

La formation postscolaire

Deuxième “famille", également prometteuse, consiste en des stages de formation professionnelle pour les jeunes. Ces mesures ont vu le jour à la fin des années 1970, et sont aujourd'hui intégralement décentralisées, sous la responsabilité des Régions. “Ce que je constate, c'est que nous n'avons encore qu'assez peu idée de la portée qualifiante de ces mesures-là. Nous savons qu'elles concernent 150 000 jeunes, mais il existe une carence de données de suivi au niveau national. Ces formations on pour objet de pallier les sorties du système éducatif sans diplôme, nous connaissons leurs objectifs, mais... mal leurs effets", a reconnu le directeur du CEE.

Les stages

La troisième famille, dont la formulation semble politiquement incorrecte mais qui recouvre bien une réalité, est celle de la “mise au travail hors contrat de travail". Le plus représentatif de ces dispositifs, mis en place dans les années 1980 et 1990, est le SIVP (stage d'insertion dans la vie professionnelle). “Il s'agissait de stages pratiques en entreprise, qui permettaient de mettre au travail les jeunes avec une rémunération réduite. Ce type de mesures a disparu des politiques de l'emploi, mais le système perdure aujourd'hui à plus grande échelle avec les stages en cursus…"

Les mesures dérogatoires

Continuons avec la quatrième : la réduction transitoire du coût du travail ou des règles de protection de l'emploi. Là aussi, a indiqué Jean-Louis Dayan, cette famille est en voie de disparition, dans la mesure où elle subventionne l'embauche de jeunes travailleurs sans maîtriser les effets en termes de création emploi. “Il y avait de forts soupçons d'effets d'aubaine massifs", a-t-il observé, se rappelant des tentatives “malheureuses" (et très vivement combattues par les partenaires sociaux) que constituaient le CIP (contrat d'insertion professionnelle) ou encore le CPE (contrat de première embauche). “Ces mesures touchaient à des règles d'ordre général. Nous pouvons nous interroger : la formation professionnelle ne sert-elle pas parfois d'alibi pour utiliser certains contrats d'alternance comme un moyen de baisser la rémunération des jeunes ?" Là aussi, un ancien soupçon.

L'alternance

L'alternance sous contrat de travail constitue la cinquième famille de politiques de l'emploi “En France, nous pouvons noter beaucoup d'avancées par rapport à 1980. À l'époque, l'apprentissage était un dispositif traditionnel en fort déclin." Certes, “ce dispositif s'est développé particulièrement dans les niveaux de formation supérieurs, au delà du niveau bac. Pour les bas niveaux de qualification, la croissance a été bien moindre". Le corollaire étant qu'aujourd'hui “il existe deux « apprentissages », ce qui se traduit notamment par des problèmes de répartition des ressources de la taxe."

Les “emplois jeunes"

Last, but not least. La sixième famille de la typologie de Jean-Louis Dayan est celle de l''“emploi d'utilité collective". C'est-à-dire la création d'emplois dans le secteur non-marchand avec des conditions dérogatoires par rapport au droit commun. Et justement ! “Les emplois d'avenir sont les derniers nés de cette famille. J'y vois le souci de corriger les dérives précédentes. L'horizon est plus long, puisque les allègements de charges durent jusqu'à trois ans, et l'accent est mis sur l'accompagnement."