“GPECT" : dimensions territoriales et... sectorielles
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 novembre 2012.
Le port de La Rochelle abritait le 5 octobre dernier un séminaire GPEC, plus particulièrement consacré à l'aspect territorial des dispositifs prévisionnels. Un séminaire placé sous les auspices d'expérimentations picto-charentaises.
À en croire les analyses prospectives à l'échéance 2020, les besoins en recrutement dans cette région porteraient sur des volumes compris entre 44 000 et 180 000 personnes. Cependant, les services de la Direccte ont récemment constaté une hausse des inscriptions à Pôle emploi, de 9,8 % en un an. Sans surprise, les moins de 25 ans et les plus de 50 sont les plus touchés. Situation paradoxale que celle de cette région qui représenterait un vivier d'emplois futurs, alors que la tendance présente est à leur destruction. Un paradoxe que des politiques de “gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale" − la GPECT − pourraient être à même de résoudre, particulièrement dans certains secteurs spécifiques au Poitou-Charentes, tels que l'aéronautique, la mécatronique ou la réparation navale de grande plaisance, menacés de disparaître faute de personnels adéquatement formés.
Problème : s'il existe quelques PME de grande taille dans ces filières, la plupart des entreprises spécialisées sont de petite taille, difficilement susceptibles de constituer des initiateurs – et encore moins des pilotes – en matière de gestion prévisionnelle territoriale. Dans ces conditions, le regroupement d'entreprises et leur constitution en réseaux (impliquant d'autres partenaires : Pôle emploi, Maisons de l'emploi, chambres consulaires, Opca, etc.) s'est imposée depuis quelques années. Des réseaux tels qu'“Arsenia" (regroupant plusieurs structures liées à l'aéronautique et piloté par la Maison de l'emploi du Pays Rochefortais), “Refit" (consacré à la réparation navale de plaisance, sous la houlette de la Maison de l'emploi de La Rochelle, avec quatorze entreprises adhérentes sur les vingt-deux que compte la filière et représentant près de 200 emplois) ou encore le cluster “Vallée de la mécatronique" (filière de l'image, du graphisme-packaging, mais aussi de l'électronique, de l'électrotechnique ou de la mécanique, secteur industriel pesant 15 000 emplois sur la région et 6 000 pour la seule communauté de commune d'Angoulême). “Des réseaux qui ne doivent surtout pas devenir des aréopages de quarante partenaires, au risque de ne plus fonctionner harmonieusement… ce que les acteurs publics ont parfois un peu tendance à oublier, en voulant protéger leur domaine d'expertise", avertit Arlette Maréchal, directrice de la Maison de l'emploi de La Rochelle. Pas de tours de table pléthoriques, donc, mais des “communautés ressemées" de partenaires pertinents, chacun porteur de ses spécificités, mais dont l'ambition doit demeurer l'émergence des qualifications, le développement des actions de formation et de recrutement, ou encore l'adaptation des équipes managériales aux enjeux de leurs filières.
“Communautés de compétences"
La structuration des filières est cependant nécessaire. Jean-Louis Frégy, directeur du développement économique du Grand Angoulême (qui pilote le réseau mécatronique) estime que “le périmètre de la filière est cohérent et pertinent pour mener des actions de gestion prévisionnelle. Concernant celle de l'image, le développement de l'activité dépend d'enjeux comme l'adaptation technologique, la R&D, l'efficience commerciale, les RH ou la capacité d'exportation à l'international dont les entreprises doivent tenir compte avant d'entamer des démarches en faveur de l'emploi et de la formation". À ce titre, Jean-Paul Prévidente, directeur de l'Aract Poitou-Charentes, impliqué dans le réseau Arsenia, n'hésite pas à parler de “communauté de compétences". Ainsi, dans la filière aéronautique, l'une des initiatives consistait en une mutualisation des services RH, la création d'un poste de référent ressources humaines et d'un CHSCT communs à cette filière représentant 300 salariés autour du territoire de Rochefort. Quant à la spécificité des métiers, elle implique également un réel investissement en termes de sensibilisation, tant des entreprises elles-mêmes (les donneurs d'ordres ignorant souvent les métiers particuliers exercés par leurs sous-traitants), de l'Éducation nationale (qui ne propose plus certains diplômes au sein de ses lycées professionnels, les imaginant sans avenir) ou des agents de Pôle emploi (parfois peu à même d'orienter leurs usagers vers des métiers mal connus, à l'image de celui de chaudronnier du nautisme, pourtant indispensable au maintien des activités relevant de la plaisance).
Cette sensibilisation, Laurent Coppin, directeur territorial de Pôle emploi Charente, la voit d'ailleurs d'un bon œil : “Non seulement elle permet suite p. 29 s suite de la p. 28 s à nos agents de disposer d'une visibilité sur des secteurs et métiers peu connus, mais en outre, elle entre complètement en résonance avec le plan stratégique Pôle emploi 2015, qui nous impose d'orienter les demandeurs d'emploi vers les entreprises qui connaissent des difficultés à recruter." Quant à ces réseaux d'entreprises, de chambres consulaires, d'acteurs du service public de l'emploi, d'Opca ou de collectivités territoriales, ils présentent l'avantage “de décloisonner les prés carrés de chacun, de faire tomber les murs entre partenaires amenés à coopérer".
GPECT : un terme “mal choisi" pour un dispositif vertueux
“Les entreprises et acteurs de l'emploi ont tout intérêt à considérer les GPEC territoriales sous l'angle de la filière plutôt que d'un point de vue de branche. La filière automobile, ça parle ! La filière bois, ça parle !", estime pour sa part Isabelle Ménant, adjointe au chef de la mission développement de l'emploi et des compétences au sein de la DGEFP. Et, précisément, un raisonnement par filière permet de créer un effet d'aspiration vertueux. “À Mulhouse, la mise en œuvre d'une GPECT automobile a permis d'attirer d'autres secteurs industriels en son sein. L'observation de ces autres secteurs a été utile pour cibler des actions consacrées à la chimie, par exemple", poursuit-elle. Bien qu'elle reconnaisse que le terme “gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale" ait été “mal choisi" (car trop souvent synonyme d'étape préalable au PSE, dans de nombreux esprits), elle n'en reconnaît pas moins l'avantage de ce dispositif “qui permet de traiter tout autant les secteurs qui se portent bien et ceux où ce n'est pas le cas", mais aussi d'envisager les mutations territoriales dans leur ensemble. “Quand Aulnay fermera définitivement, le PSE n'impactera que ses salariés. Pas les sous-traitants ou les commerçants environnants. La GPECT, en revanche, tient compte de tous ces éléments." Preuve de l'efficacité reconnue du dispositif ? “Les États généraux de la démocratie territoriale et la négociation sur la sécurisation de l'emploi qui font l'actualité intègreront des discussions à son sujet." À suivre.
La GPECT en chiffres
Trois cents GPEC territoriales sont actuellement menées en France. Définies pour une durée moyenne de trois ans, 77 % d'entre elles sont organisées à des niveaux infra régionaux, 7 % à l'échelle régionale et 16 % à celle du département. 33 % de ces
projets sont portés, au niveau local, par les Maisons de l'emploi (seules ou dans le cadre d'associations plus étendues), 15 % par des chambres consulaires, 12 % par des comités liés aux bassins d'emploi et 12 % par des Opca (essentiellement, pour ces derniers, les deux interprofessionnels, Opcalia et Agefos-PME). 26 % de ces actions relèvent de “la sensibilisation et l'appui-conseil" (soit l'assistance aux entreprises de moins de 300 salariés en matière, par exemple, de gestion ou de RH), 24 % accompagnent un ou plusieurs secteurs stratégiques sur un territoire.