Le Cese préconise un “pacte automobile de deuxième génération" faisant la part belle à la formation
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 novembre 2012.
Comparatif éclairant : en 2011, deux millions de véhicules ont été produits en France. La même année, la Chine en produisait 14 millions (soit 24 % de la production mondiale, absorbée quasi exclusivement aujourd'hui par son immense marché intérieur). Sans prophétiser sur “le jour où la Chine s'éveillera" (selon l'expression consacrée), la section des activités économiques du Conseil économique, social et environnemental (Cese) avait entamé, voici près d'un an, une réflexion sur la transition de la filière automobile française (qui représente 700 000 emplois) face à ses difficultés structurelles, en vue de proposer “un pacte automobile de deuxième génération". Réflexion qui n'a pas manqué de prendre en compte l'actualité sociale de ces derniers mois, particulièrement chez PSA.
Le 23 octobre dernier, la section économique aura donc présenté sa copie à l'assemblée plénière du Cese qui l'a approuvée [ 1 ]Par 94 voix favorables, 41 défavorables et 35 abstentions. Pour Patrick Bailly, rapporteur du texte, mais aussi président du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), “la stratégie de l'automobile française est à réviser afin de fonder une véritable politique de filière au sens large du terme". Et cette politique de filière, la section des affaires économiques l'a axée en trois points : innovation en matière technique et environnementale, compétitivité dans un contexte de concurrence mondiale, maintien de l'emploi et développement de la formation au sein de la branche. La formation, justement. Les entreprises du secteur automobile y consacrent déjà, en moyenne, le double de l'obligation légale. Mais, dans son rapport, Patrick Bailly évoque “un contexte de rupture et d'évolutions technologiques", affichant, notamment, l'ambitieux objectif de parvenir, dans les prochaines décennies, à la production de véhicules “dé-carbonés", consommant deux litres aux cent. “Les conditions de soutenabilité d'un du maintien d'un niveau significatif de compétences dans les domaines de la conception et de la production sont au centre d'un véritable dialogue social qui doit impérativement intégrer la problématique de redressement de l'activité automobile", comme l'a indiqué le rapporteur du texte.
Des politiques de GPEC basées sur “les acquis locaux"
Parmi les exigences du rapport figure le maintien des activités de recherche et développement sur le sol français, comme c'est actuellement le cas de 85 % des emplois relevant de ce domaine. “Actuellement, l'avance française en matière automobile est la conséquence de la qualité de la formation – initiale et continue – de nos ingénieurs et techniciens. Il est impératif de la conserver", a estimé Patrick Bailly, qui propose davantage d'accords de “co-traitance" que de sous-traitance au sein de la branche afin de conserver ces savoir-faire. Des savoir-faire français susceptibles, cependant, de pouvoir être déclinés au sein des sites de production automobile, sur le sol hexagonal ou à l'étranger. “L'un de nos sujets-clefs consiste à conduire les entreprises et leurs salariés à se préparer aux mobilités professionnelles futures et à maintenir l'employabilité, prioritairement au sein de la filière et, dans tous les cas, dans l'industrie." Problématique passant par l'établissement de politiques de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et l'émergence de logiques territoriales basées sur les acquis locaux.
Développer l'apprentissage et la “transmission intergénérationnelle des savoirs"
Cependant, une telle politique de GPEC ne saurait se contenter d'anticiper les besoins industriels des individus et des territoires, mais bien de préparer (voire d'imaginer) les compétences de demain. Pour cela, le rapport de la section des affaires économiques préconise la création d'un observatoire paritaire des métiers et des qualifications, dévolu à l'ajustement continu des besoins en compétences, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Patrick Bailly s'est d'ailleurs réjoui de l'avis positif rendu par les partenaires sociaux sur le contrat de génération, dans lequel il voit “un outil qui ne pourra qu'amplifier la transmission du savoir entre seniors et juniors au sein des entreprises de la filière". Particulièrement dans le cadre d'un développement accru de l'alternance et de l'apprentissage au sein de la branche. À cet effet, il est préconisé que les jeunes alternants puissent effectuer leur parcours d'apprentissage au sein des équipes de plusieurs constructeurs ou équipementiers pour parfaire leur formation. Et, dans le cas particulier des entreprises de moins de dix salariés, le Cese suggère le maintien des opérations “compétences emploi" et du soutien financier public spécifique qui les accompagne.
Reste, toutefois, à attirer les jeunes vers les métiers de l'ingénierie et de la construction automobile (le rapport exclut, en effet, le domaine de la vente en dépit de formations insuffisantes dans certains secteurs, tels que celui des véhicules d'occasion). Pour cela, le Cese milite pour la mise en œuvre d'une campagne de communication nationale visant à restaurer durable l'attractivité de ces métiers. Une compagne “dont le succès dépendra de la crédibilité des perspectives de la filière française affichées à cette occasion", espère Patrick Bailly.
Notes
1. | ↑ | Par 94 voix favorables, 41 défavorables et 35 abstentions. |