Le rapport Gallois recommande de doubler le nombre d'apprentis sur la durée du quinquennat
On le disait enterré avant même d'être paru. Il n'empêche, le fameux “rapport Gallois", proposant un “pacte pour la compétitivité de l'industrie française" a été présenté à Jean-Marc Ayrault et à Arnaud Montebourg, le 5 novembre. Le point sur ses propositions formation.
Par Knock Billy - Le 16 novembre 2012.
Un rapport qui, avant même sa publication officielle, aura fait couler beaucoup d'encre, notamment en matière d'exonération fiscale pour les entreprises (le commissaire général à l'investissement y préconise une baisse des charges sociales de 30 milliards d'euros “sans conditions") et l'exploitation du gaz de schiste (proposition que le ministre du Redressement productif a écarté avant même la présentation détaillée du rapport). En revanche, les suggestions du rapport de l'ancien patron d'EADS et d'Airbus concernant la revalorisation de la formation professionnelle dans le secteur industriel sauront-elles faire consensus ? À voir.
Orienter en fonction des besoins, et non des places disponibles
À en croire la copie de Louis Gallois, le peu d'attractivité pour les emplois industriels (chez les jeunes, notamment), s'expliquerait par le manque de valorisation de l'enseignement technique et professionnel. “Les moyens alloués à cet enseignement sont encore insuffisants", note le rapport. Particulièrement si l'on compare les chiffres français à ceux de l'Allemagne : “La différence est ici massive et explique sans doute une part significative de l'écart de compétitivité entre ces deux pays." Sur le banc des accusés, notamment, le service public de l'orientation, “qui oriente encore trop souvent en fonction des places disponibles et pas assez en fonction des besoins".
Afin d'y remédier, le rapport préconise une participation accrue des entreprises à la gouvernance de l'enseignement technique et professionnel, notamment en intégrant les conseils d'administration des établissements, mais aussi de l'élaboration des cartes de formation aux côtés des Régions, allant jusqu'à encourager “vigoureusement" la signature d'accords-cadres entre Éducation nationale et fédérations professionnelles, à l'image de ce qui se pratique au niveau des grandes écoles. Parallèlement, Louis Gallois suggère de doubler le nombre des formations en alternance sur la durée du quinquennat. Un objectif relevant à la fois des entreprises et des Octa. “Cela suppose, d'une part, que l'on prenne des mesures pour faciliter la recherche par les jeunes candidats d'une entreprise d'accueil et, d'autre part, que l'on aborde les problèmes cruciaux du transport et du logement des apprentis", souligne le rapport.
Stimuler la formation des moins qualifiés
Toutefois, le “choc de compétitivité" – tant annoncé avant même publication du rapport – passe également par quelques réorientations des politiques de formation professionnelle continue. À ce titre, le texte suggère un développement accru des formations qualifiantes et diplômantes ou celles donnant lieu à des validations des acquis de l'expérience (VAE). Un développement que Louis Gallois présente comme “allant à contre-courant d'une évolution historique vers le raccourcissement des périodes de formation". Reprochant aux formations actuelles d'être “de plus en plus focalisées sur l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de moins en moins sur le développement de leurs capacités", le commissaire général à l'investissement plaide pour la création d'un “compte individuel de formation" (une promesse récurrente des candidats – dont François Hollande – durant la campagne présidentielle) crédité soit au début de la vie active, soit chaque année. Compte qui serait attaché à la personne et non à son statut dans l'entreprise, et dont les partenaires sociaux seraient amenés à discuter des modalités.
Quant au second grand axe en matière de formation continue, il passe par un renforcement de l'effort de formation vers les salariés les moins qualifiés, travaillant souvent dans les PME. Selon les termes du rapport, Régions et partenaires sociaux “pourraient jouer un rôle plus actif pour faciliter et organiser ces formations en relation avec les organismes collecteurs".
“Une approche responsable du dialogue social"
Les partenaires sociaux, justement. Pour le Medef, les négociations en cours relatives à la sécurisation de l'emploi constituent “un cadre approprié pour parvenir à une approche responsable du dialogue social entre entreprises et salariés, dans un cadre permettant d'allier flexibilité et adaptation des entreprises avec une meilleure sécurisation des parcours professionnels". L'UPA, de son côté, affirme être prête “à soutenir toute mesure visant à développer les formations en alternance, sachant qu'elles donnent aux plus jeunes des chances d'accéder durablement et rapidement à l'emploi". Côté syndicats, la CFE-CGC estime que “le choc de confiance mis en avant par le commissaire général à l'investissement doit mobiliser l'ensemble du monde de la formation initiale et continue pour doter chacun des atouts pour trouver ou conserver un emploi".
Demeure cependant à connaître l'avenir des préconisations de ce rapport que d'aucuns jugent déjà mort-né…
Benjamin d'Alguerre
Suite au rapport Gallois, le gouvernement a présenté un “Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi". Plusieurs mesures ont été annoncées, afin d'“offrir aux jeunes et aux salariés des formations tournées vers l'emploi et l'avenir". En effet, précise le document, dans la société de la connaissance, caractérisée par de profondes et rapides mutations économiques et technologiques, la compétitivité de la France est plus que jamais liée à l'efficacité de son système de formation, d'enseignement supérieur et de recherche. Laquelle repose essentiellement sur sa capacité à anticiper les besoins de qualification de ses entreprises, et sur le rôle de la recherche dans la chaîne de l'innovation.
Un nouveau service public de l'orientation
Pour ce faire, le gouvernement entend “assurer une évaluation permanente de l'adaptation de l'offre des formations aux besoins de compétences des employeurs". Il a annoncé la mise en place, dès 2013, d'un nouveau service public de l'orientation, du secondaire au supérieur, fondé sur une approche “métiers-qualifications", “pour éviter qu'au sein d'une même classe de qualifications, les taux de chômage varient de plus de dix points".
Ce service est appelé à se substituer au service public de l'orientation mis en place à la suite de la loi du 24 novembre 2009. Car, selon le gouvernement, le système actuel d'information et d'orientation est “très éclaté, peu coordonné et ne permet ni de réduire les inégalités au sein du système éducatif, ni de répondre aux enjeux de l'emploi et de la qualification".
Dix “plateformes territoriales d'appui aux mutations"
Afin de “faciliter l'adaptation des compétences dans les bassins en transition", dix plateformes territoriales d'appui aux mutations seront créées en 2013. Elles auront pour vocation de “mobiliser les principaux acteurs dans des bassins où les enjeux pour l'emploi et le développement économique sont particulièrement prégnants, afin de répondre aux besoins en ressources humaines des TPE et PME". Elles constitueront des guichets uniques pour les entreprises voulant faire évoluer leurs ressources humaines, rassemblant sur un même territoire l'ensemble des acteurs de la formation et de l'emploi.
Pour mieux identifier les besoins en compétences, actuels et à venir, des entreprises et anticiper les mutations économiques et leurs conséquences, le gouvernement entend systématiser la présence de celles-ci au sein des instances de gouvernance des structures de l'enseignement technique et professionnel. Cette mesure permettra d'avoir une vision plus prospective, de préparer aujourd'hui les compétences de demain et de disposer d'une offre de formation qui favorise l'accès à l'emploi. Car, précise le document gouvernemental, “si de nombreux travaux existent déjà, ils restent insuffisamment croisés entre eux et limités dans leurs effets opérationnels".
L'objectif de “500 000 apprentis en 2017"
Le gouvernement entend développer l'apprentissage dans les PME, avec l'objectif de 500 000 apprentis en 2017. Pour développer la compétitivité de ces entreprises, un effort particulier sera fait pour inciter à des embauches de jeunes sur des formations de haut niveau (niveaux II et I) dans des métiers techniques pointus (ingénieurs par exemple, notamment sur le registre de la qualité). Il incitera ces entreprises à embaucher des apprentis sur des formations techniques de niveaux II et I.
Le gouvernement demande aux partenaires sociaux de contribuer à faire émerger des résultats rapides et ambitieux dans les négociations sur la sécurisation de l'emploi. Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) se verra confier l'élaboration des modalités de mise en place d'un compte individuel de formation attaché à la personne et non au statut. Et l'enjeu de la formation liée à l'accompagnement des mutations économiques s'inscrit désormais dans le cadre de la négociation de la nouvelle convention 2013-2015 entre l'État et le FPSPP.
Enfin, selon le gouvernement, le développement des échanges internationaux constitue un “levier de la compétitivité". Il suppose une évolution rapide des compétences et des qualifications des élèves, des étudiants et des salariés, à travers l'ouverture internationale des établissements de formation français et le développement des mobilités internationales. À travers le programme “Mobilité internationale 2020", le gouvernement entend doubler en cinq ans le nombre d'étudiants français à l'étranger à tous les niveaux de formation, en ciblant les filières professionnelles et technologiques. Ce programme s'appuiera sur la “dynamique d'appui aux mobilités" des programmes Leonardo, Erasmus, Euroapprenticeship et Agefa-mobilité.
Knock Billy