Onlines, multi-joueurs ou en 3D, les serious games de KTM Advance négocient leur “virage numérique"
Pour sa cinquième convention annuelle, qui se tenait le 20 septembre dernier, le concepteur et éditeur de serious games KTM Advance avait délaissé la traditionnelle Cité des sciences de la Villette, pour lui substituer le Centquatre, à Belleville, un espace jugé davantage propice à la tenue d'une demi-douzaine d'ateliers thématiques autour d'un thème central : le virage numérique.
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 octobre 2012.
“Virage numérique." L'expression apparaît pour le moins polysémique − elle était déjà utilisée au milieu des années 1990 pour désigner le phénomène de démocratisation d'internet − mais, pour Yves Dambach, PDG de KTM Advance, elle traduit l'idée de “dispositifs de e-pédagogie hybrides visant à se substituer aux modèles blended". Explication ? “Les systèmes de blended learning juxtaposent plusieurs façons de former. Classiquement, le recours à un serious game est conditionné à une formation complémentaire présentielle ou e-learning. A contrario, les dispositifs hybrides intègrent l'ensemble de ces éléments au sein d'une unique plateforme permettant de modulariser au maximum chaque contenu de formation pour adapter sa pédagogie à chaque apprenant."
Massively multiplayer online serious games
Des serious games connectés (donc accessibles via internet) à la fois participatifs et personnalisés. Un concept qui rappelle furieusement celui des MMOG (massively multiplayer online games ou jeux en ligne massivement multijoueurs) bien connus des gamers traditionnels (World of Warcraft, Star Wars Galaxy Online, etc.), mais aussi, plus récemment, des utilisateurs lambda de Facebook (Sims Social, CastleVille, etc.). “Les plateformes collaboratives utilisées pour ces jeux sont parfaitement adaptées à la diffusion de contenus pédagogiques ludiques multijoueurs de type social-gaming et représentent une évolution certaine dans l'offre de serious game", explique Vivien Chazel, concepteur de jeux au sein de KTM Advance. Son équipe a d'ailleurs participé, en trois mois, à la conception de Forward 50, un serious game présenté au Sommet de la Terre 2012. L'objectif ? Permettre aux joueurs de faire collectivement évoluer une réplique virtuelle de Rio de Janeiro, en tenant compte des répercussions qu'auront leurs décisions en termes d'urbanisme et de pollution. À l'occasion du Sommet, près de 10 000 personnes ont pu s'y connecter. Depuis, l'éditeur a commercialisé ce jeu et travaille sur de nouvelles déclinaisons possibles. “Les thèmes présents dans Forward 50 peuvent se voir adaptés pour des projets d'urbanisation à très grande échelle, indique Yves Dambach. Bien conçus, en tant compte d'un maximum de paramètres et des conséquences des choix des joueurs, ces jeux constituent des outils projectifs particulièrement adaptés aux formations en urbanisme ou en gestion de l'environnement."
3D pour cols bleus
Autre évolution issue du cinéma et du jeu vidéo traditionnel, la 3D s'est également frayée un chemin jusqu'aux tables de travail des concepteurs de serious games. Sébastien Beck, ex-PDG de Daesign (voir L'Inffo n° 782 et 787) a rejoint, cette année, le staff d'Yves Dambach au poste − nouvellement créé − de directeur du département KTM 3D Simulation, apportant avec lui son savoir-faire d'ancien concepteur de simulateurs de vol en matière de modélisation en trois dimensions [ 1 ]Il n'est d'ailleurs pas le seul transfuge venu rejoindre l'équipe KTM Advance, puisque Michel de Koubé, ancien directeur du service formation de Nissan (qui était intervenu à la convention 2011 de l'éditeur en tant que client, cf L'Inffo n° 799) a, lui aussi, intégré l'entreprise d'Yves Dambach, en charge de l'offre éditoriale des formations métiers..
En témoignent deux jeux, réservés au secteur industriel visant à apprendre aux “cols bleus" de chez Renault la pose, l'entretien et la réparation d'un moteur. Et si, au cinéma, la 3D est de plus en plus considérée comme un gadget pénible, Yves Dambach se défend d'avoir voulu surfer sur une mode. “Le e-learning, en général, s'adresse aux salariés du secteur tertiaire. Mais les industriels expriment le besoin de personnels techniques de mieux en mieux formés. Aussi, dans le cadre de budgets formation réduits leur refusant le recours à des ateliers en dur où leurs ouvriers seraient susceptibles de se former sur d'authentiques machines, le recours à des serious games en trois dimensions et en temps réel capables de simuler des gestes techniques, se révèle en adéquation avec leurs besoins." Des simulateurs rendus d'autant plus réalistes que les nouvelles technologies permettent de les doter de commandes de “retour d'effort" simulant des vibrations ou la résistance d'un corps à la poussée. L'industrie, nouvel Eldorado du serious game ? Dans un contexte de redressement productif, Yves Dambach veut y croire et espère que sa société puisse faire office d'exemple à suivre par d'autres éditeurs.
Why so serious ?
Mais à trop piocher dans la boîte à outils des jeux vidéos traditionnels (recours à la 3D, au massivement multijoueurs, à des casques de réalité virtuelle, voire, dans un avenir proche, au motion-gaming, etc.), la tentation d'en “mettre plein la vue" aux clients pour démontrer une certaine forme de supériorité technologique ne risque-t-elle pas de nuire à l'aspect purement pédagogique de l'exercice ? “Les systèmes de formation e-learning évoluent et plus une simulation est réalité, mieux c'est", répond Yves Dambach. Mais il se veut inflexible sur le plan pédagogique : “Que des salariés en formation s'amusent grâce à nos jeux, tant mieux. Mais le seul plaisir que nous souhaitons leur accorder, c'est le plaisir d'apprendre et rien d'autre. Au contraire, nous expurgeons systématiquement de nos jeux tous les aspects de « fun pour le fun ». De toutes façons, les entreprises consommatrices de ces jeux sont de plus en plus exigeantes en la matière : lorsqu'elles mobilisent leur salariés trois heures sur un serious games, c'est pour qu'ils pratiquent des exercices pédagogiques. Nous faisons tout pour tenir ces salariés en haleine devant leurs ordinateurs, c'est vrai, mais uniquement pour qu'ils se forment."
Notes
1. | ↑ | Il n'est d'ailleurs pas le seul transfuge venu rejoindre l'équipe KTM Advance, puisque Michel de Koubé, ancien directeur du service formation de Nissan (qui était intervenu à la convention 2011 de l'éditeur en tant que client, cf L'Inffo n° 799) a, lui aussi, intégré l'entreprise d'Yves Dambach, en charge de l'offre éditoriale des formations métiers. |