UFÉO - L'éducation et la formation, “au cœur du développement humain"

Par - Le 16 novembre 2012.

Cette année, le comité scientifique et les organisateurs de l'Université de la formation, de l'éducation et de l'orientation (Uféo) ont souhaité orienter leurs travaux vers les concepts de développement humain, de “capabilité" et d'“économie du bien-être". L'ambition assignée à la dix-huitième édition, qui s'est tenue les 22 et 23 octobre à Artigues-près-Bordeaux, était donc de “sortir du cadre strict des politiques publiques en matière d'éducation, formation et orientation pour appréhender ces trois domaines sous un angle général, c'est-à-dire à la fois plus philosophique et anthropologique", comme l'a annoncé Thierry Berthet, directeur de recherche CNRS au Centre Émile-Durkheim, président du conseil scientifique et d'orientation d'Aquitaine Cap métiers et président du comité scientifique de l'Uféo.
Mais, l'éducation et la formation sont-elles le cœur (ou au cœur) du développement humain ? Pour les experts dans ces domaines (enseignants-chercheurs, praticiens, etc.), la question ne se pose vraiment plus. Mais comment tirer partie des pratiques dans certains pays pour faire avancer la réflexion et les actions ? Tel était l'objectif de l'une des tables-rondes organisées le 22 octobre, au cours desquelles les chercheurs ont présenté les pratiques en cours dans leur pays.

En Suisse, la “capabilité"

Ainsi, Jean-Michel Bonvin, sociologue, chercheur en sciences politiques à l'Université de Lausanne et spécialiste des théories d'Amathya Kumar Sen [ 1 ]Économiste indien, prix Nobel d'économie en 1998. , a expliqué que les autorités suisses avaient mis en place des programmes visant à développer la “capabilité" des demandeurs d'emploi et “cette liberté de choisir la vie qu'ils désirent", en relation avec des “valeurs de vie". Ce, pour les amener à s'inscrire ou non dans une démarche volontariste de formation. Pour Michel Théry, ancien directeur du Céreq, cette théorie de la “capabilité" répond à celle de la “justice" de John Rawls, “qui définit ce que sont les institutions justes" pour articuler rationnellement liberté individuelle et solidarité sociale. Selon lui, le consensus actuel autour de la création d'un “compte individuel de formation", comme celle du droit individuel à la formation, participerait de cette démarche. “Ce qui compte, c'est la façon dont la question de l'accès à la formation est abordée. La création des droits individuels s'inscrit dans la théorie néolibérale d'équiper les publics pour répondre au marché", a indiqué Michel Théry. Il faut donc construire des dispositifs auxquels les publics participent activement. Dans des institutions disposant de “facteurs sociaux de convergence" nécessaires, les publics auront les occasions de s'exprimer. Pour l'ancien responsable du Céreq, ces éléments capitaux “sont souvent ignorés, à la création des droits individuels".

En Belgique, l'“État social actif"

Bernard Conter, chercheur à l'Institut wallon de l'évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), a présenté le cas de la province de la Wallonie, où l'“État social", perçu comme “coûteux et inefficace", s'est engagé à investir, non plus dans la simple indemnisation des publics sans emploi, mais dans des “politiques d'activation" (accompagnement, orientation et formation) de nature à changer leur comportement. D'autres actions visent à responsabiliser davantage les individus dans leur choix professionnels et de formation en vue d'anticiper les situations économiques et sociales. En somme, d'“inscrire l'individu dans une logique permanente d'employabilité".

En Afrique subsaharienne, le “développement humain"

Stéphane Brunel, directeur adjoint de l'IUFM d'Aquitaine, maître de conférences à l'Université Montesquieu, de Bordeaux, est également convaincu que l'éducation et la formation sont le cœur du développement humain. Évoquant des projets d'accompagnement des systèmes de formation des formateurs en Afrique subsaharienne (Gabon, Mali, Sénégal, etc.), il a déploré l'inadéquation entre les moyens techniques proposés (internet à très haut débit, modules de formation à distance d'excellente qualité, etc.), les efforts des acteurs (volonté d'implication, recherche d'amélioration de l'efficacité du système, etc.) et les réalités de développement dans ces pays (insalubrité, absence d'infrastructures, instabilité politique, corruption, etc.). La question étant aussi de savoir comment déployer efficacement des technologies modernes d'apprentissage dans des sociétés où le système de développement est majoritairement basé sur l'informel. Lui, qui aide actuellement à l'implantation au Gabon d'un IUT, se demande comment faire en sorte que, très concrètement, les efforts en matière d'éducation et de formation puisse participer efficacement au développement. Dommage qu'aucun des spécialistes africains invités n'ait fait le déplacement de Bordeaux pour témoigner des actions en cours dans leur pays respectif. Jean Sylvain Bekale Nze, directeur général honoraire de l'École normale supérieure de l'enseignement technique (Enset) de Libreville (Gabon) et président du Réseau africain des institutions de formation des formateurs de l'enseignement technique (Raiffet), devait expliquer à ses partenaires comment son réseau travaille à la construction d'“une vraie dimension stratégique pour la formation dans toute l'Afrique subsaharienne". Fouad Chafiqi, du ministère de l'Éducation nationale du Maroc, devait pour sa part exposer le rôle joué par l'éducation et la formation dans le développement humain du royaume chérifien en plein essor économique.
Finalement, Michel Théry a exprimé le vœu que “la formation fasse de nous tous et de nos enfants non pas seulement d'excellents citoyens mais aussi des producteurs de bien-être et de richesse".

Notes   [ + ]

1. Économiste indien, prix Nobel d'économie en 1998.