Acte III de la décentralisation : les principales dispositions “orientation-formation"
Par Béatrice Delamer - Le 16 mars 2013.
Le projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique sera présenté en conseil des ministres le 10 avril. Ce texte, qui vient d'être transmis au Conseil d'État, a été également examiné pour avis par le CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie) réuni en séance plénière ce 18 mars. Voici ses principales dispositions en matière de formation professionnelle, d'orientation et d'apprentissage.
Les articles relatifs à ces thèmes sont principalement contenus dans le chapitre II du titre Ier du projet de loi. Ainsi, les articles 15 à 22 “déterminent les compétences de la Région en matière de formation professionnelle dans le cadre du service public régional de la formation professionnelle qu'elle organise et finance, et réforment les
instances nationales et locales de gouvernances des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle".
Élargissement des publics pris en charge par les Régions
La Région sera désormais compétente vis-à-vis de tous les publics, y compris ceux qui relevaient jusqu'à présent de la compétence de l'État (Français établis hors de France, Français résidant dans les départements d'outre-mer, personnes placées sous main de justice, personnes handicapées). Elle sera également compétente vis-à-vis des personnes ayant quitté le système scolaire pour organiser les actions de lutte contre l'illettrisme et les formations permettant l'acquisition des compétences - clés, en complément de la politique nationale de lutte contre l'illettrisme conduite par l'État.
Enfin, elle sera chargée de l'accompagnement des candidats à la validation des acquis de l'expérience.
La Région coordonnera l'achat public de formations pour son compte et pour le compte de Pôle emploi, et offrira aux Départements qui le souhaitent la possibilité d'effectuer l'achat public de formation.
Commande publique
Le projet de loi prévoit que la Région acquière la possibilité, dans le respect des règles de la commande publique, d'habiliter des organismes pour la mise en oeuvre d'actions de formation en direction de publics en difficulté (jeunes et adultes rencontrant des difficultés particulières d'apprentissage ou d'insertion). “Un décret en Conseil d'État [définira] la procédure d'octroi de cette habilitation", est-il précisé. Par ailleurs, “un droit d'option [sera] ouvert aux Régions intéressées en vue d'une dévolution par l'État du patrimoine immobilier
utilisé par l'Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes) dans le cadre de son activité". Sont également prévues des prérogatives supplémentaires en matière de formations sanitaires. Le texte dispose que les Régions seront chargées de proposer à l'État le nombre d'étudiants ou d'élèves à admettre en première année pour une formation donnée. De même, en matière de formations sociales, leur reviendra la charge de l'agrément des établissements dispensant ces formations.
Gouvernance
Le texte insiste sur la nécessité de lier les politiques de la formation professionnelle à celles de l'orientation. Ainsi, il simplifie la procédure consultative d'adoption du CPRDFP, qui deviendra “CPRDOFP" (contrat de plan regional de développement de l'orientation et des formations professionnelles).
Celui-ci sera adopté au sein d'un CCREFP (Comité de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle) enrichi : le
“CCREOFP" (Comité de coordination régionale de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle), “sur la base des documents d'orientation présentés par le président du Conseil régional, le représentant de l'État dans la région, les autorités académiques et les organisations d'employeurs et de salariés". Le comité procèdera à une concertation avec les collectivités territoriales concernées, Pôle emploi, les organismes consulaires et des représentants d'organismes de formation professionnelle, notamment l'Afpa.
Le CPRDOFP sera présidé par le président du Conseil régional et le représentant de l'État en région. Ils signeront chaque année une convention régionale de coordination de l'emploi, de l'orientation et de la formation avec Pôle emploi et les Missions locales pour programmer les actions à mener.
Au niveau national, le projet de loi prévoit la fusion du CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie) et du CNE (Conseil national de l'emploi), réunis en un “CNEOFP", doté de compétences élargies à des missions d'avis, d'évaluation, d'animation du débat aux domaines de l'orientation et de l'emploi. Il sera notamment chargé d'assurer le suivi des travaux du CCREOFP et d'émettre un avis sur les CPRDOFP. Ses missions devront être précisées par décret du Conseil d'État.
Apprentissage
Les compétences de la Région seront également élargies en matière d'apprentissage. La Région pourra désormais élaborer des contrats d'objectifs et de moyens avec les autorités académiques, les organismes consulaires et les organisations représentatives d'employeurs et de salariés.
L'article 23 “procède à une décentralisation complète des centres de formation d'apprentis [pour les centres à recrutement national], la Région se voyant investie d'une compétence exclusive en la matière". En outre, il sera renvoyé “autant que possible" au pouvoir réglementaire local pour la fixation des règles autres que législatives régissant la création de ces centres. L'article 24 fixe les conditions de renouvellement par la Région des conventions conclues par l'État antérieurement.
Service public de l'orientation
Les articles 25 et 26 donnent compétence aux Régions pour coordonner et animer le service public de l'orientation et précisent les compétences de l'État et des Régions. L'État définira ainsi au niveau national la politique d'orientation et la Région en assurera la mise en œuvre hors des établissements scolaires, dans le cadre des Centres d'information et d'orientation. Ceux-ci feront l'objet d'une convention de mise à disposition conclue entre l'État et la Région.
Fonds européens
L'article 4 (chapitre Ier) du projet de loi prévoit de confier aux Régions, “voire de déléguer aux Départements pour le FSE", la gestion des programmes opérationnels de mise en
œuvre régionale.
Aurélie Gerlach
UNE PLACE RESTREINTE POUR LES PARTENAIRES SOCIAUX ?
28 voix pour (essentiellement celles de l'État et des Régions), 27 contre (celles, en majorité, des partenaires sociaux) et 7 abstentions. _ Le projet de loi de décentralisation, soumis le 18 mars pour avis au
CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie), réuni en séance plénière, n'a reçu un avis favorable que d'extrême justesse.
Syndicat et patronat dénoncent notamment le flou qui règne quant au rôle des partenaires sociaux dans la nouvelle organisation décentralisée. Marie-Andrée Séguin, secrétaire nationale de la CFDT, note, dans le projet de loi, des “formules inacceptables", “faisant des opérateurs paritaires ou assimilés des partenaires directs de la Région, en lieu et place des partenaires sociaux". Pour elle, le texte aboutit “à ce que les Régions risquent de devenir dorénavant, sur tous les sujets de formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'orientation, les seuls décideurs des politiques à mener ! Seule contrainte pour elles, obtenir que les opérateurs soient associés au minimum, pour obtenir leurs financements". Dès lors, “la qualité de la démocratie sociale ne reposera que sur la bonne volonté des acteurs, et non sur leur légitimité et leur représentativité".
“Nous ne voulons pas être noyés dans la masse", renchérit Jean-Pierre Therry, secrétaire confédéral adjoint en charge des affaires de formation au sein de la CFTC. “À lire le texte, le CCREOFP nous fait penser à un Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional), à une assemblée consultative. Or, les partenaires sociaux ont un vrai rôle à jouer et nous ne voulons pas être uniquement des payeurs !"
Côté organismes de formation, mêmes inquiétudes : “Le projet manque de précision et il faut le retravailler. Nous avons voté contre, car si les Régions sont chefs de file, il ne faut pas qu'elles soient les seules décisionnaires : les entreprises de formation veulent pouvoir se faire entendre", souligne Emmanuelle Pérès, déléguée générale de a Fédération de la formation professionnelle. Gérard Cherpion, député UMP des Vosges, s'est abstenu. “Je suis favorable
à la régionalisation, mais je pense qu'il est nécessaire de flécher clairement les fonds transférés aux Régions, ce que le texte ne fait pas. Or, le risque, c'est que certaines Régions ne fassent plus rien pour la formation professionnelle."
Aurélie Gerlach et Béatrice Delamer