Entretien avec Charles Fournier, président de l'Association nationale des Carif-Oref (Il est par ailleurs conseiller régional du Centre (EELV) et préside le Gip Alpha Centre. Il a été nommé président de l'Association le 5 juin dernier.)

Par - Le 01 septembre 2013.

“Je porte l'ambition d'inscrire les Carif-Oref dans la loi"

Les rencontres interrégionales des Carif-Oref se tiendront
les 18, 19 et 20 septembre prochains à Ajaccio. Comment s'annoncent-elles ?


Nous avons un programme très chargé pour ces rencontres organisées, pour la première fois, en Corse. C'est un rendez vous important pour notre réseau, qui existait avant la création de notre Association nationale des Carif-Oref, car nous ne nous voyons pas très souvent à ce niveau-là. C'est le seul moment où tous les salariés des Carif-Oref, potentiellement 600 personnes, et les administrateurs peuvent échanger en dehors des groupes thématiques qui, eux, fonctionnent toute l'année. À côté des ateliers, les deux tables rondes où interviendront de nombreuses personnalités permettront de questionner ce qui est en train de se passer dans le monde de la formation et d'envisager la place des Carif-Oref dans ce paysage.

La première table ronde est consacrée à la nouvelle gouvernance territoriale de l'emploi et de la formation professionnelle et à la place
des Carif-Oref…


Nous allons d'abord parler du financement des Carif-Oref. Actuellement, le plus souvent, ils le sont de façon paritaire, État-Région, ce qui convient dans la répartition des compétences telle qu'elle est aujourd'hui, chacun y trouvant son compte. Mais des questions se posent quant à leur financement à venir, au regard de la réforme de la formation professionnelle et de l'“acte III de la décentralisation". Les Régions vont jouer un rôle de chef de file. Est-ce à dire que l'État va se désengager ? Beaucoup de Carif-Oref s'appuient sur le Fonds social européen (FSE), or, nous arrivons en fin de programmation des fonds structurels 2007-2014 : les activités des Carif-Oref pourront-elles à l'avenir prétendre à ces fonds ? D'autre part, le financement des Carif-Oref repose sur les contrats de projet État-Région : actuellement, on ne sait pas de quoi ils seront faits ni quand ils seront effectifs. Cela fait beaucoup d'incertitudes.

Des garanties financières seront-elles suffisantes ?

Du financement découle la pérennité des Carif-Oref. Nous existons depuis une vingtaine d'années et bien que reconnus, nous sommes dans une insécurité juridique. Une situation que j'ai connue en tant que président d'un Gip (groupement d'intérêt public) [ 1 ]Le Gip Alpha Centre, qui ne s'est résolue qu'avec la loi Warsmann [ 2 ]La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. qui a pérennisé les GIP qui n'existaient que pour une durée déterminée. Les activités des Carif-Oref font l'objet d'une circulaire [ 3 ]Circulaire DGEFP 2011-20 du 25 juillet 2011 relative à la mise en œuvre du pilotage des Carif-Oref., ce qui a moins de portée qu'une loi et un décret. C'est une revendication qui n'a pas encore été portée et mon ambition est de nous faire inscrire dans la loi en tant que lieu d'échanges et de concertation, outil d'aide à la décision et à la prospective sur ce qui concerne la formation professionnelle. La réforme de la formation serait une bonne occasion d'y parvenir.

La deuxième table ronde doit aborder
la sécurisation des parcours
et le service public de l'orientation.


Nous reviendrons sur la labellisation des lieux d'information sur l'orientation, qui n'a apporté qu'une faible plus-value. Nous pensons que nous pouvons apporter notre expertise et que nous avons un rôle fort à jouer dans le futur service public de l'orientation, du fait de notre proximité. Notre réseau est capable de faire des propositions en ce qui concerne l'information, mais aussi l'anticipation des mutations économiques au travers des Oref. Une des visions de la formation professionnelle est d'être à la traîne de l'économie. Or c'est un levier et l'anticipation des besoins. Il y sera aussi question du système national d'information. Il y a un accord général sur la nécessité d'un portail national. Maintenant, il faut envisager les conditions de mise en oeuvre. Nous avons eu cette mission pendant vingt ans et notre offre d'information est une forte contribution à ce qui est en train de se mettre en place : nous voudrions une place à la gouvernance.

Pourquoi l'association du réseau des Carif-Oref vous a-t-elle nommé
à titre transitoire seulement ?


À la création de l'association nationale du réseau des Carif-Oref (RCO) [ 4 ]Le 14 décembre 2011., le choix avait été de nommer comme président une personnalité nationale, qui soit connue et reconnue du monde de la formation, qui ait de l'entregent et puisse être une “locomotive". Ce que fut Vincent Merle [ 5 ]Vincent Merle est décédé le 24 avril 2013.. Nous avons décidé de nous donner le temps, jusqu'à notre prochaine assemblée générale d'octobre, de vérifier que le sillon qu'il a tracé est suffisant et qu'il n'y a plus besoin d'une personnalité pour nous faire connaître. La question est moins cruciale qu'alors.

Comment fonctionne l'association actuellement ?

Nous avons depuis mis en place une gouvernance plus rapprochée et collégiale. Le bureau, qui ne se réunissait pas, le fait dorénavant régulièrement. On y retrouve une composition semblable à celle que l'on trouve à la tête des Carif : je suis président du Gip Alfa Centre, le trésorier, Hervé Belmont est directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour la Corse, et le secrétaire est Mario Barsamian (CFDT), en tant que représentant des partenaires sociaux. Le
bureau collabore étroitement avec le groupe de coordination des directeurs de Carif-Oref (GCD). Pour l'avenir, nous pourrions envisager une vice-présidence, auquel cas il faudrait envisager la complémentarité de cette personne au sein du bureau ou du CA.

Quelles missions voulez-vous donner
à RCO ?


Je m'inscrirai dans ce qui a été rapidement et bien construit par Vincent Merle. La première ambition de l'association était technique : la mission de mutualisation des travaux avait besoin d'un cadre juridique. Il y avait des enjeux autour de la loi de novembre 2009, nous devons maintenant nous inscrire dans ceux de la prochaine réforme de la formation et de la loi de la décentralisation. Nous avons acquis un savoir faire, nous produisons de l'analyse et sommes sollicités, à commencer par l'État. C'est un signe. Nous avons conclu plusieurs conventions de partenariat, notamment avec Pôle emploi ou avec l'Anfa (Opca des services de l'automobile), qui nous donnent l'occasion de donner une portée nationale à ce que nous faisons déjà au niveau régional. Prochainement, lors des rencontres interrégionales de septembre à Ajaccio, nous signerons un accord avec le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV). Nous n'avons pas d'objectifs chiffrés à atteindre. Il s'agit essentiellement de s'inviter, réciproquement, à participer aux travaux de nos deux organismes.

Lors des rencontres d'Ajaccio,
vous allez lancer le site internet
de votre association, en quoi différera-t-il de celui qui existe déjà ?


Il concrétise l'évolution de notre association. L'InterCarif était un réseau professionnel sans représentation politique. En créant RCO, nous avons voulu donner plus d'importance à cet aspect. La présidence est assurée par un administrateur, pas un directeur de Carif. Les rencontres en Corse vont officiellement marquer cette identité.

Propos recueillis par Béatrice Delamer

Notes   [ + ]

1. Le Gip Alpha Centre
2. La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
3. Circulaire DGEFP 2011-20 du 25 juillet 2011 relative à la mise en œuvre du pilotage des Carif-Oref.
4. Le 14 décembre 2011.
5. Vincent Merle est décédé le 24 avril 2013.