Fongecif Île-de-France, côté cour et côté jardin

Par - Le 16 juillet 2013.

Le Fongecif Île-de-France a trente ans. Cette maturité rime avec
environ 230 millions d'euros de collecte nette annuelle,
500 visiteurs par jour et 15 000 bénéficiaires de prises en charge
l'année dernière. À l'occasion de cet anniversaire, nous sommes
allés à la rencontre de ce public, de ses conseillers et de ceux
qui travaillent dans les coulisses et forment une équipe de
150 professionnels.

Dix heures, les portes s'ouvrent.
Dans les locaux du boulevard
Saint-Martin, à deux pas de la
place de la République, une
quinzaine de personnes sont déjà
en rang. Certaines portent de gros dossiers
sous le bras. Elles se rendent dans
l'établissement situé au coeur de Paris
avec des projets de formation plus ou
moins aboutis ou des questions sur
les conséquences du temps passé en
dehors de l'entreprise pour se former,
ou sur la prise en charge de leur financement.

Deux d'entre elles discutent,
en attendant. La première, employée
dans une PME de maçonnerie souhaite
“franchir le pas" et monter une entreprise
dans le même secteur. La seconde,
commerciale, n'a pas vraiment de projet
arrêté. En poste depuis dix ans dans
une grande enseigne de vêtements, elle
voudrait pourtant “faire une formation
pour évoluer".

Le quotidien des conseillers

La première étape consiste à analyser
le besoin de toutes les personnes qui
ont franchi la porte, dans un lieu agrémenté
par les plantes vertes, les baies
vitrées et des espaces ouverts propices
à la création d'un milieu convivial.
Souriants, les conseillers, rodés à cet
exercice, accueillent et orientent rapidement
les salariés. Ce pré-diagnostic
peut s'accompagner de réunions
d'information collectives qui ont pour
objet de préciser au salarié le contexte
dans lequel sa formation peut être faite.
Un numéro leur est attribué : leur
dossier dématérialisé est déjà ouvert et
les suivra jusqu'à la fin du processus.
À ce stade, le visiteur est prêt à être
accompagné pour la deuxième étape,
c'est-à-dire la construction du projet
professionnel. Les conseillers sont
habitués aux différents profils : certains
salariés ont déjà conçu leur
plan avec l'aide de documentalistes,
comme Raphaël, la quarantaine, qui
travaille dans un magasin de vente de
livres et de CD et rêve de passer à un
“métier dans l'énergie". Selon l'avancée
du projet et le profil du salarié, le
conseiller l'oriente vers un face-à-face
personnalisé de trois quarts d'heure
en moyenne avec un autre agent (on
compte environ 70 000 rendez-vous
annuels) ou à une réunion collective
qui peut durer deux heures trente. Par
exemple, l'atelier “lettre de motivation"
aide à structurer les arguments que le
salarié va mettre en avant pour monter
son projet. Toutes les questions qui se
posent encore vont être balayées ; les
conseillers prennent tout le
temps nécessaire pour que le
candidat puisse, à ce stade, évaluer
la faisabilité de son projet
professionnel.

La notion de “plan alternatif", à chaque étape

Troisième étape : le choix de
la formation. S'il est encore
présent aux côtés du salarié,
le conseiller a pour seul objectif
de l'éclairer sur le parcours,
de l'aider à chercher les offres
disponibles. Pourtant, tous les
conseillers restent préoccupés
par le risque de rejet du dossier
et il est nécessaire de sensibiliser
les candidats à la formation
à un indispensable “plan alternatif"
(choix d'une autre formation ou d'un
autre dispositif, information sur les
opportunités d'emplois via les études
réalisées en temps réel au Fongecif Îlede-
France…). À ce moment, certains
rêves s'écroulent, en particulier si les
salariés se projettent dans une formation
sans réelle perspective d'employabilité.
C'est également à ce stade que
le salarié peut prendre conscience des
implications d'une formation sur son
quotidien et sur son avenir, en particulier
s'il se dirige vers un apprentissage
très éloigné de son actuelle vie professionnelle.
Le conseiller doit pouvoir
préconiser d'autres stratégies pour évoluer.
Le bilan de compétences reste une
valeur sûre pour structurer un choix.
Lorsque le salarié a fait son choix de
formation, il doit s'atteler à la demande
de financement (quatrième étape). Les
conseillers qui l'aident à ne pas oublier
une pièce essentielle pour le dépôt de
son dossier sont également sollicités
par les employeurs et les organismes de
formation.

Il reste encore au salarié à déposer son
dossier, qui sera examiné en commission
paritaire. Si la réponse est favorable,
la cinquième étape sera mise en
oeuvre : celle du suivi administratif par
un référent du centre du boulevard
Saint-Martin, tandis que le candidat
sera en phase de formation.

Dans les étages, le dossier suit son parcours

Au rez-de-chaussée, le ballet incessant
des visiteurs, à différents moments de
leur projet, pourrait presque faire oublier
qu'à l'étage, les agents de la plateforme
téléphonique font également un travail
d'information. Quinze agents polyvalents
répondent à 800 à 1 000 appels
par jour en moyenne. 75 % de ceux ci
proviennent de salariés, employeurs
et organismes de formation (les autres
appels concernent le 3939 “Orientation
pour tous"). De début janvier à
mi-mars, les 10 appels quotidiens des
entreprises qui concernent le dispositif
“collecte", passent à 300. Mais ce sont
surtout les salariés qui s'informent. Avec
un grand classique : ils appellent depuis
le métro ou dans la rue. “Nous leur
indiquons qu'il serait plus agréable
pour eux de prendre le temps de nous
parler en étant tranquillement installés...",
souligne le responsable de la
plateforme téléphonique. Avec des saisonnalités
: “De septembre à janvier,
beaucoup de personnes se posent des
questions sur leur avenir professionnel,
alors qu'août, novembre et décembre
sont des mois plus creux..." En cas de
“débordement", c'est-à-dire d'un trop
grand nombre d'appels, une autre plateforme,
située non loin de Châteaudun
(Eure-et-Loir) − hors d'Île-de-France −,
prend le relais.

“Crédibilité, conformité, cohérence, opportunité"

Toujours dans les étages, le cheminement
du projet se fait en plusieurs
lieux stratégiques. Un service examine
chaque projet et en dresse une note
de synthèse à partir de quatre critères :
crédibilité (connaissance du métier et
confrontation du projet à la réalité),
conformité (reconversion et attentes
du salarié), cohérence (choix de la
formation la plus adaptée par rapport
au projet), opportunité (vision réaliste
du projet par rapport au marché
de l'emploi).

Il sert de document préparatoire à
l'étape suivante : l'instruction du dossier.
Dans une vaste salle de réunion,
une commission paritaire se réunit une
à deux fois par mois, avec un pic l'été,
qui peut conduire les partenaires
sociaux à se voir chaque semaine.
Tout se décide dans le secret des débats :
chaque dossier a entre 40 et 50 %
de chance d'être accepté. L'avenir professionnel
des candidats à la formation
se joue dans ces commissions paritaires.

Pour un dossier sur deux...

Le chemin des 50 % de dossiers
acceptés se poursuit dans le service
“gestion" où sont suspendus des dossiers
roses (pour les Cif-CDI), saumon
(VAE) ou rouges (Cif-CDD). Les dixhuit
agents du service gèrent chacun
en moyenne 1 100 dossiers “vivants"
(les projets à différents moments,
du premier au dernier décaissement).
Mais le dispositif ne pourrait pas exister
sans le service qui collecte auprès des
entreprises 277 millions d'euros brut,
soit de 231 à 214 millions d'euros net
chaque année, de février à fin mai. Une
collecte nette qui reste stable en dépit
de la crise de l'emploi. L'équipe de
vingt personnes est alors très active.
Plus tard dans l'année, elle surveille
les niveaux de contentieux (entre
3 000 et 4 000 courriers par an !)
et prépare la campagne de sensibilisation
pour l'année suivante, en gardant
un oeil vigilant sur l'évolution
législative. Son rêve ? Aller vers la
télédéclaration, à l'instar des services
fiscaux. Mais la dématérialisation
nécessite une vraie réforme qui se
met en place progressivement, dans la
mesure où les 70 % de PME ou TPE
qui abondent au fonds ne sont pas les
plus enclines à l'adoption de ce nouveau
système.
En trente ans, le Fongecif Île-de-France
a financé 250 000 projets, tous dispositifs
confondus. Ils étaient à peine 1 200
salariés à se renseigner en 1983. Ils sont
aujourd'hui 86 000 à oser franchir le pas.

LA CÉLÉBRATION

En trente ans, le Fongecif Île-de-France a multiplié par deux cents le nombre de reconversions
financées. Huit bénéficiaires sur dix sont employés ou ouvriers. “Des salariés souvent dotés
de faibles qualifications, et issus de TPE ou PME. Le Fongecif leur a souvent évité de passer
par le statut de demandeur d'emploi. Et un an après leur Cif, sept sur dix se trouvent dans
une situation plus favorable", a résumé Vincent Pigache, président (CFDT) du Fongecif, lors du
discours inaugural de la soirée institutionnelle d'anniversaire organisée par l'organisme dans
ses locaux parisiens, le 25 juin dernier. Au cours de la soirée, ont été attribués quatre trophées
à des bénéficiaires d'un Cif pris en charge : les trophées de la reconversion, de la création
d'entreprise, et de la VAE. Plus un prix spécial du jury. Des distinctions remises par Catherine
Beauvois, conseillère technique du ministre du Travail, Hélène Pauty-Sauret, directrice de la
formation au Conseil régional, Pierre Havet, président de l'ANDRH1 Île-de-France, et Jean-Marc
Germain, député PS des Hauts-de-Seine.

ANNIVERSAIRES EN SÉRIE

Depuis 1983, un million de projets
ont été financés. Aujourd'hui, ce sont
600 collaborateurs présents sur
26 régions de France qui reçoivent
chaque jour des salariés, les guident
dans la préparation de leur demande de
formation ou gèrent les financements.
Trois Fongecif ont fêté, de manière
différente, cet anniversaire. Celui du
Nord-Pas-de-Calais a été le premier,
avec notamment une table ronde
composée des partenaires sociaux,
un mois avant la conférence sociale.
En juin, les Fongecif de Languedoc-
Roussillon et d'Île-de-France ont
organisé trois journées qui ont permis
aux partenaires et contributeurs du
dispositif de les connaître davantage.