Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences… ou des ressources humaines ?

Par - Le 01 avril 2013.

“Après la loi et dans la crise, la GPEC a-t-elle encore un avenir ?" Les responsables de la chaire de recherche “Mutations, anticipations et innovations" de l'IAE de Paris [ 1 ]Institut d'administration des entreprises (Université Paris-I Panthéon-Sorbonne)., ont choisi un intitulé incitatif pour la journée d'études qu'ils ont organisée le 19 mars dernier.

Analyses.

Le 18 janvier 2005, la loi de cohésion sociale instaurait l'obligation, pour les entreprises, de négocier des accords GPEC avec les représentants des salariés paraissait au Journal officiel. Huit ans après, qu'en est-il de cette disposition visant à “armer le salarié individuellement pour lui proposer les ressources (information, orientation, formation, mobilité) de sorte qu'il se gère plus aisément sur les marchés interne et externe" ?

Dans les faits, cela fait plus de vingtcinq ans que le terme “GPEC" s'est imposé dans un vocabulaire entrepreneurial marqué par “la fin du
compromis social fordiste". Vingtcinq ans que la GPEC “n'intéresse les
entreprises et les salariés que lorsque les affaires marchent mal", comme l'a énoncé Frédérique Pigeyre, professeur à Paris Est-Créteil lors du séminaire de l'IAE Panthéon-Sorbonne, le 19 mars. Toujours mise de côté lors des embellies économiques, la GPEC ne ressortirait des cartons qu'à l'apparition de l'hypothèse d'un PSE à l'horizon social. Un point de vue confirmé par Anne Dietrich, maître de conférences en sciences de gestion et ressources humaines, à Lille, laquelle se souvient avoir entendu certains syndicalistes évoquer le terme de “GPE-PSE" peu avant la promulgation de la loi de cohésion sociale. Reste que pour la chercheuse lilloise, la GPEC a souvent été considérée, à tort ou à raison, comme un “simple dispositif de prévention, vidé de tout son substrat anticipatif".

“Plastique, mais flou"

Un outil parfois à ce point déconsidéré que, dans les entreprises, les services GPEC peuvent être physiquement déconnectés de leurs homologues des RH, comme l'a observé Frédérique Pigeyre. Et s'il n'existe pas encore de “méthode clé en main" d'application de la gestion des emplois et des compétences, l'universitaire a rappelé que les cibles prioritaires de ces politiques étaient le plus souvent les salariés les plus fragiles : ouvriers et employés non qualifiés et seniors. “La GPEC constitue un dispositif particulièrement plastique, a-t-elle indiqué, le revers de la médaille, c'est qu'il n'existe aujourd'hui aucune conceptualisation ou théorisation de sa mise en œuvre. Souvent, cette politique n'est déployée que pour remédier à l'obsolescence des compétences des salariés sans que les perspectives globales de l'entreprise ne soient réellement définies. Cette méconnaissance de la stratégie du management à moyen et long termes empêche d'anticiper les plans sociaux lorsqu'ils se présentent." La solution, selon elle ? “Une meilleure articulation entre les services RH et GPEC."

“GPEC de deuxième génération"

La GPEC : “Souvent une solution par défaut aux yeux des managers", soulignait pour sa part Anne Dietrich, qui a cependant reconnu qu'en huit ans, la vision des dirigeants (mais aussi des représentants des salariés) s'était modifiée : “Nous sommes actuellement dans la GPEC de deuxième génération, avec des dispositifs de plus en plus hétérogènes en fonction des réalités locales et un meilleur dialogue entre les acteurs."

Ce qui ne l'a toutefois pas empêché d'affirmer qu'à l'heure actuelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences demeurait encore un idéal type. “La GPEC n'est pas jugée comme complètement crédible, mais pourtant, on s'y réfère toujours", a-t-elle ironisé.

Un regard plus aiguisé

L'autonomie des services GPEC et leur manque d'articulation avec leurs homologues des RH reste, aux dires des deux universitaires, l'un des principaux écueils de l'efficacité des dispositifs prévisionnels. À tel point qu'Anne Dietrich s'est interrogée sur la pertinence de concevoir, désormais, des politiques de “GPERH", plutôt que de GPEC au sens strict. Une petite révolution sémantique et culturelle qui permettrait aux partenaires sociaux de disposer, par exemple, d'un regard plus aiguisé sur les questions de formation professionnelle : “L'observation régulière des emplois et des compétences pourrait permettre d'expliquer pourquoi certaines formations inscrites au titre du plan des entreprises ne fonctionnent pas − et de corriger le tir."

Frontières à définir

Se pose néanmoins encore la question du développement des compétences des salariés en interne des entreprises… mais aussi des individus présents “hors les murs", dans les territoires, ce dont devrait tenir compte toute politique de GPEC sans que cela soit actuellement le cas. “L'avenir de la GPEC, c'est le territoire, seul espace décloisonné permettant d'anticiper les restructurations économiques", a affirmé l'universitaire lilloise. Un territoire dont les frontières restent à définir en fonction des situations prévisibles (bassin d'emploi ? Secteur administratif type département ou région ? Réseau d'entreprises géographiquement ou professionnellement proches ?), sur lequel les partenaires sociaux doivent pouvoir débattre avec les pouvoirs publics. “Cette réalité, nous la constatons déjà, a précisé Anne Dietrich, puisqu'il n'est plus rare, désormais, d'entendre parler de gestion territoriale prévisionnelle des emplois et des compétences." Un prochain Ani ajoutera- t-il une lettre supplémentaire à l'acronyme ?

Notes   [ + ]

1. Institut d'administration des entreprises (Université Paris-I Panthéon-Sorbonne).