Industries électriques et gazières - La branche confrontée au renouvellement des compétences

Par - Le 01 septembre 2013.

Alors même que la CGT mines-énergie tire la sonnette d'alarme, évoquant un “trou de compétences" qui se profile du fait du papy-boom, côté employeurs, le discours est plus serein. Les principales entreprises du secteur ont en effet anticipé en signant des accords GPEC et procèdent à de nombreux recrutements.

La CGT mines-énergie s'inquiète des départs en retraite massifs dans les industries électriques et gazières (IEG) dans les dix ans à venir, et demande l'augmentation des embauches et de la formation, estimant qu'il y a “péril en la demeure". Évoquant un “trou de compétences" qui “se profile du fait du papy-boom dans l'ensemble des entreprises de la branche des IEG", la CGT fait état de chiffres “très inquiétants", obtenus auprès de l'observatoire des métiers de la branche, étude réalisée pour la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle (CPNEFP) de la branche.

Selon cet observatoire, sur l'ensemble de la branche des IEG, “51,9 % des cadres, 53,3 % des agents de maîtrise et 34,11 % des agents d'exécution ont 45 ans ou plus et sont susceptibles de partir en retraite dans les dix ans", explique la CGT. Face à ce défi, juge Jean-Jacques Boué, responsable formation au sein de la FNME CGT (Fédération nationale des mines et de l'énergie), “l'externalisation des activités et l'appel à la sous-traitance ne peuvent pas être une solution". Dans ce contexte, la FNME CGT a réalisé une analyse intitulée “Réussir ou échouer ?" à partir des chiffres 2012 établis par la CPNEFP de la branche à la suite d'une enquête auprès des entreprises de plus de 50 salariés en 2012.

Effets de la retraite à 55 ans

La branche des IEG représente 135 551 salariés, et 90 % d'entre eux travaillent dans les entreprises issues des deux entreprises “historiques", EDF et Gaz de France (EDF SA, ERDF, RTE, GDF Suez SA, GrDF, GRTgaz, Storengy, Elengy, et GDFSuez EPI). Les autres salariés travaillent dans 140 régies, coopératives, entreprises de production ou distribution de gaz ou d'électricité dont les effectifs vont de un à 1 300 salariés. “Notre analyse fait valoir les enjeux consécutifs aux départs en retraite et les besoins en termes de promotion interne. Nous faisons remarquer que dans les IEG, les agents ayant exercé une activité classée active (pénibilité physique spécifique aux IEG) pendant plus de quinze ans peuvent demander à partir en retraite à l'âge de 55 ans. Les agents en service actif ont donc une carrière potentiellement plus courte que les autres agents de l'ordre de cinq ans", souligne Jean-Jacques Boué. “La part des plus de 45 ans répartis par collège, fonction ou domaine, donne une idée des départs à la retraite dans les dix ans à venir. Le flux normal des départs par tranche de dix ans devrait varier entre 25 et 30 %. Or, aujourd'hui ce flux des départs est doublé", estime-t-il.

Un cadre sur deux concerné

La répartition des salariés par catégories socioprofessionnelles est la suivante : cadre (31 %), maîtrise (51 %), et exécution (18 %). Le nombre de cadres s'établit à 42 020. Par rapport à ce chiffre,
la CGT chiffre à 21 808 le nombre des départs dans les dix à quinze ans, soit 51,9 % des cadres. “Jusqu'à présent, soutient Jean-Jacques Boué, la branche des IEG a été marquée pendant cinquante ans par un taux de renouvellement des cadres par 2/3 de promotion interne et 1/3 de recrutement externe. Aujourd'hui, elle n'est plus en capacité de le faire et elle devrait procéder au remplacement des départs par 50 % de promotion interne et 50 % d'embauche. Or, il y a des métiers pour lesquels il faut du temps pour la formation. Par exemple, un jeune ingénieur d'exploitation fraîchement embauché doit suivre une formation de cinq ans pour piloter une tranche nucléaire d'une centrale."

Des promotions pour assurer les remplacements

En ce qui concerne le collège maîtrise, qui compte 69 131 agents de maîtrise, le renouvellement global représente 69 % pour la CGT, soit 36 946 départs en retraite dans les dix à quinze ans (53,3 % des agents) auxquels s'ajoutent 10 904 promotions internes (15,8 %) vers le collège cadre. “C'est dans le collège maîtrise que se trouvent les gros bataillons de fonctions actives avec départs possibles à 55 ans. Puisque des agents de maîtrise vont partir à la retraite et d'autres, remplacer des cadres, le collège maîtrise va connaître une double saignée. C'est énorme, ce sont les agents les plus pointus et techniquement compétents dont il faut organiser le transfert de compétences. En outre, ces derniers seront remplacés par des agents d'exécution ou de l'embauche", argumente Jean-Jacques Boué. Il rappelle qu'il n'y a que “24 399 agents d'exécution dont plus de 8 322 vont partir en retraite". Résultat, “il n'y même pas assez d'agents d'exécution pour assurer un renouvellement du collège maîtrise par 50 % d'agents d'exécution et 50 % d'embauche".

Pour remplacer les agents de maîtrise, il évoque l'hypothèse d'une embauche de “près de 31 200 jeunes techniciens supérieurs (JTS), ce qui est inconcevable car beaucoup risquent de nous quitter après quelques années par manque de perspectives (10 900 promotions cadres possibles en dix ans pour 31 200 embauches JTS, sans compter ceux en place)". Compte tenu de ces chiffres, la CGT considère que “le patronat de la branche des IEG doit faire face à ses responsabilités et ouvrir immédiatement des négociations sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) dans la branche et de réelles négociations sur la réponse aux besoins de formations".

“Le mouvement d'aspiration aura bien lieu"

“Le discours de la CGT mines-énergie concernant le renouvellement des compétences est un discours récurrent que nous rencontrons au sein de la branche", répond Alain Pham Van, vice-président de la CPNEFP de la branche des IEG, et directeur régional de l'emploi Grand Est d'EDF, qui ne tient pas à commenter les chiffres de la CGT. “La réalité, et cela est historique, est que la promotion sociale est avérée au sein des entreprises de la branche. Par exemple, chez EDF, 50 % des cadres sont issus du collège maîtrise, voire du collège exécution. Le mouvement d'aspiration aura bien lieu et chaque entreprise déterminera le pourcentage entre les cadres issus d'un recrutement et ceux issus de la promotion interne. Mais ce sujet relève de la compétence des entreprises et non de la branche même si, dans le cadre de la gestion des fonds de la professionnalisation (0,5 %), cette dernière contribue à la professionnalisation des salariés", fait valoir Alain Pham Van.

28 millions d'euros pour la professionnalisation

La branche des IEG est jeune (voir encadré) et “a réellement commencé à vivre en 2004". L'un des premiers accords signés est l'accord de branche du 16 septembre 2005 relatif à la formation professionnelle continue, renouvelé par l'avenant du 11 avril 2012. “Les fonds mutualisés de la professionnalisation (0,5 %), collectés auprès des entreprises de plus de
50 salariés, et du Cif (0,2 %), sont gérés au niveau de la branche, en complément des politiques de formation mises en oeuvre au sein des groupes et des entreprises. Cela représente une petite partie (pour le 0,5 % : 33 millions d'euros, soit 28 millions d'euros après déduction des frais de gestion, contribution au FPSPP…) de l'ensemble des investissements financiers des entreprises de la branche", précise le vice-président de la CPNEFP.

Une branche “à statut", hors champ des Ani

Les grandes entreprises de la branche ont signé des accords GPEC et “leur niveau d'investissement par rapport à la masse salariale est considérable. On avoisine les 7 %, alors même que la moyenne nationale varie entre 2 et 3 %. Pour nous, la GPEC de branche ne présente aucun intérêt, d'autant plus que nous avons deux grands domaines d'activité (électricité et gaz) qui ne se recoupent pas. En outre, de par son statut, celui des IEG, notre branche n'est pas soumise aux Ani relatifs à la gestion prévisionnelle des compétences, et elle n'est donc pas dans l'obligation de négocier un accord de branche GPEC", plaide Alain Pham Van.

“La CGT, ajoute-t-il, a pourtant sollicité à plusieurs reprises les pouvoirs publics pour nous imposer cela. Nous avons toujours répondu que nous étions une branche à statut, hors champ des Ani. Notre refus renvoie aussi à la volonté des employeurs de gérer la subsidiarité. Au sein même d'un groupe comme EDF, faire une GPEC entre des salariés qui construisent des réseaux de distribution et des exploitants nucléaires n'a pas de sens car il ne s'agit pas des mêmes métiers et les niveaux hiérarchiques sont différents."

Pour Alain Pham Van, le renouvel
lement des compétences concerne l'ensemble des groupes français en raison du papy-boom qui a débuté en 2008. “Nous sommes dans une phase importante de départs à la retraite au regard d'une échéance qui s'établit aujourd'hui à cinq ans. Nous recrutons beaucoup et le taux de formation est élevé dans les entreprises. A titre d'exemple, en 2012, EDF a accueilli 6 300 personnes en CDI, et en 2013, le nombre de recrutements sera un peu plus élevé." Les chiffres publiés par l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche “ne font pas référence au volume des départs à la retraite car cela ne relève pas de sa compétence", conclut Alain Pham Van.

L'ORIGINE DE LA BRANCHE IEG

Depuis les lois du 10 février 2000 relative au service public de l'électricité et du 9 août 2004 relative au service public de
l'électricité et du gaz et aux entreprises
électriques et gazières, les industries électriques et gazières (IEG) sont organisées sous forme de branche à l'intérieur de laquelle ont été mis en place des
institutions représentatives du personnel
et des organismes de négociations
collectives analogues à ceux existant dans le droit commun du Code du travail.