L'accord sur la sécurisation de l'emploi crée un “compte personnel de formation"

“Franchir une étape supplémentaire en matière de portabilité des droits à la formation", c'est l'objectif de l'accord national interprofessionnel conclu
le 11 janvier. Il insiste sur le caractère universel, individuel et transférable du nouveau1 “compte personnel de formation" – “CPF", donc –, accessible tant aux salariés qu'aux demandeurs d'emploi.

Par - Le 16 janvier 2013.

Il aura donc fallu attendre la neuvième (et dernière) séance de débats, les 10 et 11 janvier, pour que la taxation des CDD et la création d'un “contrat de travail intermittent" (qui sera expérimenté durant deux ans [ 1 ]Il ne sera bien sûr effectif qu'à compter de l'extension de l'Ani et/ou de sa transcription dans la loi.), évoquées depuis le début de la négociation figurent noir sur blanc dans le texte. Des mesures qui constituaient quelques-uns des “chevaux de bataille" de la CFDT, laquelle avait conditionné sa signature à l'ajout de ces clauses. Côté patronal, c'est l'UPA qui avait surpris, le 10 janvier, en provoquant un “clash" avec ses partenaires du Medef et de la CGPME, à propos de la complémentaire santé avant, finalement, de rentrer dans le rang lors du dernier jour de la négociation. Entre portes qui s'entrouvrent et portes qui claquent (la CGT, demandant, le dernier jour à 21 h 30, une interruption de séance afin de “relire attentivement" un texte qu'elle n'a jamais eu l'intention de signer [ 2 ]La CGT l'a déclaré dès le mois d'octobre., FO tempêtant contre les signataires qui “auront besoin d'un gilet pare-balles lorsqu'ils devront justifier cet accord devant leurs militants"…), les partenaires sociaux ont, à une courte majorité, finalement
paraphé ce qu'il convient désormais d'appeler “accord national interprofessionnel pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises, de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés", impliquant des évolutions dans le monde de la formation professionnelle. Panorama.

Le compte personnel de formation

Promesse de campagne du candidat François Hollande, la création de ce compte, dont le financement fera l'objet d'une négociation spécifique entre État, Régions et partenaires sociaux, ambitionne de “franchir une étape supplémentaire en matière de portabilité des droits à la formation". Lors des discussions, certains s'étaient étonnés de voir la création de ce dispositif intégrée aux débats alors même que le Conseil national pour la formation professionnelle tout au long de la vie s'était vu, en décembre 2012, mandaté par Thierry Repentin pour en expérimenter les modalités. Agnès Le Bot, chef de file de la délégation CGT observait, le 10 janvier, que l'empressement du patronat dissimulait sa volonté de “prendre le pas sur les travaux du CNFPTLV" dont les conclusions “risquaient de déplaire au Medef". Des soupçons écartés, le lendemain, par Patrick Bernasconi, meneur de la délégation patronale. “La négociation relative au compte personnel de formation n'est pas liée aux travaux du CNFPTLV et n'interfère donc pas avec eux". De fait, le dispositif inscrit dans l'accord insiste sur le caractère universel, individuel et transférable de ce compte, accessible tant aux salariés qu'aux demandeurs d'emploi. Les salariés à temps plein verront leur compte alimenté à raison de 20 heures par an (lequel compte pourra se voir également abondé automatiquement en cas de dispositions conventionnelles plus favorables à l'accumulation des heures de Dif). Quant au compte des salariés à temps partiel ou en CDD, il sera abondé au prorata des heures travaillées. “Nous étions très attachés à l'universalité de ce droit, expliquait Pierre Malo-Hecquet, de la délégation CFE-CGC, en effet, les heures de Dif, telles qu'elles existent actuellement, sont perdues en cas de démission, alors que le compte personnel instauré concerne l'intégralité d'une carrière. En outre, un salarié qui aurait essuyé un premier refus de la part de son employeur quant au financement d'une formation qualifiante ou certifiante verra sa seconde demande prise en charge par le Fongecif". Moins convaincu, Stéphane Lardy, de FO, persistait à qualifier ce compte personnel de “bricolage". “La création d'un tel dispositif est un sujet complexe qui n'a manifestement pas été travaillé par le Medef. En l'état, ce compte de formation n'est rien d'autre que la solubilité du Dif dans le Cif", a-t-il asséné.

Cif-CDD et congé de reclassement

Autre mesure inscrite dans le texte de l'accord, l'accès des salariés de moins de 30 ans en CDD au congé individuel de formation, une mesure portée par la CFDT. Les discussions auront amené les partenaires sociaux à préconiser une modification de l'article R. 6322-20 du Code du travail afin de ramener les conditions d'accès au Cif à quatre mois de travail consécutifs ou non en CDD au cours des vingt-huit mois écoulés (et non de trente-six comme c'est actuellement le cas). “Une mesure d'équité", indiquait Marie-Andrée Séguin, membre de la délégation cédétiste, là où Stéphane Lardy tançait sévèrement “une mesure cosmétique qui ne concernera que 240 personnes supplémentaires par rapport aux 7 000 salariés qui en bénéficient déjà aujourd'hui". De la même manière, un autre article du Code du travail (le L. 1233-71 relatif au congé de reclassement) sera lui aussi amené à subir un toilettage juridique afin de porter sa durée à douze mois au lieu des neuf actuels, “en vue d'harmoniser sa durée avec celle des contrats de sécurisation professionnelle".
Conseil en évolution professionnelle

Mais la négociation intégrait également la création d'un “conseil en évolution professionnelle" destiné, certes, à tous les salariés, mais plus spécifiquement à ceux des TPE et PME, plus éloignés de l'accompagnement que les collaborateurs des grands groupes. Un dispositif d'aide et de conseil, qu'il appartiendra aux partenaires sociaux de mettre en œuvre en partenariat avec les services de l'orientation, dans le cadre du troisième acte de la décentralisation. Mieux informer sur l'environnement professionnel (évolution des métiers, situation des territoires, etc.), mieux identifier les compétences nécessaires à acquérir et repérer les offres d'emploi adaptées aux compétences des usagers constitueront les services liés à ce nouveau droit. Un droit qui pourra être accessible aux salariés par le biais du compte personnel de formation. “Cette notion de conseil est tellement peu claire que l'accord prévoit la mise en place d'un groupe de travail chargé de la définir", soupirait Stéphane Lardy, pas particulièrement enthousiaste face à cette disposition.

Une POE renforcée pour les demandeurs d'emploi
Enfin, un volet de l'accord était consacré à la facilitation des mesures de préparation opérationnelle à l'emploi (POE), impliquant Pôle emploi et les Opca. Ainsi, les organismes collecteurs ayant connaissance d'offres d'emploi de leurs entreprises cotisantes et ayant signé une convention avec Pôle emploi pourront désormais proposer à des demandeurs d'emploi d'intégrer un parcours de POE au sein des entreprises en besoin. Une possibilité que l'accord subordonne à l'autorisation des branches professionnelles (pour les Opca de branche) ou de la Commission paritaire nationale d'application de l'accord (CPNAA) pour les deux Opca interprofessionnels.

Le contrat de génération en danger ?

À en croire Patrick Bernasconi, l'exonération des charges patronales d'assurance chômage, durant trois mois, sur l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans en CDI constituera “une mesure incitative à l'embauche à durée indéterminée et, donc, au recul de la précarité chez les jeunes". Aux yeux de la CGT, en revanche, cette disposition n'est rien de moins que la “mise à mort du contrat de génération". “Si les CDI des moins de 26 ans se voient moins taxés, pourquoi les entreprises feraient-elles l'effort de garder des seniors en leur sein ?", s'interrogeait Mohamed Oussedik, négociateur de la centrale de Montreuil. “Cette mesure est indépendante du contrat de génération, annonçait, pour sa part, le chef de file du Medef. Au contraire, cette disposition constituera une aide au démarrage à la vie professionnelle pour de nombreux jeunes."

“La seule chose que cet accord sécurise, c'est la délinquance patronale !", tempêtait Agnès Le Bot à la fin de la négociation. “Un accord positif pour lutter contre la précarité", rétorquait Patrick Pierron, le leader de la CFDT. Un texte “pas exceptionnel, mais acceptable", estimait Joseph Thouvenel, meneur de la délégation CFTC. “Un document pervers !", selon Stéphane Lardy. Prudente, Marie-Françoise Leflon, de la CFE-CGC, affichait une certaine neutralité, laissant au bureau national du syndicat de l'encadrement le soin de trancher. Reste maintenant au politique de traduire cet Ani dans la loi.

Notes   [ + ]

1. Il ne sera bien sûr effectif qu'à compter de l'extension de l'Ani et/ou de sa transcription dans la loi.
2. La CGT l'a déclaré dès le mois d'octobre.