L'Assemblée nationale adopte le contrat de génération
Par Benjamin d'Alguerre - Le 01 février 2013.
Le projet de loi a été voté par l'Assemblée le 23 janvier. Une semaine auparavant (le 17), les députés avaient achevé son examen et le dépôt des amendements en attendant que les sénateurs, à leur tour, l'examinent en commission des affaires sociales, fin janvier.
Le texte a peu évolué entre son examen et son vote solennel, en dépit de deux motions posées contre lui par l'opposition (l'UMP ayant demandé à ce que le projet soit présenté à la commission des affaires économiques de l'Assemblée ainsi qu'à celle des finances, et l'UDI à ce qu'il soit rejeté préalablement). Les députés auront surtout insisté sur la notion d'encadrement et de sécurisation des contrats de génération afin de limiter les effets d'aubaine.
Bénéficier du plan de formation
Ainsi, l'article L. 5121-6 définissant les objectifs du dispositif énonce désormais que l'insertion durable des jeunes dans l'entreprise s'effectue au travers d'un contrat à durée indéterminée. Une précision que le rapporteur du projet, Christophe Sirugue (PS, Saône-et-Loire) a présenté comme “un signal fort de notre volonté de lutter contre la précarité". Une volonté qui se sera également traduite par un renforcement du volet formation du dispositif, puisque les juniors recrutés dans le cadre du contrat de génération pourront bénéficier du plan de formation de l'entreprise accueillante (amendement déposé par EELV). Mais si le projet, tel qu'approuvé par le Palais Bourbon, réitère l'importance de la transmission des savoirs et du maintien dans l'emploi des seniors, il avait, lors des débats, été qualifié de “bien peu intergénérationnel, en réalité" par Jean-Pierre Door, le vice-président de la commission des affaires sociales et député UMP du Loiret : “Le projet n'évoque ni tutorat, ni accompagnement, ni compagnonnage, mais traite seulement de l'aide financière accordée à l'entreprise, dans laquelle le jeune et le senior ne se croiseront peut-être jamais !"
La fin des accords seniors dans les entreprises
“Un projet clivant", “favorable aux effets d'aubaine", “susceptible de porter préjudice à l'apprentissage", voire “une usine à gaz supplémentaire dans un marché du travail qui n'en a pas besoin", avait-on entendu, le 15 janvier dernier, sur les bancs de l'opposition.
_ Côté majorité, on expliquait que le contrat de génération “n'était pas un nouveau contrat aidé", qu'il “répondait à une demande des entreprises" ou encore “qu'il constituait une réponse pour éviter de se préparer à vivre dans une société de retraités pauvres", selon les termes de Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et élue socialiste de Haute-Garonne. Les entreprises, justement, devront désormais, avant toute signature de contrat générationnel, établir un diagnostic de la pyramide des âges en leur sein (soit un bilan prévisionnel des départs à la retraite et des perspectives d'embauche) ainsi, dans les structures de 300 collaborateurs et plus, qu'un accord collectif d'une durée de trois ans comportant des objectifs chiffrés en termes d'embauche de juniors, de maintien dans l'emploi des seniors de plus de 57 ans (55 pour les salariés en situation de handicap) et d'intégration des jeunes dans le plan de formation de l'entreprise en vue de favoriser leur montée en compétences. De fait, ces accords (soumis à validation administrative) remplaceront les accords seniors au 30 décembre 2013. “Des accords seniors jusqu'alors peu appliqués, voire jamais signés dans les entreprises", estimait Christophe Sirugue, là où Jean-Pierre Door dénonçait “la charge de travail supplémentaire qui impactera Pôle emploi, chargé de la validation des accords".
Les notions de “carotte et de bâton" pour les entreprises ont été évoquées des deux côtés de l'hémicycle. La “carotte" étant l'aide de 2 000 euros versée pour chaque junior embauché et chaque senior conservé, dans les structures de moins de 300 salariés. Une aide conditionnée, cependant, au fait que l'entreprise n'ait pas procédé, au cours des six mois précédents, au moindre licenciement (ou rupture conventionnelle) [ 1 ]Autrement que pour faute grave, lourde ou inaptitude au poste de travail. sur un poste relevant de “la même catégorie professionnelle". Exit, enfin, l'amendement de l'UMP qui visait à maintenir l'aide, même en cas de licenciement postérieur à la signature du contrat.
Dans les entreprises comptant plus de 300 collaborateurs, c'est “le bâton" qui prévaut, puisque ces dernières, en cas d'irrespect de l'accord collectif, se verront sanctionnées par une pénalité équivalente à 1 % de leur masse salariale. Comme Michel Sapin avant lui, Christophe Sirugue aura rappelé que cette mesure “n'avait pas pour but de remplir les caisses de l'État", mais d'inciter les entreprises à favoriser l'emploi des jeunes et des seniors.
La transmission des savoirs, “chantier encore à ouvrir"
“J'espérais que ce projet ferait l'unanimité et se verrait soutenu par toute la représentation nationale… ce vœu sera malheureusement resté pieux", annonçait, à la tribune, Jean-Noël Carpentier, du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (Val-d'Oise) juste avant le vote. “Ce n'est pas parce que nous partageons le diagnostic sur la situation de l'emploi et des seniors que nous approuvons la solution proposée", soulignait Gérard Cherpion (UMP, Vosges), craignant que le financement du contrat de génération “n'ampute" les 20 milliards du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice). Quant à Arnaud Richard (UDI, Yvelines), il a regretté “l'absence d'une politique ambitieuse en matière d'emploi, de formation et d'apprentissage". “Le grand chantier de la transmission des savoirs est encore à ouvrir", a-t-il conclu.
Notes
1. | ↑ | Autrement que pour faute grave, lourde ou inaptitude au poste de travail. |