L'industrie veut adapter son offre de formation à ses nouveaux métiers

Par - Le 15 décembre 2013.

2013 était l'“Année de l'industrie". Quel bilan, pour un secteur qui paraît sombrer dans une crise
interminable, alors qu'à en croire le ministère du Redressement productif, il connaît − ou va
connaître − de forts besoins de recrutement ? Les industriels, en attendant ces jours meilleurs, optent
pour la formation des présents à l'évolution, effective, des métiers.

Tirés par les nouvelles technologies
et leurs capacités d'innovation,
les entreprises industrielles
françaises sont loin d'être
hors jeu sur le marché mondial.
Malheureusement, “il existe un décalage
entre l'image peu attractive que l'on a de
l'industrie française et la réalité", déplorait
Pascal Faure, directeur général de la compétitivité
de l'industrie et des services
(DGCIS) au ministère du Redressement
productif, lors d'un colloque organisé le
29 novembre dernier par CCI France,
dans le cadre de la Journée nationale des
jeunes [ 1 ]Le thème de la rencontre était : “Les métiers
d'avenir dans l'industrie : enjeux et perspectives"
..
Malgré les efforts déployés ces dernières
années par les filières, force est de
constater que la plupart des jeunes,
mais aussi les prescripteurs (parents,
orienteurs, etc.), continuent d'ignorer
l'industrie ou restent prisonniers de
clichés obsolètes. Pour eux, l'usine
évoque un travail pénible dans un environnement
bruyant et pollué, a déploré
Jérôme Amouche, directeur du [Syndicat
national du décolletage->www.sndec.com]. Sa structure
organise un salon, Smile, pour permettre
aux jeunes d'expérimenter autrement les
métiers d'une entreprise industrielle.
Alors, comment remplacer cette image
désuète par un regard prospectif et
positif ? Comment valoriser l'industrie
qui, à travers l'évolution des technologies,
relève des défis environnementaux et
sociaux ? En organisant et en promouvant
ses métiers, a répondu Pascal Faure. La
mobilisation menée par les CCI tout
au long de 2013, décrétée “Année de
l'industrie", va dans ce sens. L'industrie,
a indiqué le DGCIS, “pour faire face aux
départs à la retraite, doit recruter annuellement,
d'ici à 2015, entre 80 000 et
100 000 personnes".

Les industriels préfèrent former
que recruter

Bien sûr, pour l'ensemble des acteurs
du secteur, notamment les chefs
d'entreprise et autres responsables
présents à la rencontre, les mutations
en cours dans l'industrie engendrent de
nouveaux défis : transition énergétique,
évolutions technologiques, révolution
numérique, etc. Pour les entreprises, ces
changements supposent de se doter d'une
nouvelle vision, mais aussi de nouvelles
compétences.

Confirmation : selon les résultats de
l'étude réalisée par OpinionWay pour
CCI France [ 2 ]Enquête réalisée auprès d'un échantillon de
404 entreprises industrielles représentatives
implantées en France, en octobre et novembre 2013.
, plus de la moitié (55 %,
contre 44 %) des chefs d'entreprise
déclarent avoir besoin de nouvelles
compétences. 93 % considèrent que celles
qui sont liées à la gestion des risques et
au respect des normes constituent un
domaine important pour l'avenir. Pour
44 %, ces compétences sont même
indispensables. Une nette majorité des
dirigeants suit avec attention l'émergence
et le développement de métiers tels que
ceux du e-commerce, d'ingénieur export,
etc., et d'autres liés à la robotique ou
à l'ingénierie (ingénieur robotique,
spécialiste automatisation, ingénieur
biotechnologie, etc.).

Mais faut-il recruter de nouveaux collaborateurs
disposant de ces nouvelles
compétences, ou bien recourir aux
formations ? Les chefs d'entreprise
interrogés par OpinionWay ne privilégient
pas, en l'espèce, le recrutement.
Ils préfèrent former leurs collaborateurs
actuels pour leur permettre de s'adapter
à l'évolution de leurs métiers, en privilégiant
la formation en interne (69 %),
la formation en alternance et les stages
(58 %) et le coaching (35 %). “La crainte
que les dirigeants ont de l'avenir proche de
l'économie française induit un repli sur
soi et un refus de prendre des risques et de
recruter. Seuls 20 % des industriels estiment
qu'il est facile de trouver une personne
compétente et qualifiée dans ces nouveaux
métiers. 39 % pensent que c'est très difficile,
notamment sur des profils techniques ou sur
des postes commerciaux et de développement
à l'international", a précisé Steeve Flanet,
directeur corporate et management chez
OpinionWay.

Pour la majorité des dirigeants
(57 %), le système éducatif français est
inefficace pour former sur ces nouvelles
compétences et enjeux. Raison de plus, a
soutenu Morgane Le Tourneau, chargée
de mission à la Délégation générale à
l'emploi et à la formation professionnelle
(DGEFP), d'encourager la “transmission
intergénérationnelle des compétences"
prônée par le dispositif de contrat de
génération.

Comment travailler (vraiment)
ensemble ?


Mais pour les acteurs de l'industrie,
prôner le rapprochement de l'offre de
formation des besoins des entreprises et
des territoires ne suffit pas. Les prestataires
de formation doivent être au coeur
des entreprises pour connaître leurs
besoins en compétences et construire les
parcours adaptés. Pour Louisa Toubal,
chargée d'études au “laboratoire d'idées"
cofondé par l'UIMM, [La Fabrique de
l'industrie->www.la-fabrique.fr], “les entreprises doivent
davantage s'approcher des établissements de
formation. Elles ont l'obligation d'intégrer
leurs instances dirigeantes afin de participer
concrètement et pratiquement à la construction
des parcours de formation".

“Les territoires, entreprises, organismes de
formation et services régionaux doivent
travailler davantage en partenariat pour
mettre en place des actions de formation
efficaces", a plaidé Alain Chaix, directeur
de l'Institut de régulation et d'automation
(Ira) de la CCI Arles. Il y a une
nécessité pour l'ensemble des acteurs de
travailler ensemble, afin de se connaître,
de connaître les besoins des uns et des
autres, ainsi que les capacités qu'ils
offrent pour répondre aux nouveaux
défis du secteur industriel français. Une
pratique de co-conception et de collaboration
qui a, par exemple, permis
d'initier au sein de la filière navale des
réunions téléphoniques mensuelles entre
DRH, d'une part, et entre responsables
d'établissements de formation, de l'autre.
Résultats : mise en place d'une charte
commune (septembre 2012) et création
d'une licence professionnelle spécifique.
“Il suffit d'accepter de mettre ensemble
nos forces et nos intelligences pour trouver
des réponses aux besoins de notre secteur",
s'est réjoui Pierre Montfort, directeur de
formation du groupe DCNS, animateur
du Campus naval France. Rejoignant
ainsi Yves Fiorda, vice-président de la
Fédération des industries mécaniques
(Fim), qui prône le décloisonnement
entre les acteurs. “Nous avons l'obligation
de travailler tous ensemble : organismes
de formation, branches, fédérations,
organismes d'orientation, Opca, institutionnels,
etc. Tous ensemble !"

Les perspectives 2014
restent en demi-teinte


De l'industrie française, le grand public
ne connaît que les fermetures d'usines
accompagnées de plans sociaux. De fait,
et selon les données de l'Insee et de la
DGCIS, les pertes d'emplois directs
dans l'industrie perdurent : - 20 % (hors
intérim) entre 2000 et 2011, - 1,5 % en
2012 (- 3 % avec l'intérim). Les récents
plans sociaux dans l'industrie automobile
(Peugeot PSA, Renault, etc.) et l'effet
domino sur les activités de nombreux
sous-traitants, ont alourdi les pertes.
Cependant, selon une note de
conjoncture de la DGCIS, après avoir
stagné au premier trimestre (- 0,4 %),
la production industrielle française est
repartie au deuxième trimestre de cette
année (+ 1,4 %). Elle a observé une
amélioration nette dans le secteur de
l'industrie automobile (+ 7,4 % après

 3,4 % et - 11,4%). Une reprise tirée
surtout par Airbus et Eurocopter, qui ont
décroché des commandes importantes
à l'international. Airbus avait d'ailleurs
annoncé en janvier dernier qu'il allait
créer quelque 1 800 postes nets cette
année et recruter 3 000 personnes. Les
entreprises misent donc sur l'exportation
et les marchés extérieurs pour redresser
durablement la production industrielle
française.

Selon l'enquête de CCI France, les
dirigeants industriels français restent
inquiets concernant les perspectives
sur 2014 : 77 % pour la compétitivité
de l'industrie française à
l'international et 66 % pour les perspectives
de l'industrie.

Notes   [ + ]

1. Le thème de la rencontre était : “Les métiers
d'avenir dans l'industrie : enjeux et perspectives"
2. Enquête réalisée auprès d'un échantillon de
404 entreprises industrielles représentatives
implantées en France, en octobre et novembre 2013.