La 2e grande conférence sociale mobilise la formation pour l'emploi
Par Béatrice Delamer - Le 01 juillet 2013.
Un “plan d'urgence pour l'emploi", un accent clairement porté sur la formation. C'est la tonalité de la 2e grande conférence sociale, qui s'est tenue les 20 et 21 juin à Paris.
Devant les 300 participants, représentants notamment de l'État, des Régions, des employeurs, des syndicats de salariés, le président de la
République a appelé à “revenir à l'esprit de 1971" − date fondatrice du système français de formation. Débats et réactions.
Avec 3 millions de chômeurs, plus de 10 % de la population active, “la situation de l'emploi rend encore plus impérieuse la réforme de la formation professionnelle", a estimé le chef de l'État en ouverture de la conférence, le 20 juin. Il a rappelé les critiques récurrentes : “Trop opaque dans son organisation, trop concentrée sur les salariés déjà les plus qualifiés et trop dispersée pour les demandeurs d'emploi." Ainsi, a-t-il insisté, “les chômeurs ne représentent que 13 % de la dépense totale de formation. De même, les salariés des grandes entreprises bénéficient trois fois plus que les salariés des TPE des
actions de formation. Enfin, les salariés les plus âgés ont rarement accès à une nouvelle chance. D'où le chômage élevé chez les seniors." Autant de raisons, selon le chef de l'État, de “revenir à l'esprit de la loi de 1971 sur la promotion sociale et professionnelle". Ce qui passe par une clarification du rôle de chaque acteur. À l'État de “définir les instruments et le cadre légal" ; “aux Régions de former les jeunes et les demandeurs d'emploi, en complémentarité avec Pôle emploi" ; “aux
partenaires sociaux de fixer les objectifs au sein des entreprises". Le tout dans la perspective d'une réforme qui devra aboutir “avant la fin de l'année 2013", a-t-il confirmé. Le chef de l'État a fixé la feuille de route suivante : négociation d'un accord national interprofessionnel à partir de septembre, puis transposition dans un projet de loi présenté en conseil des ministres d'ici à la fin 2013. Restera à le voter au Parlement.
“Engagement d'embauche"
Dans la deuxième partie de son discours sur la formation, François Hollande a souligné l'importance de l'alternance, présentée comme un levier anti-chômage de premier plan. “70 % des jeunes qui sortent d'une formation en alternance sont en emploi dans les six mois qui suivent", a indiqué le président, qui a réitéré l'objectif de former 500 000 apprentis au cours des trois prochaines années (435 000 actuellement). “Ici encore, le pilotage devra être régional, car c'est à cette échelle territoriale que doit se faire l'adaptation de l'offre de formation aux besoins économiques, et donc aux possibilités concrètes de recrutement futur des entreprises." Au sujet des PME, le chef de l'État a dit connaître les “difficultés pour accueillir des alternants" et leur souhait “d'être mieux associées au contenu des formations", et qualifié cette demande de “légitime".Tout en posant le principe d'une“contrepartie", à savoir “la garantie d'un débouché pour le jeune". À cet égard, François Hollande a imaginé un scénario, dans lequel “l'entreprise qui contribuerait à la définition de la formation d'un jeune en alternance et qui l'accompagnerait tout au long de son parcours [pourrait] signer un contrat d'apprentissage avec engagement d'embauche". Sans préciser la nature de l'embauche, CDI ou CDD.
David Garcia
UN “PLAN DE FORMATIONS PRIORITAIRES" POUR LES EMPLOIS NON POURVUS
Michel Sapin, ministre du Travail, a indiqué le 20 juin qu'un “plan d'urgence pour la formation des chômeurs pour les emplois vacants" serait mis en route “avant la fin de l'été". Des emplois non pourvus que Pôle emploi évalue à 116 000, et les organisations d'employeurs à 300 000. La première partie de la table ronde “emploi formation"
s'est concentrée sur la question des emplois d'avenir et des contrats de génération, les sujets formation étant abordés de façon transversale, au travers de cette annonce de plan d'urgence.
Contre la “politique du chiffre"
“Nous avons beaucoup parlé des mesures d'urgence, en particulier celles en faveur des jeunes, a confirmé Catherine Perret, représentante de la CGT. Des pistes ont commencé à se dessiner. Nous avons proposé d'activer la POEI (préparation opérationnelle à l'emploi individuelle)." Un point d'étape sur les emplois d'avenir,
en septembre, devrait permettre d'aborder le bienfondé de son élargissement : “On ne doit pas faire une politique du chiffre et l'ouvrir à tous, y compris au secteur marchand." Stéphane Lardy, secrétaire confédéral FO à la formation, à l'emploi et au chômage, a dénoncé ces “grands plans d'urgence chiffrés" qui ne sont à ses yeux “que des plans de com'".
La formation, une arme contre le chômage ?
Pour le représentant FO, cette question des métiers en tension et de leur appariement avec des formations de demandeurs d'emploi ne peut constituer le remède au chômage de masse. “On formera les gens, mais ils resteront au chômage. Certains emplois ne trouvent pas preneurs parce qu'ils ne sont pas attractifs. À FO, nous voulons en
parler !" Même contestation de ce remède pour Carole Couvert, présidente de la CFE-CGC : “Il faut revenir sur les dispositifs de formation pour les salariés financés par les partenaires sociaux. L'enveloppe du FPSPP destinée aux demandeurs d'emploi est en nette augmentation. Cet argent n'est pas utilisé pour les formations des salariés, et il est dépensé pour d'autres publics."
Réunions programmées
Le regard critique vis-à-vis des “plans d'urgence" n'implique pas l'immobilisme : “Je ne viens pas passer 4h30 assis à discuter juste pour que l'on me dise que je vais assister à une réunion en juillet. Je veux des mesures rapides", résumait Laurent Berger. Les participants à la table ronde ont en effet convenu de se rencontrer en juillet pour recenser les besoins de main-d'œuvre des branches et
envisager les mesures pouvant être prises dans le cadre de la mobilisation d'urgence pour l'emploi. En septembre, un bilan sera
fait sur les emplois d'avenir et, en octobre, ce sera le tour du contrat de génération. Les branches commencent à négocier et devront avoir conclu pour la fin septembre. À ce jour, sur environ 700 branches professionnelles, seule celle des sociétés d'assurances, a trouvé un accord.
Le “service public régional de formation"
“La formation doit être une activité à part entière. Il faut en finir avec le cloisonnement entre salariés et demandeurs d'emploi pour parler des actifs dans leur globalité", a déclaré Pascale Gérard, vice-présidente de la Région Paca et représentante de l'ARF (Association des Régions de France), au sortir de la deuxième partie de la table ronde, le 21 juin. “Chacun, au cours de sa vie, peut passer d'un statut à un autre. Dans ce cadre, conjuguer des périodes
de formation et des périodes en emploi participera de ce que certains nomment sécurisation des parcours professionnels, et que je préfère appeler sécurité sociale professionnelle", a-t-elle énoncé.
Elle a ainsi exprimé ce qu'elle attendait de la future réforme :
une garantie par l'État, pour chacun, d'avoir accès à un premier niveau de qualification, et cela en lien direct avec la nouvelle loi de “refondation de l'école" ;
la possibilité de pouvoir franchir une étape de qualification au cours de sa vie ;
un droit à l'orientation effectif et mis en œuvre dans le cadre du “service public régional de l'orientation" ;
une reconnaissance du “service public régional
de formation" ;
et que soient interrogées l'efficacité et la qualité de l'offre de formation et des pratiques d'achat.
“Donner une existence concrète au CPF"
De son côté, l'ADF (Association des Départements de France), par la voix de Claude Jeannerot, président du Conseil général du Doubs, a déclaré souhaiter que la future négociation sur la réforme “donne une existence concrète au CPF" (compte personnel de formation), “mais à une triple condition : assurer la lisibilité du dispositif auprès des
demandeurs d'emploi ; s'assurer de l'équité du compte personnel en fonction de la situation sociale de tous ses bénéficiaires
– en permettant aux moins formés de bénéficier du droit à la formation différée
– et simplifier sa gouvernance en y associant mieux les acteurs concernés (FPSPP, Régions, Pôle emploi)".
Le groupe quadripartite
À ce sujet, Pascale Gérard s'est félicitée du fait que le groupe quadripartite (État- Régions-employeurs-syndicats) prévu par la loi relative à la sécurisation de l'emploi pour définir les modalités de mise en place du CPF continue de se réunir en parallèle de la négociation interprofessionnelle prévue à partir de la rentrée.
“Le ministre a également fait savoir que si le second volet de la loi de décentralisation tardait à être examiné, les dispositions formation
qu'il contient pourraient être transférées dans la future loi sur la formation que le président de la République souhaite voir aboutir fin 2013", a-t-elle précisé. À partir de septembre, sera également mise en place une concertation sur le thème de l'apprentissage, qui constitue un autre volet de la réforme.
“Que les dispositions emploi-formation contenues dans le deuxième texte relatif à l'acte III de la décentralisation soient potentiellement intégrées à la réforme de la formation professionnelle est une très bonne chose. Cela contribuera à rendre ce texte plus cohérent et à faciliter la gouvernance sur les thématiques formation", a déclaré à ce sujet Pierre-Antoine Gailly (CCI France, président de la CCI Paris-Île-de-France).
Le patronat prêt à mettre en œuvre le CPF
Les organisations patronales et réseaux consulaires semblaient plutôt enthousiastes quant à la création du compte personnel de formation, à l'issue de la table ronde. À la condition néanmoins de “créer un dispositif simple, compréhensible surtout par les dirigeants
des très petites entreprises. Celles-ci se montrent d'ailleurs très intéressées par ce dispositif", comme l'a indiqué Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA.
La FNSEA était satisfaite d'avoir été invitée à discuter sur les thématiques emploi et formation. Elle a insisté sur la capacité du secteur agricole à intégrer les demandeurs d'emploi et à les former. “Nous sommes souvent oubliés !" Pour les employeurs agricoles, la formation des salariés et des chômeurs n'est “pas incompatible, car la branche sait définir des priorités. Nous pouvons garantir la mise en œuvre du compte personnel de formation très rapidement."
Manque de visibilité économique
À partir de septembre, débutera aussi une concertation sur le thème de l'apprentissage. “Nous voulons que les ressources et la taxe d'apprentissage reviennent vers les CFA à hauteur des objectifs qui sont fixés", a souligné à cet égard Gérard Bobier (APCMA, président de la Chambre de métiers et de l'artisanat d'Indre-et-Loire). Suite à l'annonce par le président de la République de son souhait de voir des entreprises s'engager à embaucher leurs nouveaux apprentis, il s'est montré circonspect. “Il n'est pas possible d'atteindre un objectif de 500 000 apprentis sans les entreprises ! Celles-ci n'embauchent pas du fait d'incitations, elles embauchent si leur carnet de commandes est rempli. Prendre un apprenti, c'est un engagement long, or, en ce moment, elles ont peu de visibilité. Nous ferons valoir cet argument."
Ne pas tout compliquer davantage
“Beaucoup de sujets ont été posés sur la table. Certains inévitables, par rapport au futur compte personnel de formation. Nous avons également discuté des thèmes de l'apprentissage ou de la VAE." Catherine Barbaroux, directrice de l'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique) et ancienne DGEFP, facilitatrice de la table ronde “Mobiliser pour l'emploi et la formation professionnelle" du 21 juin, a indiqué que les participants avaient examiné “les moyens d'optimiser la mise en place de dispositifs dont certains sont relativement récents, comme les emplois d'avenir ou les contrats de génération". Cette table ronde a “permis d'ouvrir des questionnements et des débats sur le ciblage de ces outils, sur la nécessité de ne pas céder le qualitatif au quantitatif, sur le besoin, pour les territoires et les petites entreprises, de voir ces dispositifs adaptés pour plus d'efficience, sur l'impératif d'une amélioration de l'accompagnement social et professionnel des personnes les plus en difficulté", a-t-elle résumé.
Mais faut-il accélérer − ou non − la mise en œuvre de ces dispositifs ? Selon la facilitatrice, les participants ont majoritairement exprimé leur “volonté de s'appuyer sur les outils existants pour ne pas compliquer le système". Au point de se questionner sur l'opportunité
d'une réforme de la formation. “Nous sommes arrivés à l'idée que les dispositifs sont perfectibles, mais que leur bilan ne doit pas être caricaturé, a dit Catherine Barbaroux. De réforme en reforme, le système est devenu plus complexe. J'ai noté une véritable convergence de vues sur le besoin de travailler sur la simplification, sur la clarification des compétences, et la continuité."
Aurélie Gerlach
LA MUTATION PROBABLE DU DIF EN COMPTE PERSONNEL DE FORMATION
Il n'était pas nécessairement attendu le 21 juin, mais le compte personnel de formation – qui constituera l'un des grands volets de la future réforme de la formation professionnelle qui débutera en septembre – s'est invité à la conférence sociale.
La veille, une idée iconoclaste avait été lancée par le Medef : multiplier par deux le “capital temps" lié au droit individuel à la formation lors du départ de l'entreprise, donc permettre à un salarié en partance de disposer de 240 heures de formation plutôt que de 120 au titre de son droit individuel. “Nous posons cette piste sur la table et si elle venait à séduire d'autres partenaires sociaux, alors nous sommes prêts à mobiliser le FPSPP et les Opca pour la financer", expliquait Benoît Roger-Vasselin, négociateur pour l'organisation patronale.
Catherine Perret, pour la CGT, y a vu de suite “un leurre pour tenter de contourner l'obligation légale. Le Medef espère engager une politique donnant-donnant, pour arracher quelques morceaux du 0,9 %, mais cette façon de faire ne convient pas à la CGT".
Méfiance également chez FO : “D'un côté, le Medef a signé en janvier dernier un Ani dans lequel on tue le Dif, et de l'autre, il souhaite le réformer à quelques mois du début de la prochaine négo… je ne comprends pas la cohérence de la démarche", indiquait Stéphane Lardy. Quant à la CFE-CGC, elle s'est avouée également surprise. “Réformer le Dif ? Mais il est mort, le Dif ! Le Medef n'est pas au courant ?", interrogeait Marie-Françoise Leflon, chef de file de la délégation emploi-formation du syndicat des cadres.
Fusionner les dispositifs ?
La fin du Dif ? Plusieurs partenaires sociaux l'ont déjà entérinée, bon gré, mal gré. Le 21 juin, pour l'Unsa, évoquer le CPF en présence du gouvernement, du patronat et des autres organisations syndicales constituait l'occasion d'avancer ses idées en amont d'une négociation interprofessionnelle future à laquelle son statut de “non-représentative" interdira l'accès, et plus particulièrement concernant un projet dont elle est porteuse depuis longtemps. Au point d'avoir déjà imaginé les modalités d'abondement et de gouvernance du compte. “Sans aller jusqu'à la fusion du Dif et du Cif, il n'est pas impossible d'imaginer une intégration de ces dispositifs dans le compte personnel, auquel pourrait s'adjoindre une partie du 0,9 % de la cotisation obligatoire des entreprises et du compte épargne temps des salariés", expliquait Jean-Marie Truffat, secrétaire national du syndicat en charge des questions de formation. Pas question, en revanche, de voir cet outil se métamorphoser en “chèque-formation", sous peine d'en perdre l'essence. L'Unsa plaide pour le maintien d'une gestion mutualisée du CPF, mais ne s'interdit pas d'imaginer en confier le pilotage à un organisme étatique tel que l'Urssaf ou la Caisse des dépôts et consignations. Quitte à déposséder les Opca de cette collecte-là. Des propositions qui brusquent le système de financement de la formation, précisément alors que la CFTC s'interroge sur les moyens d'abonder le compte. “Qui va mettre combien dans le pot commun ? Nous voulons le savoir, car cela déterminera la participation
des partenaires sociaux. Il semble déjà clair qu'il y aura une participation sur la partie professionnalisation (le 0,5 %) de la collecte des Opca, car le compte va se substituer au Dif, mais on ne sait pas
à quelle hauteur. Nous avons également été fermes sur le fait que nous ne voulons pas de suppression de la période de professionnalisation", expliquait Jean-Pierre Therry, secrétaire général de la CFTC. Tous, et particulièrement FO pour qui “la négociation sur la réforme de la formation ne commence pas ce 21 juin !" comme 'indiquait Stéphane Lardy, faisant, pour l'occasion, figure d'ultime rempart dans la préservation du Dif là où les autres représentants syndicaux semblaient avoir d'ores et déjà signé
l'avis de décès. “Aller trop vite, c'est aller nulle part. N'est-ce pas François Hollande qui l'affirmait pas plus tard qu'hier ?" Force ouvrière fourbit ses arguments en prévision du mois de septembre. Réformer aussi radicalement le système de la formation professionnelle ? “Depuis quarante ans, il a fait de la France le pays où la
compétitivité horaire est la meilleure du monde !", a rappelé l'ancien négociateur de l'Ani de janvier dernier, qui s'avouait agacé par les “discours présidentiels sur les 30 milliards de la formation professionnelle". Pas mort, le Dif ? Rendez-vous en septembre.
Benjamin d'Alguerre
L'ÉCHELON TERRITORIAL AU COEUR DE LA STRATÉGIE DU GOUVERNEMENT
La “feuille de route sociale" − synthèse des travaux, attentes, propositions et priorités exprimées par les organisations invitées aux tables rondes de la conférence des 20 et 21 juin − a été publiée par les services de Jean-Marc Ayrault après la clôture des débats. Comme l'an passé, le document définit les grandes lignes de la politique sociale qui sera menée tout au long de l'année à venir, en insistant sur la place majeure de la formation professionnelle, mais aussi de l'orientation et de la GPEC, dans la “bataille pour l'emploi" entamée par le gouvernement.
La “partie II de l'acte III" directement intégrée dans la réforme de la formation ?
“Une orientation performante est une condition-clé de la réussite des politiques de l'emploi tout au long de la vie", souligne le document de Matignon. Cette question aura d'ailleurs nourri les débats tant de la table-ronde “emploi et formation" que de celle consacrée aux “filières d'avenir" sur les territoires. Deux dossiers à ce point imbriqués que le ministre du Travail n'a pas hésité à affirmer que si la deuxième partie de l'“acte III de la décentralisation" – c'està- dire le transfert aux Régions des politiques d'orientation et de formation – tardait trop, il l'intégrerait dans la réforme de la formation professionnelle.
“Si cette initiative venait à se concrétiser, elle contribuerait à renforcer la cohérence des politiques de formation dans les territoires.
Resterait à connaître la place réservée aux Chambres de commerce dans cette configuration", estimait Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI d'Île-de-France. La feuille de route ne reprend cependant pas explicitement cette hypothèse de travail.
Du paritarisme dans le SPO ?
La question de l'importance des territoires comme échelon de recensement des besoins, métiers, compétences et filières a suscité un large consensus au sein des organisations participantes. “Il y a une nécessité absolue à mettre en coordination les GPEC de branches et de territoires", expliquait Frédéric Grivot, président de l'Union nationale de petite et moyenne industrie (UNPIM) et négociateur de
la CGPME, “malheureusement, les services d'orientation connaissent peu les entreprises, leurs besoins, leurs difficultés de recrutement
et l'offre de formation à déployer pour y répondre. C'est pourquoi nous demandons à ce que les représentants des entreprises soient associés au travail d'identification des filières et d'anticipation des compétences". Une manière de réclamer davantage de paritarisme dans la gouvernance des services régionaux d'orientation ? Philippe Louis, patron de la CFTC, a souligné l'intérêt de rassembler État, Régions et partenaires sociaux au sein des instances de pilotage, “quitte à redéfinir, au besoin, les prérogatives des uns et autres".
Améliorer l'offre
Quant au projet d'“améliorer l'offre de formation existante en vue de son adaptation aux métiers de demain", il a immédiatement fait penser à l'Afpa − “sauvée" à l'occasion de la première édition de la conférence sociale, en 2012. “Reste à pérenniser financièrement
l'Afpa pour qu'elle puisse pleinement devenir cet organisme de formation de référence et de dimension nationale dont nos territoires
ont tant besoin", a souhaité Claude Jeannerot, qui représentait l'Association des maires de France (AMF) à la table ronde emploi formation.
La feuille de route propose d'ailleurs aux Régions et partenaires sociaux une réunion spécifique d'observation et de suivi du “plan de revitalisation de l'Afpa" mis en place par son président, Yves Barou.
Développement de l'alternance
Par ailleurs, la feuille de route pérennise le groupe de travail quadripartite sur l'apprentissage, qui s'est déjà réuni à deux reprises. Un groupe dont les services du ministère du Travail devraient abandonner la direction pour la laisser à “une personnalité qualifiée", pas encore choisie à ce jour. Quant à l'ossature du plan de développement de l'alternance, elle reprend les travaux
initiaux menés par les services de Thierry Repentin, lorsque ce dernier était en charge de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage auprès de Michel Sapin. “Nous déplorons la faible implication des grandes entreprises sur l'apprentissage, qui reste le fait de PME et TPE, a lancé Philippe Louis, c'est pourtant à elles de donner l'impulsion nécessaire sur ce sujet".
Benjamin d'Alguerre
QUESTIONS À JEAN-CLAUDE MAILLY, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE FORCE OUVRIÈRE
Questions à Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière
Jean-Claude Mailly a accordé un entretien à L'Inffo, en marge des tables rondes du 20 juin.
La formation a pris finalement davantage de place que prévu lors de la conférence. Vous vous en félicitez ?
À l'origine, il n'était même pas question qu'une table ronde soit consacrée à ce sujet. C'est grâce, notamment, aux demandes de Force ouvrière qu'un atelier dédié a pu, finalement, se tenir. Mais je reste tout de même étonné par l'attitude schizophrène du gouvernement qui, d'un côté, affirme faire de l'emploi une priorité – et François Hollande l'a rappelé tant dans son échange avec les partenaires sociaux que dans son discours d'introduction – tout en poursuivant une politique économique d'austérité salariale, de réduction des dépenses publiques et de
flexibilité du travail qui a pour conséquence de “flinguer" cet emploi ! En matière de formation, le gouvernement tient surtout à afficher un objectif : celui d'atteindre 500 000 apprentis d'ici trois ans, contre
430 000 aujourd'hui. Très bien, mais il n'y a pas besoin d'une conférence sociale pour ça !
Mais pour FO, le sujet du compte personnel de formation (CPF) n'est pas une priorité ?
Pour l'instant, ce CPF n'est qu'une formule creuse, une tête de gondole. Que fait-on du Dif ? Sera-t-il fusionné dans le compte personnel ou pas ? Pour l'instant, rien n'a été clairement déterminé à ce sujet et, de toute façon, cette question ne se réglera pas là. Elle relève de la future négociation sur la formation professionnelle qui débutera en septembre. Le gouvernement ne doit pas confondre “tables rondes" et “négociation" et ce n'est pas à lui de dire aux partenaires sociaux ce qu'ils doivent négocier.
Que pensez-vous du croisement des projets d'“acte III de la décentralisation" et de réforme de la formation ?
FO est de tradition jacobine, ce n'est unsecret pour personne. Dans ces conditions,nous serons extrêmement vigilants face au transfert des compétences “apprentissage et formation" aux Régions dans le cadre de l'acte III, particulièrement pour tout ce qui concerne la mutualisation des fonds, mais surtout pour le respect de l'égalité entre
les territoires. Cela nous amène également à nous montrer méfiants envers l'article 18 de la loi Peillon qui prévoit de confier aux Conseils régionaux toutes les prérogatives en matière d'ouverture et de fermeture des établissements d'enseignement professionnel. Il est hors de question que ceux-ci pâtissent de la promotion de l'apprentissage par les Régions. Je n'ai rien contre l'apprentissage, mais ce n'est pas avec 430 000 − ou même 500 000 apprentis − qu'on réglera le problème du chômage.
Propos recueillis par B. d'A.
EMPLOIS D'AVENIR ET CONTRATS DE GÉNÉRATION : LES “OUI, MAIS…"
Deux dispositifs qui, de l'aveu unanime des représentants syndicaux et patronaux “ont encore du mal à décoller", comme l'a observé, le 20 juin un représentant du Medef. Le contrat de génération, entré en vigueur le 18 mars, et les emplois d'avenir, effectifs depuis le 26 novembre, sont deux sujets “emploi" porteurs d'un large volet “formation". Le gouvernement maintient son ambition de voir 100 000 emplois d'avenir créés d'ici à la fin 2013. Réaliste ? 33 000 l'étaient effectivement à la date de la conférence.
Pas (encore) dans les secteurs créateurs d'emploi
Le secteur de l'emploi associatif demeure la première source de recrutement pour ces contrats, ont pointé Robert Baron et Jean- Marie Poujol, présidents respectivement d'Uniformation et d'Unifaf, les deux Opca de l'économie sociale. “Deux organismes dont la collecte cumulée s'élève à près de 700 millions d'euros, ce qui justifie notre légitimité à nous exprimer sur ces questions… à la conférence sociale comme ailleurs !", a souligné Alain Cordesse, président de l'Usgeres [ 1 ]L'Usgeres est devenue depuis l'Udes (Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire), le 24 juin., principale organisation des employeurs du secteur de l'économie sociale et solidaire.
Autre vivier potentiel d'emplois pour les jeunes, l'artisanat, et plus particulièrement le secteur du bâtiment. À en croire Patrick Liébus, président de la Capeb (Confédération artisanale des petites entreprises du bâtiment, l'une des trois composantes de l'UPA) et chef de file de la délégation des artisans-employeurs à cette table-ronde, ce sont près de 80 000 emplois qui sont à pourvoir au sein des métiers de la construction.
Les artisans ne sont pas les seuls “petits patrons" potentiellement intéressés par les emplois d'avenir : les professions libérales, représentées à la conférence par l'UnaPL, s'estiment également légitimes pour déployer ce dispositif en leur sein, même si, actuellement, elles ne font pas partie des employeurs susceptibles d'y recourir. “Les professions libérales ont généré 60 000 créations d'emploi entre 2009 et 2012, en dépit de la crise" rappelait Michel
Chassang, président de l'UnaPL.
Négociations de branche
Moins de volontarisme, en revanche, pour les contrats de génération. Pour l'heure, une seule branche – celle des assurances – a signé un accord relatif à leur instauration. De source syndicale, une trentaine de branches seraient en cours de négociation. “30 sur 700…", soupirait-on dans les couloirs de la conférence. “Il est vrai que dans le secteur de l'économie sociale, ce dispositif demeure encore faiblement utilisé", reconnaissait Alain Cordesse qui, cependant, table sur une “importante montée en charge" de ces contrats dans les mois à venir, grâce au travail réalisé conjointement par l'Usgeres, les Direccte et le réseau des Missions locales. Côté UnaPL, c'est surtout la limite d'âge de 25 ans qui coince : “Dans nos métiers, les études durent généralement longtemps, aussi cet outil me paraît inadapté à nos réalités", expliquait Michel Chassang.
En revanche, les CCI voient dans ce type de contrat un outil de promotion de l'alternance. “Le modèle du senior en charge du tutorat d'un jeune, c'est très exactement celui de l'apprentissage", faisait observer André Marcon, le président du réseau des CCI. Un bon point pour le contrat de génération, là où les emplois d'avenir, eux, restent
peu prisés par les chambres consulaires du fait de leur faible déploiement dans le secteur marchand et de la nécessité de construire des parcours de formation adaptés à ces types de contrats.
Nicolas Deguerry
LE DOSSIER FORMATION, PLUS CONFLICTUEL QUE L'AN PASSÉ
C'est dans un climat tendu par l'aggravation du chômage depuis un an (1 000 nouveaux demandeurs d'emploi chaque jour), mais aussi marqué par l'arrivée sur le devant de la scène de nouveaux leaders syndicaux et patronaux, que s'est tenue la conférence.
Les représentants de Force ouvrière ont défendu leurs propositions de transfert d'une partie des fonds accordés au crédit d'impôts
compétitivité-emploi (Cice) vers l'emploi et la formation professionnelle, l'accroissement des moyens à accorder au service public de l'emploi (Pôle emploi, Afpa, Missions locales) et l'ouverture de négociations de branche relatives aux dispositifs formation emploi
pour les CDI. Alors que le compte personnel de formation (CPF) n'apparaissait nulle part dans la “synthèse prioritaire" de FO. Le compte, en revanche, figurait bien sur les tablettes de l'autre organisation non signataire de l'Ani du 13 janvier 201, la CGT,
qui espère bien faire de cet outil un élément du “développement des filières et des emplois de demain", sans toutefois sacrifier les droits des salariés au profit des seuls demandeurs d'emploi. Alors que la CFDT, signataire de l'Ani, a proposé − à l'instar de François Hollande − de donner la priorité d'accès à la formation des salariés et chômeurs les moins qualifiés et plaidé pour une extension du CPF aux agents de la fonction publique et son intégration dans les dispositifs de l'Éducation nationale. Une revendication qu'elle partage avec l'Association des Régions de France.
La CGT s'est annoncée hostile à toute remise en cause de la cotisation formation obligatoire des entreprises (le “0,9 %"), mais la
CFDT s'est affirmée prête à entamer le dialogue avec le patronat en vue d'une “modification de la contribution des entreprises, pour financer le CPF par mutualisation". Remettre à plat le système et les dispositifs existant, la CFTC s'y est déclarée également prête, si, néanmoins, “salariés et demandeurs d'emploi ne restent pas les seuls à en supporter les efforts". Favorable au CPF en tant qu'outil de développement les compétences, la centrale – signataire de l'Ani – en a appelé à une politique de formation en adéquation avec les besoins d'emploi, à la généralisation de la POE sur les territoires
et, surtout, au renforcement du rôle d'un “État stratège" assisté par les partenaires sociaux. À l'opposé des syndicats, le patronat avait
abordé cette conférence sociale en faisant front commun. La veille de son ouverture, les trois organisations représentatives – Medef, CGPME et UPA – signifiaient leur position concordante sur la représentativité patronale. Partisan d'une liste des “formations éligibles" au compte personnel de formation ainsi qu'à l'établissement d'une “traçabilité" de celui-ci, le principal syndicat patronal réclame que la gestion et l'actualisation de cet outil soit placé entre les mains d'un “opérateur national". Une revendication également portée par la CGPME qui, pour sa part, souhaite voir Dif et Cif fondus au sein de ce nouveau droit. Mais l'organisation de Jean-François Roubaud a d'ores et déjà prévenu : “La mise en place du compte personnel de formation ne doit
modifier ni la configuration des contributions des entreprises, ni leurs modalités de versement." Et si les représentants patronaux sont unanimes quant à la promotion et au développement de l'apprentissage, ils le sont également pour estimer devoir conserver
leur libre-choix quant à l'affectation aux établissements récipiendaires de la taxe.
Les “non-représentatifs" ont fait entendre leur voix
Toutefois, les organisations “représentatives" n'étaient pas les seules à s'asseoir autour des tables puisque, comme l'an passé, syndicats autonomes et employeurs du “hors-champ" ont été invités. Ainsi, l'Unsa – dont le compte personnel de formation constituait l'une des revendications jusqu'à sa création effective – souhaite contribuer elle aussi au développement de l'outil. Dans sa volonté de voir les droits à la formation “attachés à la personne et non au statut", le syndicat autonome a estimé que l'instauration du CPF et la sécurisation des parcours professionnels devait s'inscrire dans un “dialogue social élargi", allant jusqu'à la négociation du plan de formation des entreprises.
Davantage concentrée sur cette urgence qu'est la formation des demandeurs d'emploi, la FSU a souligné la nécessité de la création d'un “grand service public de la formation professionnelle" piloté par l'État. Non hostile au compte personnel de formation, la Fédération syndicale unitaire compte cependant affiner les contours de ce nouveau droit, notamment concernant la nature des formation accessibles.
Benjamin d'Alguerre
PROCHAINS RENDEZ-VOUS
“Le temps est venu d'engager une belle et ambitieuse réforme de la formation professionnelle et de l'alternance", a résumé Jean-Marc Ayrault lors de son discours de clôture de la conférence, le 21 juin. Saluant la présence de 300 participants (membres du gouvernement, partenaires sociaux, représentants des collectivités territoriales et des chambres consulaires), il a estimé que la France et l'Europe subissaient depuis cinq ans une crise profonde qui “pourrait menacer les fondements même de notre édifice social". Pour éviter cette menace, il a récapitulé les stratégies du gouvernement.
LE DOCUMENT D'ORIENTATION DE LA RÉFORME
Il a estimé qu'il n'était pas possible de “laisser le système en l'état" et a rappelé les deux objectifs fixés à cette réforme : mieux orienter la formation vers ceux qui en ont le plus besoin (demandeurs d'emploi, dont 20 % seulement accèdent à la formation par an, jeunes sans qualification, salariés en situation d'illettrisme) et “faire de la formation, un levier de compétitivité pour l'ensemble des entreprises". La réforme devra aussi mettre en œuvre le compte personnel de formation. Il a indiqué que le document d'orientation du gouvernement devant guider les partenaires sociaux dans leur négociation serait envoyé très rapidement.
Celle-ci devra permettre la présentation d'un projet de loi d'ici la fin de l'année et elle associera les Régions et l'État via une concertation quadripartite menée en parallèle. À ne pas confondre avec la concertation sur le développement de l'alternance, lancée en septembre.
Dans l'immédiat, pour que les emplois non pourvus faute de compétences disponibles le soient, le “plan de formations prioritaires
pour l'emploi" ne constituera pas, a-t-il insisté, “un énième plan décidé sans concertation", voire un “effet d'annonce". Michel Sapin, ministre du Travail, réunira les participants à la conférence pour “recenser
les besoins, par région et par secteur, préciser les outils utilisables immédiatement et mobiliser les financements". Le Premier ministre espère obtenir l'appui financier du Fonds paritaire de sécurisation des parcours, des Régions (qui “seront également au rendez- vous"), et il a assuré que l'État apporterait sa contribution. Le plan de formations
prioritaires devra être opérationnel en septembre et l'objectif d'entrées en formation supplémentaires est de 30 000 en quatre mois. Une action prioritaire et immédiate qui “devra s'inscrire dans la durée avec la réforme plus globale que nous engageons", a conclu le Premier ministre.
Béatrice Delamer
Notes
1. | ↑ | L'Usgeres est devenue depuis l'Udes (Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire), le 24 juin. |