La formation au coeur de la nouvelle page des relations France-Maghreb
Par Knock Billy - Le 16 mars 2013.
Moins tonitruants que les investissements qataris, ceux des sociétés du Maghreb dans l'économie française iraient croissant. Avec sauvegarde d'emplois à la clé. Mais ces pays restent aussi demandeurs d'actions de
formation pour leur propre économie, et tout particulièrement une nation en pleine reconstruction : la Libye.
La Convention France-Maghreb se veut “un élément fédérateur des échanges", notamment économiques, entre les deux rives de la Méditerranée. Elle entend promouvoir une image de dynamisme économique pour les pays de cette région – Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie. Elle tenait sa onzième édition le 8 mars dernier, à Paris.
Pour Mohamed el Ouahdoudi, président de cette convention, “les leviers d'une nouvelle croissance en France se trouvent en grande partie dans les pays du Maghreb", dont les prévisions de
croissance pour 2013 dépassent les 3 % (17 % pour la Libye), contre - 0,2 % pour la France (source Coface [ 1 ]Agence spécialisée dans l'assurance-crédit à l'exportation. www.coface.fr). Alors que les investissements
des pays du Moyen-Orient en France sont de type capitalistique, ceux du Maghreb apparaissent d'ordre industriel. “De plus en plus de PME investissent en rachetant des entreprises françaises ou en en créant, permettant le maintien d'activités économiques et la création d'emplois dans l'Hexagone", se félicite Mohamed el Ouahdoudi.
Exemple, avec le rachat très récent de l'entreprise Leblanc (menuiserie métallique et serrurerie, en Mayenne) par Jet Alu Maroc. Le président de la Convention entend d'ailleurs créer, avec le soutien de la mairie de Paris, un Observatoire de l'investissement maghrébin en France. “Que ce soit dans les technologies de l'information et de la communication ou dans d'autres domaines, Paris offre de nombreuses opportunités d'investissements pour les entrepreneurs maghrébins", a indiqué Christan Sautter, adjoint au maire de la capitale en charge du développement économique, de l'emploi et de l'attractivité internationale.
“Nous inspirer des initiatives françaises en matière de formation"
Mais les entrepreneurs présents la Convention France-Maghreb ne cherchent pas tous à investir en France. “L'objectif de notre présence à Paris est, non seulement de convaincre les entreprises françaises à nous accompagner dans notre reconstruction, mais aussi à voir comment nous pouvons profiter des savoir-faire français pour notre développement économique, les créations d'emploi en faveurs de nos jeunes et nous inspirer des initiatives françaises en matière de formation et de développement des compétences", a indiqué Hassan Ali Aldroe, ministre délégué à l'Industrie de la Libye, qui a accompagné
une délégation de chefs d'entreprise en recherche de partenariats économiques. “La nouvelle Libye offre de nombreuses opportunités d'investissement (dans la construction, la santé, les télécommunications et l'industrie) et de créations d'emploi", a rappelé le vice-ministre. Qui a promis aux entrepreneurs français de les “aider à aider la Libye à se reconstruire".
La France s'est aussi engagée à aider les entreprises françaises à participer à la reconstruction de ce pays, a indiqué Malika Berak, ambassadrice pour la coopération méditerranéenne (ministère des Affaires étrangères français), également chargée de faciliter les contacts des entreprises françaises sur le marché libyen.
QUESTIONS À HASSAN ALI ALDROE, MINISTRE DÉLÉGUÉ À L'INDUSTRIE DE LA LIBYE
“Pour la reconstruction, nous avons d'importants besoins de formation en administration publique"
Quel état des lieux faites-vous de la situation de l'emploi et de la formation dans votre pays ?
La Libye est confrontée à un chômage grandissant des jeunes.
La sous-estimation du chômage pratiquée par l'ancien régime fait qu'il est impossible de chiffrer le chômage des jeunes. Actuellement, nous ne disposons pas de données précises sur les chiffres du chômage [ 2 ]Selon le recensement de 2006, le taux de chômage était estimé à 20,7 %.. De plus, entre 10 et 20 % des personnes ayant un emploi ne travaillent pas réellement. L'informel occupe une place importante dans notre système économique. Le gouvernement a hérité d'une situation de l'emploi calamiteuse et d'un important manque de qualification des jeunes. La Libye est un pays en pleine reconstruction. Comme vous pouvez l'imager, le pays a besoin de main-d'œuvre et d'expertise pour reconstruire ses infrastructures. Dans cette situation, les opportunités d'emplois pour les jeunes
Libyens sont très nombreuses. Un tiers de notre population a moins de 15 ans. Nous devons ajuster notre offre d'enseignement et de formation professionnels à notre marché du travail. Nos besoins sont immenses, notamment dans les secteurs de la construction, des télécommunications, des transports, de l'industrie et de l'agriculture.
Nous entendons également, dans les prochaines années, pouvoir offrir davantage d'opportunités de travail à la main-d'oeuvre étrangère qualifiée. Notre pays compte environ 6,7 millions d'habitants pour un vaste et très riche territoire [ 3 ]Avec une superficie de 1 759 540 km2, la Libye fait un peu plus de trois fois celle de la France.. C'est un pays à haut potentiel ! Nous avons montré notre capacité à faire de grands progrès dans nos efforts de relance de notre économie, en améliorant la sécurité, en redonnant confiance aux investisseurs étrangers, en récupérant le secteur pétrolier... La croissance en 2012 était de 20,1 %.... Les prévisions pour 2013 se situent entre 9,5 % et 17 %.
Vos besoins en qualifications sont importants. Concrètement, quels
sont-ils ?
Sous l'ancien régime, notre système éducatif avait mal préparé nos étudiants et nos jeunes à répondre aux demandes du marché du travail local. Les retours des dépenses ou des investissements d'éducation sont insignifiants, voire négatifs. C'est pour nous une urgence de reconstruire notre système éducatif et de formation.
Il est difficile, à l'heure actuelle, de chiffrer avec exactitude nos besoins en qualifications. Il y a urgence à former nos jeunes afin qu'ils puissent intégrer les chantiers de construction des routes, des bâtiments, des industries, etc. Les besoins ne sont pas les mêmes dans tous les domaines. Ainsi, par exemple, nous n'avons pas d'importants besoins en qualification dans le secteur de la
santé. Nous disposons pour ce secteur de ressources humaines nationales capables de satisfaire nos besoins. Cependant, il nous faut former davantage de personnes pour assurer l'administration de ce système de santé. Et nos besoins en compétences de gestion administrative ne concernent pas ce seul secteur. Pour diriger efficacement un pays aussi riche que la Libye, il faut des personnes compétentes en administration publique. Nous avons besoin de
former beaucoup de Libyens pour assurer une meilleure gestion du secteur public.
Avec l'aide de partenaires étrangers, dîtes-vous. Les avez-vous déjà
identifiés ?
Pour nous, il est important de montrer à nos partenaires que nous n'attendons pas pour reconstruire. Dès le lendemain de la révolution, c'est-à-dire dès 2012, nous avons commencé à investir dans l'éducation et la formation. Un milliard de dinars (environ 615 millions d'euros) ont été consacrés par le ministère du Travail et de la Formation professionnelle à la formation. Le même montant a été reconduit pour 2013. Par ailleurs, le ministère de l'Industrie a envoyé
plusieurs de ses cadres en formation à l'étranger afin de renforcer leurs capacités techniques, administratives, législatives et autres.
En matière de formation, nous mettons actuellement en place des axes de partenariats formels, en construisant une stratégie globale qui nous permette d'identifier clairement les acteurs qui peuvent nous accompagner sur quels projets et dans quelles conditions. Les organisations et les entreprises françaises peuvent nous apporter leur savoir-faire et leur expérience. La Libye est un gigantesque chantier où toutes les bonnes initiatives et volontés de partenariat sont les bienvenues. Les changements politiques sont en cours
pour nous permettre de relever ces défis de la reconstruction.
Propos recueillis par K. B.
Notes
1. | ↑ | Agence spécialisée dans l'assurance-crédit à l'exportation. www.coface.fr |
2. | ↑ | Selon le recensement de 2006, le taux de chômage était estimé à 20,7 %. |
3. | ↑ | Avec une superficie de 1 759 540 km2, la Libye fait un peu plus de trois fois celle de la France. |